Apologie d’une machine bien née qui a permis de tout faire ou presque
Le fuselage en bois haubané du Blériot-XI.
Le Blériot-XI, comme son numéro l’indique, apparaît après que Louis Blériot (1872-1936) ait tenté de multiples expériences variées depuis 1905. A une époque ou ce fabriquant de phares de voitures est proche de la faillite, cet appareil s’avère une réussite qu’il démontre de façon magistrale en traversant la Manche en été 1909. Si l’Angleterre n’est ainsi plus une île, les liaisons de pays à pays deviennent réalistes et le Blériot-XI va donner un essor extraordinaire à l’aviation. Des écoles de vol s’ouvrent dès la fin 1909 et de nombreux jeunes gens de tous pays vont apprendre à voler sur cet appareil monoplace. L’appareil figure parmi les premières acquisitions de l’aéronautique militaire française, utilisé en action au Maroc et ailleurs, servant finalement de "basic trainer" pendant la 1ère Guerre mondiale. On en verra quelques-uns encore dans les aéro-clubs durant les années 1920s. Des licences permettent de le produire dans diverses nations. Avec plus de 700 exemplaires construits, le Blériot-XI est le 1er appareil réalisé en grande série. Aujourd’hui encore, quelques Blériot-XI d’époque volent encore de par le monde (La Ferté-Alais, etc.) et plusieurs répliques décollent aussi. Tout musée montre ou rêve d’exposer un Blériot-XI, la 2CV Citroën "à tout faire" de l’aviation naissante, l’ULM populaire avant la lettre (50 répliques ou non sont exposées dans le monde).
Au milieu des productions variées, sensées ou non, hétéroclites, empiriques ou pensées d’alors, le Blériot-XI possède enfin la configuration que vont adopter des centaines de milliers d’appareils par la suite : moteur à l’avant, hélice tractrice, véritable fuselage, 2 roues à l’avant, aile médiane, ailerons à l’arrière, dérive à l’arrière. Un manche à balai agit déjà sur les 3 axes. La seule réminiscence des avions du passé persiste dans le système de torsion des ailes, pour le virage, et son important système de câbles, alors que les volets existent déjà. La motorisation du Blériot XI évolue considérablement depuis 1909. D’abord équipé d’un tri-cylindre Anzani de 25CV (maximum !), il s’adapte aux moteurs rotatifs de 40 ou 80 CV, en passant par divers moteurs en étoiles fixes au fur et à mesure de l’évolution technologique.
Appareil populaire mais surtout à l’origine de la voltige aérienne
Appareil monoplace, il sera plus tard biplace côte à côte (en tandem) ou biplace l’un derrière l’autre. Mais pour le pilote débutant, l’appareil est un monoplace baptisé "pingouin", un Blériot-XI dont on a raccourci les ailes, empêchant l’envol et utilisé pour apprendre à rouler en ligne droite sur les pistes en herbe. Nombreux sont les pilotes genevois qui ont fait leurs classes sur un Blériot : Henri Speckner, Alphonse Carfagni, Lucien Lesna, Paul Wyss, John Domenjoz, et certains comme Marius Reynold (VD), Maurice Perret (NE), etc.. D’autres l’ont piloté par la suite : Edmond Audemars (GE), E.Failloubaz (VD), etc. Quelques traversées mémorables des Alpes suisses ont été réalisées, en première, avec le Blériot-XI : Géo Chavez (Pérou, 1910), Oscar Bider (BL, 1913), etc. ; sans oublier le Paris-Berlin et le Berlin-Paris d’Audemars. Le Blériot-XI a inspiré les constructions de René Grandjean (ailes, VD) et Henri Cobioni (NE). Lors de la création des Troupes suisses d’aviation en août 1914, deux des neuf appareils sont des Blériot-XI.
C’est avec cet appareil que l’on a enfin entériné l’époque du "vol à plat" lorsque Adolphe Pégoud comprit que le Blériot XI pouvait être positionné la tête en bas, reculer sur la queue, faire une boucle, pour autant qu’un peu d’altitude permette de rétablir la situation. Révolution du vol en septembre 1913, ceci va permettre de créer la voltige aérienne et préfigure les combats aériens de la guerre de 1914-18. Une superbe démonstration de loopings est d’ailleurs donnée par Jean Montmain au-dessus de Genève en février 1914. Quant à John Domenjoz, c’est au-dessus de la statue de la Liberté à New-York qu’il fait ses acrobaties après avoir fait voltiger son Blériot en tournée en Espagne, au Brésil, en Argentine, à Cuba, au Canada et aux USA entre 1914 et 1916 (voir : Biogr.). Le seul Blériot-XI suisse civil qui soit préservé aujourd’hui est d’ailleurs celui de Domenjoz qui est exposé à l’Air and Space Museum de Washington, où il a longtemps été le seul appareil suisse avant l’arrivée du Breitling Orbiter de B.Piccard. Au Musée des transports de Lucerne on peut voir le biplace militaire de Bider ainsi qu’un autre appareil au Musée des Troupes d’aviation de Dübendorf.
De la Manche aux Alpes suisses
Le Blériot-XI qui a rejoint l’Angleterre en juillet 1909 (en 37’) est toujours exposé à Paris au Conservatoire des Arts et Métiers (CNAM). Cet appareil inaugure le type "Traversée de la Manche" qui sera vendu en de nombreux exemplaire dès août. Sa construction fait appel principalement à du sapin, du bambou et de la toile caoutchoutée Continental.
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Version | Enverg. | Longu. | Haut | Surface alaire | Poids à vide | Poids en vol | Moteur | Vitesse | Consommation | Autonomie |
1909 | 7,80m | 7,63m | — | 14m2 | 230kg | 325kg | Anzani 3 cyl.25cv | — | — | — |
1911 mono | 8,90m | 7,65m | — | 14m2 | 220kg | — | Anzani 25-30cv | 65km/h | 12,5L/h ess. 2,5L/h huile | — |
1912 mono | 8,90m | 7,80m | — | 14m2 | 240kg | — | LeRhône 50cv | 90-100km/h | 60L ess. 20L huile | 3h ou 300km |
1913 biplace | 11,0m | 8,40m | 2,87m | 22,64m2 | 320kg | 530kg | Gnome & Rhône 80cv | 105km/h | — | 250km, 3500m |
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En novembre, le garagiste genevois Henri Speckner est l’importateur pour la Suisse des appareils Blériot (voir : Récit). Il vendra 6 Blériot-XI en 2 ans, dont à E. Failloubaz, A. Carfagni (garage Fiat), P. Wyss, etc.
En été 1909, le coût d’un appareil de type "Traversée de la Manche", équipé d’un moteur Anzani de 25cv est à 12.000F français d’alors (120.000FF, 28.000CHFr actuels).
Des versions sont également proposées avec des moteurs plus puissants : en 1910, équipé d’un moteur de 50CV l’appareil coûte 21.500FF.
En 1911 il s’agit de 24.000FF puis de 30.000FF avec un moteur de 70 CV (300.000FF ou 45.870 Euros ou 70.000CHFr actuels) .....
Hommage au constructeur Louis Blériot (1872-1936).