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Première publication genevoise dédiée à l’aéronautique : un ouvrage de F.Tollin (1852) [vidéo]

 

Le talentueux mais bouillant dessinateur suédois Ferdinand Tollin s’installe à Genève à 45 ans et y publie en français le premier livre suisse dédié à l’aéronautique. Egalement premier ouvrage « aérien » de l’auteur, il ambitionne de récapituler les éléments du vol naturel, les expériences humaines connues et de donner quelques conseils pour la suite des opérations grâce à ses inventions.


Le tableau explicatif général incluant le vol naturel (insectes), celui du plus lourd que l’air et celui des ballons ou dirigeables (planche 2).
  • Article associé : Biographie de Ferdinand Tollin
  • Un curieux ouvrage aéronautique constitué de croquis

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    L’ouvrage de F. Tollin.

    En 1852 paraît à Genève un ouvrage de Ferdinand Tollin intitulé "L’aéronautique d’après nature. Science positive nouvelle et son application pratique. Rédigé sur les manuscrits de l’auteur". Le livre est publié par J.B.G. Galiffe, docteur en droit et imprimé chez E. Carey à la rue Verdaine. L’ouvrage étonnant reflète une époque qui connaît déjà bien-sûr le cerf-volant, le parachute, le ballon et quelques modèles-réduits mais ne peut appréhender encore le vol à moteur. Il sait pourtant déjà distinguer "La locomotion aérienne passive, principes de la nature sur la chute réelle des corps", qu’il oppose à celle "active" qui veut lutter contre les éléments de l’air, par exemple au moyen d’ailes battantes.

    Traduit du manuscrit allemand par l’éditeur, les 94 pages recensent en 29 chapitres les différentes observations sur la possibilité de voler en débutant par celles fournies par la nature animale. Ce recueil est complété de croquis, en parties techniques. L’auteur a ainsi réalisé de nombreux dessins, parfois lisibles sous plusieurs angles, qui sont répartis sur 4 planches lithographiques contenant environ 80 figures. Cela va de l’explication du pouvoir du vent, du vol des insectes (pl.2) aux concepts d’ailes (pl.2), de l’effet des hélices (pl.4), au vol musculaire humain, dont un appareil conçu par l’horloger suisse bâlois Jakob Degen (pl.2, fig. 10), ainsi que des variantes du parachute et du dirigeable (pl.1). Le tout illustre les travaux européens et résume les connaissances des 50 dernières années.

    Plusieurs éléments se réfèrent aux travaux de Jean-Pierre Blanchard (1753-1809), le fameux aéronaute français qui est aussi le 1er à effectuer un vol habité en ballon en Suisse, en 1788. On note la présence du dessin du parachute de Blanchard. Y figure également la machine ailée de Hanson de 1842. D’autres éléments sont bien moins connus, comme les hélices Petin (pl.2), l’aile de Gordon (pl.2), les cônes tombants de Zacharias (pl.1), etc.

    Des inventions diverses en une époque privée de motorisation

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    Planche 1

    Ferdinand Tollin réside à Genève depuis peu, au 88 rue du Rhône, dans la commune de Plainpalais, banlieue genevoise, où il exerce la profession d’ingénieur civil. Il semble qu’il revendique dans son ouvrage certaines inventions conçues dès 1839, dont nous n’avons pour le moment pas retrouvé de brevets, au moyen de dessins complétés d’un "Invt. & constr. de Tollin". C’est le cas par exemple d’une aile articulée mécanique (pl.2, fig.15), de parachutes "dirigibles" (pl.1) et de navires voiliers s’avançant, s’élevant et gouvernables par tous les vents (pl.1, fig.14).

    Son éditeur John-Barthélémy-Gaiffe Galiffe (1818-1890), qui obtint son doctorat en droit à Heidelberg, est rentré à Genève en 1846. Futur maire de Satigny et député au Grand Conseil (1854), ses goûts vont à l’histoire et à la recherche. L’ouvrage de Tollin est d’ailleurs le 1er livre qu’il édite et dont il fit généreusement les frais de la publication, qui était vendue 5 francs.

    Il reste difficile aujourd’hui de mesurer l’impact d’un tel ouvrage qui devait être à Genève le premier à aborder un tel sujet, sachant que l’emploi de ballons avait été interdit dans la ville et ses dépendances très longuement, entre 1785 et 1847. A sa parution, le livre suit de 5 ans la première ascension d’un ballon à la Coulouvrenière (voir :Récit) et il est peut être à considérer comme la première pierre d’un édifice de connaissances aéronautiques dont l’intérêt ne s’est jamais tari jusque à nos jours.

