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Du bas de l’Afrique du Sud au nord de la Norvège en ULM, un raid de 23.000km (1995) [vidéo]

 

En été 1995, le Genevois Olivier Aubert, adepte de l’ULM et son ami Sudafricain Mike Blyth réalisent l’expédition "Cape to Cape". En 120 jours, ils relient la ville du Cap (Afrique du Sud) au Cap Nord (Norvège) avec 2 ULMs ! C’est un défi humain, technique et la traversée d’espaces variés, parfois dangereux, un épisode aéronautique que personne n’avait encore réalisé avant eux.


Olivier Aubert sur son DTA au-dessus de la Mer Baltique à quelques encablures de la Suède en été 1995.
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Itinéraire de l’été 1995.

Guide touristique en Afrique, le Genevois Olivier Aubert (38 ans) est un adepte des parapente, aile Delta et ULM. Grâce à ce dernier, il permet notamment a des touristes d’observer les splendeurs de certaines régions africaines depuis les airs.

En été 1995, avec son ami Sudafricain Mike Blyth, 41 ans, champion du monde d’ULM en 1992, ils montent l’expédition "Cape to Cape" qui vise à relier la ville du Cap (RSAF) au Cap Nord (Norvège), en ULM !

C’est un défi humain, technique et la traversée d’espaces variés, parfois dangereux, un épisode aéronautique que personne n’a encore réalisé à ce jour.

Le récit ci-dessous est traduit et adapté d’après l’article "Cape to Cape", publié dans le magazine "Out-there" en déc./janv. 1996.

 

 

Tempête de sable et survol de la Méditerranée

Mike Blyth vole dangereusement bas sur le désert du Soudan, mais il ne peut pas voir le sol. Avec son ULM pendulaire, il est enveloppé dans une tempête de sable, l’homme et sa machine sont aspergés de poussière brun-rouge. Pire, il ne peut pas voir son coéquipier Suisse sur l’autre ULM. Leurs appareils peuvent être à des kilomètres ou bien à quelques mètres ! "Mike ? Est-ce que tu me vois ?" La voix d’Olivier Aubert crachote à travers la radio montée à l’avant de l’appareil de Mike. "Je suis à 194,5 km de Port Soudan et à 6,4 km à droite de la piste. Où es-tu ?" lui demande Aubert. La position de Blyth est seulement 600 m plus loin. Il appelle Aubert : "A quelle altitude es-tu ?" "Je suis à 213 m. Je ne te vois toujours pas !" répond Aubert. "Ok, continues en ligne droite." lui dit Blyth, aveuglé essayant de se guider vers Aubert à travers les turbulences du sable brûlant. "Je vais faire un virage sur la droite et vais essayer de voir si tu viens vers moi." Blyth entame un lent virage sur sa droite à la recherche de son coéquipier. S’ils se rentrent dedans ou s’accrochent d’un bout d’aile, l’expédition sera terminée.

La tempête de sable est juste l’un des dangers que Mike Blyth et Olivier Aubert peuvent craindre cette année là durant leur vol épique de 23.000 km de l’extrême sud de l’Afrique, jusqu’au plus nordique des villages de Norvège. Quelques jours avant, en expédition depuis déjà 2 mois, ils sont confrontés à une autre situation dangereuse au Soudan. Aubert se crashe à l’atterrissage et tord son ULM dans le soleil couchant. Blyth se pose droit sur lui et vient à son aide. Mais les pilotes n’ont aucune permission d’atterrir dans ce pays politiquement instable. Si l’on voit les appareils au sol, les pilotes peuvent être arrêtés. Les officiels les attendent à Port-Soudan et ce qui devait être une escale de 6 heures en fait maintenant 10. Blyth et Aubert sont alors dans les ennuis quand un avion de recherche les contacte par radio : "Zulu Uniform, Alpha Romeo, Echo, me recevez vous ?" demande le pilote soudanais. Les 2 pilotes au sol se ruent vers la radio, l’entourent d’un tee-shirt et parlent à distance, essayant de simuler une communication en vol. "Nous avons rencontré de forts vents de face. Nous avons été retardés. Ne continuez pas les recherches de sauvetage. On arrive." leur répond Blyth. C’était la 1e fois qu’il se rappelle voir Aubert "estomaqué". Ce n’est pas la dernière.

Le plus grand challenge est encore devant : 600km de Méditerranée à traverser. Une erreur au-dessus d’elle peut être fatale et un plan de secours est essentiel. Ils emportent un Emergency Location Indicator (ELI) que Blyth tient sur son machine. S’il chute à l’eau, il doit seulement l’enclencher dans sa main. Si c’est Aubert qui doit amerrir, Blyth doit larguer le ELI le plus près possible de lui dans l’eau de façon qu’Aubert puisse le saisir et l’enclencher. Le pilote qui reste en vol a juste assez de carburant pour tourner autour de l’épave durant 30’, noter les coordonnées, avant de filer droit vers le Caire ou la Crête. La moitié du vol au-dessus de la mer est hors de portée des radios, rendant difficile ou impossible des recherches et un sauvetage. Le pilote naufragé peut attendre jusqu’à 6h dans l’eau avant qu’une aide arrive. Mais les 2 pilotes sont prêts physiquement et mentalement. Ils s’abstiennent de se charger avec de l’inutile, ne mangent pas ni ne boivent. Ils réalisent finalement la traversée en 9h, se posant sans problème en Crête.

