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Crashs au Mont-Blanc de deux appareils d’Air-India à destination de Genève (1950 et 1966) [6 vidéos]

 

Deux cent vingt millions de passagers ont fait escale à Genève depuis la fin 1920. Moins de 470 étaient à bord de 5 avions qui n’ont jamais pu rejoindre la capitale romande pour diverses raisons. Ces passagers et leurs équipages ont tragiquement disparu. Parmi eux, les voyageurs à bord de 2 appareils d’Air-India qui percutèrent le sommet du Mont Blanc à l’approche de Genève en 1950 et 1966. C’est l’occasion d’honorer à nouveau leur mémoire et de rappeler que le risque "zéro" n’a jamais existé.


Un Super Constellation d’Air-India semblable au Constellation qui a percuté le Mont-Blanc en novembre 1950.

Une météo bouchée sur le Mont-Blanc et un avion légèrement hors de sa route

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Le "Malabar Princess" d’Air India à Cointrin.

Il y a probablement d’autres passagers, plus nombreux, qui n’ont pas pu rejoindre Cointrin pour des raisons météorologiques, chute importante de neige, épais brouillard, dans des années ou les hivers étaient plus marqués qu’aujourd’hui. Ce n’était qu’une escale retardée par un itinéraire final effectué en train ou en car pour rejoindre Genève depuis des aéroports de désistement : Lyon, Zurich, etc. Il n’en a pas été de même pour les deux appareils d’Air-India qui malheureusement percutèrent le Mont-Blanc à 16 ans d’intervalle.

Le vendredi 3 novembre 1950, un Lockheed L-749 Constellation disparaît à 10h45 des écrans radars de Cointrin peu avant son atterrissage prévu sur l’aéroport de Genève. Chargé d’assurer la liaison Bombay-Le-Caire-Genève-Londres, l’appareil immatriculé VT-CQP transporte 39 passagers et 6 membres d’équipage (vol AI 109). Venant du sud, il heurte les pentes du Mont-Blanc, dans les Alpes françaises. Les recherches sont rendues difficiles en raison du mauvais temps qui sévit sur la région du massif des Alpes. Le centre de Grenoble affirme que le pilote a donné sa dernière position 10 minutes avant sa disparition et qu’à ce moment là, il se trouvait à 80km au sud-est de Lyon, à une altitude de 4.700m environ.

Les samedi et dimanche un DC-3 de Swissair mène les recherches du Constellation. Il est piloté par le cap Meyner accompagné du radio-télégraphiste Heusser, de Bratschi (voir : Biogr) directeur de l’aéroport de Cointrin, de Frédéric Herzig (1923-2011) chef d’escale d’Air-India et d’autres personnes. Elles découvrent la triste vérité en passant au-dessus du Mont Blanc, le dimanche après-midi, vers 15h45, à environ 200m au dessous du sommet : "Il semble que l’avion indien était en train de prendre de la hauteur lorsqu’il toucha la montagne. Les ailes et le fuselage paraissaient encore en plus ou moins bon état alors que la queue était détruite. L’avion n’a pas pris feu. On ne constate aucun signe de vie. Il ne parait pas que le Constellation ait percuté contre la montagne car, dans ce cas, il eut été entièrement détruit, ce qui n’est pas le cas. L’essence contenue dans les réservoirs s’est écoulée et, de ce fait, a empêché la neige de demeurer sur l’avion, ce qui a permis à l’avion suisse de repérer l’épave."

C’est 4 jours après le crash que l’épave du "Malabar Princess" est rejointe par des colonnes de sauveteurs, à 4.671m d’altitude exactement, sur le rocher de la Tournette, à 300m du refuge Vallot. Aucun survivant n’est retrouvé parmi les 45 occupants de l’avion indien calciné. Les 39 passagers étaient en majorité des marins pakistanais et indiens devant rejoindre leur port dans le nord de l’Angleterre (Newcastle Upon Tyne). L’appareil avait été construit en 1948, l’équipage Anglo-Indien commandé par Allan R.Saint était très expérimenté, et à une vingtaine de mètres près, l’avion aurait échappé à la catastrophe ? La nouvelle de cet accident marqua fortement les esprits à une époque où les vols de ligne étaient peu nombreux. Il sera même réalisé rapidement un film de fiction basé sur cette tragédie "Neige en deuil" (The mountain, USA, 1956, 105’, Paramount, avec Spencer Tracy) qui marqua encore plus les mémoires, repris d’un best-seller de l’académicien Henri Troyat et publié dès 1952. Plus tard, l’événement initia encore un second long métrage intitulé "Malabar Princess" (F, 2004, 94’ avec Jacques Villeret).