    Quant aux exemplaires de cet ouvrage aéronautique étonnant, ils sont devenus rares. Mais la bibliothèque publique universitaire de Genève (BPU), grâce au dépôt légal, et celle de Lausanne (BCU) en possèdent toutefois chacune un exemplaire.

    Parmi les 4 pages de la préface de J.B.Galiffe

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    Parachutes, machines volantes et des inventions encore à tester (planche 1).

    - "L’histoire des inventeurs a de tout temps et partout été la même. Le nôtre, qui n’en est pas à sa 1ère découverte, et qui a passé d’ailleurs l’âge des illusions, le sait mieux que personne. Aussi n’est-ce pas lui qui parle en ce moment mais quelqu’un dont le principal mérite dans ce travail consiste a ne pas avoir été de ceux qui préjugent avant de chercher à comprendre, et encore moins de ceux qui ne comprennent que pour leur avantage individuel. Partout ailleurs que dans ma ville natale [Genève], mon nom, accolé en seconde ligne à celui de M. Tollin, n’aurait fait qu’allonger très inutilement le titre de l’ouvrage. Ici il pourra tout au moins servir à l’auteur de titre de présentation, et de moyen de renseignement entre lui et ceux qui voudront peut-être le connaître de plus près."

    - "Que le lecteur se rassure donc ! Il aura affaire ici ni à un fou, ni à un charlatan, ni à un spéculateur proprement dit, pas même à un apprenti ambitieux, à qui, pour coup d’essai, "il fallait" un coup de maître ; mais bien à un homme d’un savoir réel, véritablement doué du génie de l’invention, et qui, à des connaissances très étendues dans toutes les sphères, joint encore des talents artistiques, suffisant pour lui créer une position honorable, si une spécialité plus prononcée ne les lui avait fait considérer que comme chose secondaire. Le moment de faire la biographie de M. Tollin n’est pas encore venu. Nous ne suivrons pas même dans leurs détails tous les faits et résultats qui se rapportent à la passion innée chez lui de remonter des effets à leur cause, passion qui se manifesta dès sa plus tendre enfance, et qui ne fit que grandir à travers les obstacles que des études universitaires très complètes dans des sphères tout à fait différentes, semblaient devoir apporter à son développement. C’est là le fait de tous les hommes à spécialité décidée, et nous n’en parlons que pour expliquer le renoncement de notre ami aux diverses carrières honorables que son application et des talents au-dessus de la moyenne, lui ouvraient dans sa patrie. Passons donc rapidement sur ses diverses inventions …etc."

    - "L’histoire de M Tollin est à peu près celle de tous les véritables inventeurs, à qui les plus belles découvertes ont presque toujours attiré, pendant leur vie, pus de maux que d’avantages ; tandis que les récompenses et les illustrations de tous genres pleuvent à torrent sur leurs imitateurs, ainsi que sur les auteurs des nouveautés les plus mesquines. Dieu sait combien de Salomon de Caus gémissent encore dans l’ombre, tandis que le 1er industriel venu gagne richesse et considération pour savoir assaisonner une salade (historique), façonner un bouton de culotte, ou composer quelque nouveaux non plus ultra de cirage à chaussure. Cet état de chose n’est malheureusement pas prêt à changer ; mais au moins peut-il, dans le cas présent, contribuer à expliquer le dédain acerbe, que je crains de n’avoir pas suffisamment mitigé, auquel l’auteur se laisse aller toutes les fois qu’il s’agit des préjugés du monde, et de l’incompétence des sciences positives dans leur état actuel."

    - "Son traité n’en est pas moins tout ce qui a été écrit de plus rationnel et de plus profond sur ce sujet épineux ; et qu’il contient, en outre, des aperçus tout à fait nouveaux, une série de lois nouvelles, basées sur l’observation de la nature, et confirmées par des expériences artificielles, et enfin un certain nombre d’inventions accessoires dont l’application serait aussi importante que facile." Octobre 1852, J.B. Galiffe, Dr Dt

     

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    Par : Jean-Claude Cailliez
    Le :  mardi 13 décembre 2005
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  • [06.2018] Ferdinand Tollin et l’Aéronautique (1852) (diaporama, 20ph, 02’55’’, 7Mo). Format MP4.

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