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Les modèles réduits volants genevois du début du 20ème siècle, avec ou sans moteur (1909)

 

Les modèles réduits volants ou non sont très anciens mais on n’a pas retrouvé de trace à Genève au 18e siècle. Le 1e succès est du au Genevois Louis Demaurex dès 1908, au concours de Nice (F). A Genève, lors de sa création, le Club Suisse d’Aviation compte développer ces maquettes en prélude à de grandes constructions (1909). Une grande exposition - concours se tient alors avec succès en novembre, puis à Lausanne où les Genevois se distinguent encore. Il nous reste aujourd’hui 2 maquettes volantes de l’un d’entre eux : David Deluz.


Maquette construite en 1909 par David Deluz, apte au vol avec son moteur à élastique, exposée fin 1909 à Genève et Lausanne et bientôt centenaire.

Les modèles réduits sont vieux comme le monde, ou presque

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Modèle du Dufaux-4 réalisé par David Deluz (1910).

Les modèles réduits volants ont toujours existé, à cause du vent. L’homme a certainement découvert le système du cerf-volant avec quelque chose de petit puis il a reproduit le phénomène en plus en plus grand pour voir jusqu’où il pouvait aller et à quoi cela pouvait servir. Les frères Montgolfier ont découvert le principe du "ballon" avec des sacs en papier avant d’oser emporter des êtres vivants. On a aussi souvent réalisé de petits objets simplifiés avant de voir, à leur taille idéale, à quels problèmes on allait être confronté. Et à Genève, H.B. de Saussure en à fait de même pour comprendre le principe de l’ascension d’un ballon (voir : Récit.)

Mais certains hommes ont volontairement tenté d’imiter les oiseaux et de faire voler un petit appareil plus lourd que l’air. Les nombreux objets de leurs recherches sont à classer dans la catégorie des modèles réduits, même s’il n’existait pas alors, ou peu, de modèles en vraie grandeur ou à taille humaine. Les planeurs sont très anciens, peu-être initiés par le trajet d’un cerf volant dont la corde cassa, pour devenir finalement des copies ultra légères d’oiseaux aux ailes rigides.

Quant aux modèles réduits "motorisés", jusqu’à 1896, ils n’emportaient que de l’énergie ou leur moteur mais jamais les 2 à la fois, à l’exception de l’appareil à vapeur de Stringfellow (1848). Le moteur qui enroule un élastique c’est l’homme, l’énergie sera rendue par l’élastique. Un réchaud terrestre peut générer de la vapeur utilisée dans le moteur d’un appareil qui décolle, mais sans son réchaud qui reste à terre. Une pile au sol, au moyen de 2 fils, peut faire fonctionner le moteur électrique d’un appareil qui s’élève sans sa batterie, etc.. Nombreux sont les chercheurs français à avoir pratiqué l’un ou l’autre : hélicoptère de Ponton d’Amécourt (1863), les appareils à élastique de Pénaud (1870-74), Jobert (1871-72), Hureau de Villeneuve (1872), Tatin (1875-79), Dandrieux (1879). Idem pour les étrangers dont l’hélicoptère à vapeur de Forlanini (1877), les appareils de W.Kress (1880), Hargrave en 1889 (air comprimé) ou 1896 (ailes battantes) et celui du Suisse Carl Steiger en 1892. En 1896, le biplan en tandem de Langley (USA) vole véritablement avec un moteur à pétrole de 1 CV et son réservoir !

A Genève, plusieurs chercheurs performants sortent du lot dès 1903

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Le règlement du concours de Nice de mars 1908 (photo JCC).

C’est l’hélicoptère des frères Henri et Armand Dufaux qui, dans le vol vertical, est le 1er modèle réduit à emporter moteur et énergie en mai 1905 à Genève (voir : Récit.) Ils le font suivre par celui fonctionnel du 1e Tiltrotor de l’histoire aéronautique (voir : Récit.). Le Français Paul Cornu les imitera (1906) avant de réussir le très bref vol du 1er hélicoptère "grandeur" connu, en 1907. D’un autre côté, en 1908, le Verniolan Alexandre Liwentaal fait voler un modèle réduit de dirigeable pour convaincre les autorités de le construite réellement (voir : Récit.).

Le Genevois qui souhaite faire voler des modèles réduits au sens strict se nomme Louis Demaurex (1878-1969). Il construit des appareils motorisés avec un élastique et participe au prestigieux concours de Nice du 20 mars 1908, dans le casino municipal. Il y a là 50 concurrents qui ont compulsé le fascicule du règlement émis par l’Aéroclub niçois, et 51 appareils exposés au public. Accompagné de son ami Edouard Bueno, Demaurex présente 2 appareils planeurs triplans, nommés avec opportunité "l’Eclaireur" (journal niçois) et "Le Papillon". Demaurex (voir : Biogr.) remportera les 1er et 2e prix et réussit même à faire faire un looping à l’un des 2 appareils.