L’Afrique, les paysages, le bush, la population et le ravitaillement

Tous les vols ne sont pas aussi difficiles. Ils ont la chance d’observer la beauté à couper le souffle de certaines parties d’Afrique. Peu après le départ de l’expédition, à l’aube, ils pensent voir un paysage semi-désertique lors du vol de Bethuni à Sossus-Vlei au-dessus de la Namibie. Mais ils sont agréablement surpris : "Ce qui commence à se dévoiler devant nous est une campagne de courts prés, légèrement colorés et de pics noirs pointus s’élançant dans le ciel. A gauche il y a des dunes oranges, de la couleur du soleil levant." Ce n’est pas seulement le paysage qui les captive, mais c’est aussi la situation de confort qu’ils découvrent. Le moteur fonctionne bien, il y a peu de vibrations, et à cause du beau temps ils volent bas. Les pilotes s’enfoncent dans leur siège et se relaxent, un doigt sur les commandes. Instant agréable, c’est le moment d’ouvrir une cannette de Coke.

Plusieurs nuits africaines se passent couchés sous l’aile des ULM dans la nature, mince espace de civilisation au milieu de l’immense bush. Des passionnés volontaires (des amis du jour) et des surveillants armés d’une AK 47 protégent leurs biens. Seule une paire de chaussures de randonnée disparaît. Atterrir en Afrique demande beaucoup de talents. Les arbres, arbustes, l’eau sont à éviter et les spectateurs doivent être contenus. A certains endroits, plusieurs centaines de personnes quittent leurs villages sur des routes empoussiérées pour les voir atterrir. La 1e fois que ça arrive, ils sont intimidés, mais rapidement cela devient familier et quelquefois frustrant pour ces spectateurs de tous âges. Une fois, Aubert se met aux commandes et avance vers la foule. En combinaison et casqué, il apparaît probablement comme une sorte de "martien" avec son appareil. Il s’accroupit à leurs pieds et, avec son index droit, trace une ligne circulaire dans la poussière tout autour de l’appareil. "On approche pas !" les avertit-il, et les gens restent à distance.

La nourriture et l’essence sont toujours critiques. Les pilotes emportent malgré tout des réserves, au total plus de 440 kg de fret, eux inclus, dont les réservoirs d’essence et l’équipement de navigation. S’il y a des villes ou des huttes dans le voisinage, un pilote reste avec les appareils et l’autre part vers les habitations à pied ou en taxi, parfois sur un seau en bois tenu par des cordes, se balançant curieusement entre 2 pneus de voiture usés et tracté par un âne ou un cheval. Si le terrain se trouve très proche d’une ville, Aubert et Blyth démontent l’aile de leurs appareils et roulent alors au moteur dans les rues, avec précaution sur leur léger train d’atterrissage, tout en gardant une main sur le contact du moteur. Leurs yeux épient la route, écartant les enfants et les chiens qui s’approchent trop près et dangereusement de l’hélice invisible.

Les Alpes, l’Europe, la Scandinavie et le Cap Nord !

Après la traversée de la Méditerranée, ils survolent les Alpes françaises, passent au-dessus de ravins gelés et de sommets enneigées où Aubert chute de 914 m en quelques minutes se bagarrant pour redémarrer son moteur refroidi. Finalement, ils atteignent Oslo où il remettent une lettre écrite par le maire du Cap à l’intention de celui d’Oslo. A 14h, le 6 août 1995, Aubert et Blyth atteignent le Cap Nord, 120 jours et 23.000 km après avoir quitté Le Cap. Ils ont volé durant 280 heures et parcoururent environ 400 km par jour à 95 km/h de moyenne, traversant déserts, lacs, mers, montagnes et plaines. Fatigués mais heureux, il démontent leurs ULMs et prennent un ferry à travers les fjords de Norvège pour un moment de vacances.

Bien que cette expédition demande de bonnes capacités physiques, le plus grand challenge est dans leur tête. De longues heures assis dans un appareil léger demande une attention considérable et de la discipline. Durant un tiers des vols ils sont tenus dans une sorte d’anxiété : ils volent dans des conditions inconnues et savent qu’ils peuvent rencontrer des problèmes de tous ordres. Mais les bonheurs surpassent la peur ou l’anxiété. Chaque jour qui se lève, ils préparent leur nourriture, le plein et le vol, prêt à connaître de nouvelles rencontres. C’est une aventure, un mode de vie réellement extraordinaire. Il y a bien sûr de bons et de mauvais moments, mais chaque jour accompli ils se disent "Nous ne pouvons pas croire que ça nous arrive. Nous ne pouvons pas croire que ça va continuer !" Olivier Aubert et Mike Blyth ont ainsi établi un record du monde. Aucun UML n’avait couvert ce trajet avant eux.

 

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Olivier Aubert et Mike Blyth.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mardi 13 décembre 2005
  • Pour plus d’information ou commande de DVD voir le site internet ou contacter l’e-mail : katyla @ bluewin.ch
  • Olivier Aubert et Mike Blyth (diaporama couleur musical, 03’, 64Mo). Nécessite le Plug-in Quick-Time 7.1.3 minimum.

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