C’est ce même avion "Malabar Princess" qui avait effectué le vol inaugural de la ligne et atterri pour la 1ère fois à Cointrin le 9 juin 1948. Ce jour là une délégation officielle avait accueilli l’équipage et ses 35 passagers dont 6 débarquaient à Genève. Les autres personnalités, incluant le grand patron de la compagnie, JRD Tata, après un repas à l’aéroport, repartaient pour Londres à 20h40. Un timbre officiel indien illustré du Constellation fut émis à cette occasion.

A 16 ans d’intervalle, la même catastrophe !

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Un Boeing 707 du même type que celui qui s’est écrasé en 1966.

Le vendredi 24 janvier 1966, encore en hiver, un jet, un Boeing 707-437 d’Air-India heurte à nouveau les flancs du Mont-Blanc sur territoire français (08H). Chargé d’assurer le vol 101 Bombay-New- Delhi-Beyrouth- Genève-Paris- Londres-New-York, l’appareil immatriculé VT-DMN transporte 106 passagers et 11 membres d’équipage. Son épave est localisée vers 11h par le pilote genevois Raymond Tillmann (voir : Récit), pilotant un "Dove" fédéral (copilote Jacques Signer, °1936), à proximité du rocher de la Tournette, à 4.677m d’altitude. Sur les lieux de la catastrophe les sauveteurs ne retrouvent aucun survivant parmi les 117 occupants, dont le célèbre atomiste indien Homi J.Bhabba (né en 1909), deux Françaises, un Suisse, ainsi qu’une centaine de singes macaques se trouvant en soute à bord du "Kanchenjunga" (un sommet de l’Everest). Quelques minutes avant l’accident, le contrôleur aérien du centre régional de Genève-Cointrin, Léo Schegg, signale au commandant de bord D’Souza qu’il lui reste 9km avant de survoler le massif du Mont-Blanc. Mais pour des raisons indéterminées, ni le contrôleur, ni le pilote ne se rendent compte que l’avion ne se trouve qu’à 4.600m d’altitude, alors que pour survoler cette région, le seuil minimal est fixé à 5.800m. Certains suggèrent qu’une collision aérienne avec un avion militaire aurait eu lieu ( ?).

Deux dates, un seul lieu, quelques destins hors normes !

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Sur le B-707, Josette Bonnargent (F) avait remplacé une amie qui voulait encore visiter le Taj Mahal (D.Roche).

Outre le respect que l’on doit à la mémoire de ces décédés, à la peine des familles et acteurs d’Air-India, il faut remarquer quelques destins hors normes apparus en lien avec ces deux crashs.

- Le jeune Georges Payot (né en 1937) dont le père décède à 40 ans dans la 1ère tentative des guides de rejoindre à pied l’épave du Constellation "Malabar Princess" en 1950. Lors du crash de 1966, Georges a 29 ans, il est chef-moniteur-guide et fait partie de ceux qui vont les premiers au secours du "Kanchenjunga".
- En janvier 1966, citons la chance de l’hôtesse suisse Doris Lüdi, 25 ans, qui quitte le Boeing B-707 à l’escale de Beyrouth pour cause de maladie et ne survolera donc pas le Mont-Blanc.
- Parmi les passagers du Kanchenjunga disparus il faut aussi mentionner le jeune genevois Jean-Claude Cornu, 28 ans et jeune marié, récent employé d’Air-India rentrant d’un 1er stage en Inde.
- Ajoutons la douleur de Léo Schegg (né en 1927), contrôleur du ciel à Genève, non responsable de l’accident du Boeing, dont le fils puis l’épouse se suicideront par la suite….
- Puis Giovanni Bertoli (né en 1913), Italien de Genève, qui est le responsable d’Air-India pour l’Europe continentale. Il est chargé des délicates opérations à la suite de l’accident du "Malabar" et décédera dans le crash du B-707 seize ans plus tard. Son corps, le seul complet parmi les 8 retrouvés, sera enterré à Cologny (GE). Il avait épousé une parente de JRD Tata, le fondateur d’Air-India et président du grand groupe indien Tata.

Enfin, lorsque des personnalités indiennes se rendront à Chamonix après l’accident du Constellation, elles seront accompagnées d’officiels, de traducteurs etc., et de l’hôtesse de l’air de Cointrin Simone Dunoyer (née en 1931). Elle est la nièce du capitaine aviateur Marcel "Noël" Weber (voir : Récit) ancien directeur de l’aérodrome de Cointrin. Elle va faire connaissance de Naval H. Tata (1909-1989) cousin de JRD Tata. Ils se marieront en 1955 et leur fils se prénommera Noël (1956). Naval H.Tata deviendra l’un des directeurs du groupe Tata, elle aussi. Leur fils sera peut-être le prochain grand patron de cet immense groupe industriel.

Une malsaine gestion des restes humains

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Fragment de carlingue du "Malabar Princess", de ce sari bleu trouvé en 1985 (photo Patrick Gabarrou).