C’est un résultat sensationnel pour lui qui à déjà 30 ans et lui ouvre un emploi aux Ateliers Vosgiens de construction pour la Locomotion Aérienne à Saint-Dié (F). En avril 1909, Nice a reconduit ce concours jusqu’au 15. Vingt-quatre participants exposent dont Demaurex et Bueno qui ont à nouveaux inscrit leurs 2 planeurs triplans. La concurrence est devenue redoutable et ils sont surpassés cette année là. Quant au garagiste FIAT de Genève, Alphonse Carfagni (1867-1924), il fait également ses propres essais de modèles-réduits dans le canton (1905-1909) en utilisant un moteur à explosion dont les plans ont été dessinés par le Genevois L.Picker, mais avec peu de résultats.

Les modèles réduits à élastique de David Deluz (1889-1977)

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Vue partielle de l’exposition de novembre 1909 à Genève.

L’intérêt pour ce "sport" est évident, car à sa création en septembre 1909, le Club Genevois d’Aviation (CGA), inclue le vol de modèles réduits comme 1e étape avant d’aborder le vol à voile (voir : Récit.). La construction de maquettes doit pouvoir servir à celle de véritables planeurs de pente. Ainsi, du 18 au 28 novembre 1909, une exposition de modèles d’avions se tient au Bâtiment électoral de Genève, patronnée par le journal Auto-Sport, visant à vulgariser cette discipline. Une cinquantaine de modèles sont présents à cette "l’Exposition du concours de vol". Des Wirght, Farman, Voisin, Antoinette et Curtiss sont copiés et l’événement obtient aussi son succès comme vitrine en réduction des aéroplanes du monde. Certains appareils sont montrés en vol comme "L’Eclaireur" de Demaurex. A.Liwentaal y est également présent, exposant le vrai moteur de son futur dirigeable. Parmi les organisateurs citons : Och frères et l’ingénieur Bolens de chez Trub & Cie.

L’un des membres de la commission sportive du CGA, exposant de novembre, le Genevois David Deluz, nous a laissé 2 des ses maquettes, toujours visibles aujourd’hui chez son petit-fils à Veyrier. Son "Antoinette" est mue par un très long élastique qui s’enroule sur plusieurs longueurs dans la coque en "V" du modèle. Les commandes de vol sont fonctionnelles et peuvent être bloquées dans la configuration de vol finalement choisie. Il ne s’agit pas de vulgaires éléments de bois assemblés mais bien d’un châssis à croisillons, haubanés par des fins fils métalliques ainsi que des ailes nervurées et haubanées tendues de toile. L’hélice en aluminium de section plate, proche de celle d’un bateau, offre alors plus de traction pour la motorisation utilisée. Le train inclue des amortisseurs jouant sur la souplesse du bois. D.Deluz reçoit un 1er Prix pour son Antoinette qui est primée pour son vol de 43m le 28 novembre. Après 97 ans, l’ensemble tient toujours et seul le tissu teinté de thé vieillit mal. Quant au biplan Dufaux-4 de David Deluz, il doit être daté de 1910. D’une construction similaire à l’Antoinette, il montre les progrès de son constructeur, affichant un souci du détail étonnant pour un objet qui devait être le plus léger possible.

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Le 1er Prix de David Deluz à Lausanne (12.1909).

Les Genevois semblent faire tout le spectacle en 1909 !

Le succès de l’exposition genevoise initie celle de Lausanne, en décembre, encore plus grande. Mais au palmarès des exposants apparaissent à nouveau les noms des concurrents genevois : MM Deluz, Staub, Köhler et Guinand, Falquet et Jahnlé qui se voient attribuer des premiers Prix. MM. Fontanet, Colomb, Zillweger, obtiennent des seconds Prix. MM. Lüscher, Mavras, J.-E.P., des troisièmes Prix. Enfin des mentions sont décernées à MM Collet, Saxod, Dubouloz, Fontanel, Colomb (ces 2 derniers pour des appareils d’étude). Ils raflent ainsi presque la totalité des récompenses.

On ne peut que les féliciter de leur talent, leur ingéniosité, leur habileté de constructeurs et pour certains de leur technique. D’autant plus qu’un nouveau concours est prévu pour le printemps 1910 où leurs concurrents romands vont essayer de prendre leur revanche. Beau démarrage de l’histoire des modèles réduits ! Et ce que nous savons toujours aujourd’hui, c’est qu’il y a toujours eu sur cette terre plus de modélistes que de brevets de pilotage décernés toutes catégories. La technique fera souvent faire des figures aux modèles réduits que leurs grands frères peineront à égaler ultérieurement.

 

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Maquette de l’avion Antoinette, réalisée par David Deluz, sur le toit familial, face à l’entrée du Victoria Hall en 1909 (Ph. H.Deluz).
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 13 février 2006
  • Pour plus d’infomation, voir : Schweizer Luftfahrt, de E. Tilgenkamp. Ed. Aero Verlag ZH, vol.3, pp:225-272, ills n&b, à la "Librairie ".
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