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Genève bombardée par erreur par des appareils A.W.Whitley britanniques (1940) [3 vidéos]

 

Dans la nuit du 11 juin 1940, 36 bombardiers de la RAF bombardent l’usine italienne Fiat à Turin. L’Italie est entrée en guerre la veille ! Au retour, les avions survolent la Suisse et 3 appareils larguent leurs bombes sur Genève et dans la région de Renens et Daillens (VD), laissant des morts et des blessés. Le gouvernement britannique émettra ses regrets et versera un dédommagement de 1,2 millions de francs d’alors.


La chambre de l’Hôtel Beau-séjour à Champel dans laquelle le 1er lieutenant Wadell est blessé durant la nuit du 11 au 12 juin 1940 (photo J.-C.Mayor).

Genève, ville en paix, mais bombardée

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Inspection des dégâts (photo J.-C.Mayor).

Au début de l’été 1940, Genève ville de paix, ville de la Société des Nations, non défendue par l’armée suisse, entourée de 115 km de frontières avec un pays en guerre, reste reliée à la Suisse par une bande de quelques kilomètres de large au bord du canton de Vaud. Place cernée et probablement inconfortable, elle a été épargnée jusque là par les terribles actes guerriers qui inondent le reste de cette Europe qui l’entoure.

A cette époque, on ne s’envole plus dans le ciel suisse, sauf bien sûr si l’on pilote dans les Troupes militaires d’aviation, ou avec quelques rares planeurs au centre du pays ou bien en tant que passager sur les quelques "vols de guerre" entretenus par Swissair. Cette dernière vient de déménager momentanément ses bureaux, ses services techniques et sa flotte au Tessin sur l’aérodrome de Locarno-Magadino, le 14 mai.

Les quartiers touchés : Champel, Plainpalais et Carouge

Dans la nuit du 11 au 12 juin 1940, en 3 vagues successives, des avions anglais Armstrong-Whitworth A.W.38 Whitley du Bomber Command survolent Genève et 8 bombes de 170kg sont lâchées sur Champel, Plainpalais et Carouge (01h50). La 1ère bombe tombe sur une propriété située au 5 chemin Venel. Lorsque l’on mesure les dégâts qui en résultent : toutes les vitres, y compris celles des portes intérieures de la villa, ont volé en éclats, on a de la peine à croire que les sept habitants ont pu s’échapper de là sans aucune blessure. Ä l’hôtel et hôpital Beau-Séjour, où logent un grand nombre de soldats dans une annexe, ainsi que des munitions, c’est un miracle que l’on ne déplore qu’un seul mort parmi les blessés, mais 2 décèderont encore par la suite. Le 3ème projectile est tombé en bas du chemin de la Roseraie, à proximité de la villa de M. Senn, préparateur, rendant celle-ci inhabitable, et détruisant complètement la villa "Les Clématites" de Pierre Meyer. Le point de chute de la 4ème bombe se situe dans le jardin d’une villa où sa propriétaire a été projetée hors de son lit. La 5ème bombe tombe au chemin des Croisettes au pied d’un immeuble locatif dont toute la façade est criblée d’éclats ; les fenêtres et volets sont entièrement détruits. Le 6ème projectile chute dans des jardins ouvriers de la rue de la Ferme. Le 7ème explose dans l’Arve, en aval du pont de Carouge, éventrant la grosse conduite de gaz qui longe le tablier du pont et qui prend feu. La dernière bombe percute à la rue des Allobroges causant aussi des dommages.

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Equipage d’un Whitley : navigateur, radio, mitrailleur arrière, 2e pilote, commandant de bord.

A l’emplacement du point de chute de chaque bombe les autorités militaires procèdent à une enquête et entendent les personnes des immeubles touchés. Les réparations commencent aussitôt, les vitriers ne chôment pas, tandis que de nombreuses équipes de la voirie débarrassent les chaussées des amas de détritus divers qui les encombrent. L’approvisionnement en gaz de ville est rétabli sur le pont de Carouge...