Le glacier des Bossons est une sorte de lent tapis roulant qui broie les êtres et les objets tombés dans ses crevasses. Après 25 années, il dévoile à ses pieds, dans la vallée de Chamonix, des membres et des fragments de ses proies capturées 3.600m plus haut : alpinistes, morceaux d’avions ou de passagers dont la grande majorité n’avait pas été récupérée. Depuis les années 80s des collectionneurs de différentes nationalités sillonnent régulièrement le glacier récoltant ces fragments. Des collections se constituent, des artistes conçoivent en réutilisant ces objets. Pour certains ce sont des objets de valeur et un trafic de débris existe. D’autres croient encore fermement en un trésor numéraire qui était dans la soute du Boeing et serait encore à découvrir ? Tout cela se pratique autant sur le versant français que sur le versant italien (glacier du Miage) sur lequel on a "balancé" nombre d’objets et corps peu après l’accident lors du gros nettoyage rapide des zones d’impact.

On peut se poser la question de savoir ce qu’il aurait été fait de restes de l’accident en 1950 ou 1966 si les avions avaient été européens ? Que n’a t’on pas fait pour sauver les deux jeunes alpinistes européens Vincendon et Henry coincés sur le Mont-Blanc en décembre 1956 ? De ce dernier événement était née la décision de créer un corps de Sécurité civile français apte à intervenir en montagne avec des hélicoptères ad hoc.

A propos du risque de ne pas rejoindre sa destination

Si la technologie évolue, est plus fiable, si les hommes sont mieux formés, si les procédures sont plus précautionneuses de la vie humaine, d’un autre côté on constate que le nombre de passagers augmente d’une façon considérable ainsi que le nombre d’avions et de vols (statistiques aéroportuaires). Ronan Hubert a inventorié le nombre d’accidents d’appareils commerciaux de plus de 5 places entre 1920 et 1996, et annonce un chiffre de près de 95.700 accidents ?!? Et cela omet bien sûr les appareils privés, les petits appareils et les avions militaires.

- Donc lorsque l’on parle "marketing", on vante la sécurité aérienne en utilisant le taux moyen d’accident par passager et par km parcouru. Ce taux diminue constamment depuis des dizaines d’années bien que ne pouvant atteindre zéro. Il est un outil favorable à apaiser les esprits.

- D’autre part, au fil du temps, les appareils toujours plus nombreux décollent de plus en plus souvent. En regardant les chiffres absolus, le même auteur constate que les années de son recensement où le nombre d’accidents est le plus élevé se situent toutes proches d’aujourd’hui, entre 1970 et 1996 !

- En dernier lieu, comme les appareils emportent un nombre toujours plus grand de passagers, et bien que ce moyen de transport soit un des plus fiables de la planète après la marche à pied, comme on l’a vu, il y aura toujours de plus en plus de gens qui décéderont de l’emploi de l’aviation. Il faut donc s’en faire une raison même s’ils ne sont que de 700 à 1.000 par an environ aujourd’hui (2000-2005), pour 1 milliard 700 millions de passagers transportés.

 

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Sauveteurs parmi les débris du B-707 "Kanchenjunga" fin janvier 1966
(photo : Archives "anciens" du P.G.H.M. Chamonix).
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mardi 13 décembre 2005
  • Pour plus d’informations, voir : Les catastrophes aériennes de 1920 à 1996, par Ronan Hubert. Ed. Secavia, 1997, 800p., ills..
  • Crash au Mont-Blanc, de Françoise Rey. Ed. France Loisirs, 1991, 450p. 20 ills, à la "Librairie ".
  • [11.2014] Des images du "Malabar Princess" en parfait état de marche (1948-1950) (vidéo musicale, 2’04’’, 42Mo). Format QuickTime 7.5 minimum.
    [09.2012] Air India : Le crash du B-707 VT-DMN au Mont-Blanc (01.1966) (diaporama musical, 02’41’’, 78Mo). Format QuickTime 7.5 minimum.

    - Lors du vol d’essai Bombay-Genève-Londres (03.1960), le B-707 emporte officiels & journalistes genevois ..... au Mont-Blanc :

    [10.2011] Air India : vol d’essai du B-707 à Genève (03.1960) (vidéo couleur musicale, 01’50’’, 131Mo). Format Quick Time, nécessite le plugin 7.5 minimum. Images de Jacques Reymond. Download : 01’ à 02’.
    [11.2010] Air-India à Genève et le Constellation "Malabar Princess", dans les années 50 (diaporama musical, 02’43’’, 85Mo). Nécessite le plugin QuickTime 7.5 minimum.
    [08.2007] Connies célèbres à Genève, dont le "Malabar Princess" VT-CQP (1946-etc., diaporama couleur, sonore, 02’41’’, 76Mo). Nécessite QuickTime 7.5 minimum.
    [09.2012] "Malabar Princess" : vol inaugural Bombay-Londres via Genève, avec JRD Tata (06.1948, vidéo sonore, 01’22’’, 23Mo). Format Quick Time 7.5 minimum.

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