Le 14 juin, le bilan des victimes genevoises s’établit à 5 morts, Julia Escher, 35 ans (18 rue de la Ferme), et les soldats de la compagnie territoriale V/122, le fusiller Fernand Chollet, le 1er lieutenant Wadell, le sergent Roeck et le civil Maurice Nançoz. Des blessés gravement atteints (dont 6 femmes et l’appointé Murisier) et une vingtaine de personnes plus légèrement touchées peuvent quitter l’hôpital dans les 2 jours qui suivent. Le fusiller Drocco eut plusieurs doigts arrachés.

A noter que peu de temps avant Genève, la même nuit, sept bombes anglaises s’abattaient sur les installations ferroviaires de Renens (01h25) où l’on déplora 8 blessés et 2 décès (Mme "Dante"/Irénée Cocconi et Mr Muller). Six bombes tombaient à Daillens, dans un champ (01h15). Au total, 7 malheureuses victimes seront dénombrées cette nuit là.

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Cinq des points d’impact des bombes britanniques (JCC).

Mais si Genève a été bombardée, il ne s’agit pas, bien sûr, d’un acte prémédité, mais d’une erreur commise par des avions étrangers, égarés dans un ciel chargé de nuages, qui se sont trompés sur leur position exacte, prenant Genève (Geneva) pour Gênes (Genoa). Car l’Italie était entrée en guerre le 10 juin ! Au regard des impacts sur le sol genevois, il semble d’ailleurs qu’un seul appareil en soit la cause et volant de plus sur un axe non orienté vers Turin ni orienté vers l’Angleterre (Flying Officer : Bisset, 51e squadron ?). Ce bombardier visait-il la gare de la Praille ?

Hélas pour la population, l’indéfendable Genève n’a sonné l’alarme que 10 minutes après le bombardement et aucune DCA n’était implantée dans le canton, ni d’ailleurs aucune escadrille d’avion de chasse des Troupes suisses d’aviation, qui n’interviennent d’ailleurs pas la nuit.

En fait il s’agit cette nuit là d’un des premiers raids de bombardiers de la guerre. Partis des îles anglo-normandes, les "Whitley" des squadrons 10, 51, 58, 78 et 102 doivent viser les usines Fiat de Turin et les usines Ansaldo de Gênes. Mais, sur les 36 avions de la formation, 23 rencontrent des problèmes de météo sur les Alpes et modifient leur mission. Seuls 9 appareils rejoignent Turin et bombardent principalement des gares ferroviaires, 2 bombardent Gênes, 15 s’en retournent à leur base avec leurs munitions, un avion est abattu, trois appareils larguent leur chargement sur la Suisse romande (3 x 1.361kg). Les autres équipages n’ont pas fourni les détails de leur raid.

Curieusement, le matin du 11 juin, le Conseil d’Etat avait entériné la loi L 3 05.01 "sur les mines" ..... mais il ne s’agissait là que de l’exploitation de minerais ou de gravières.... Par mesure de sécurité, dans les musées genevois, on va dès lors placer les objets de valeur à l’abri, dans les sous-sols de divers bâtiments du canton, pour quelques temps.... Heureusement, il n’y aura pas d’autres bombes larguées sur Genève durant la 2ème Guerre mondiale.

 

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Petite fabrique carougeoise détruite par une bombe du côté de la rue des Allobroges.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 16 juin 2008
  • Pour plus d’information, voir : Infringing neutrality, the RAF in Switzerland 1940-1945, de Roger Anthoine. Ed.Tempus, 2006, 256p, pp:32-34, ills, à la "Librairie ".
  • [02.2008] Bombardement de Genève de juin 1940 (vidéo-diaporama, N&B, sonore, 02’, 47Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3 minimum.
    [07.2014] Bombardier Armstrong Whitley Mk5 (1939-40) (vidéo, N&B, sonore, 1’40’’, 33Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.5 minimum.
    [06.2015] Bombardement de Genève : témoignages d’habitants d’alors (juin 1940) (vidéo sonore, 05’54’’, 176Mo). Images de J.C.Brussino, "Autrefois Genève". Format QuickTime 7.5 minimum.

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