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Premier survol du Mont-Blanc en avion, un exploit d’Agénor Parmelin (1914) [2 vidéos]

 

Le 11 février 1914, un pilote genevois est le premier à survoler le Mont-Blanc à bord d’un aéroplane et à relier Genève à Aoste (I).

Il vainc ainsi le dernier et plus haut sommet d’Europe, à sa manière, comme le fit à pied et avant lui son compatriote H.B. de Saussure et peu avant qu’un autre genevois, François Durafour, ne se pose et redécolle du Dôme du Goûter.


Carte postale dédicacée par Agénor Parmelin, assis dans son Deperdussin, quelques jours après le survol exceptionnel du Mont-Blanc.
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  • Il se nomme Agénor Parmelin, ses ancêtres sont nés à Bursins mais lui est enfant du Petit-Saconnex et de Sécheron, un Genevois d’adoption. C’est un géant aux cheveux noirs et aux yeux d’aigle, un aviateur de grand style qui possède une voix guerrière de basse, disait de lui Oscar Bider. Parmelin est ainsi devenu l’instructeur et le chef-pilote de la célèbre école d’aviation Deperdussin près de Reims (F). En 1914, les avions de cette firme sont connus comme étant très rapides et novateurs.

    La tête à l’air à 5.000 m d’altitude au début février (-22 degrés) et durant 1h30’ à 80 km/h...

    L’époque est aux records d’altitude, de vitesse ou de distance, avec ou sans passager(s). Il y a encore sur terre de nombreux endroits que l’avion n’a pas encore survolé. Parmelin s’est déjà distingué lors d’un record d’altitude à la coupe Gordon-Bennett et veut marquer un grand coup spectaculaire, pour donner un élan à sa carrière : survoler le Mont-Blanc. Jusque là, on a survolé les Alpes ou les Pyrénées en suivant l’itinéraire des vallées mais le toit de l’Europe reste invaincu et personne n’a même essayé ! Notre titulaire du 22ème brevet suisse de pilote a fait des repérages aux environs de Genève, à la Noël 1913. L’aérodrome de Collex-Bossy (actuel golf de la Vieille Bâtie) sera son point de départ et le Club Suisse d’Aviation (CSA) lui a donné son accord, ainsi que le consulat italien de Genève. Cette traversée comporte toutefois un certain nombre de risques, dont celui de la panne au-dessus du massif n’est pas l’un des moindres.

    Le mercredi 11 février, le brouillard genevois s’est dissipé et le soleil brille. Un téléphone à Aoste donne les mêmes indications. Ce sera donc aujourd’hui ! Devant une vingtaine de personnes, autorités locales, journalistes et proches, parmi lesquels les aviateurs genevois, Taddeoli et Carfagni, Parmelin se prépare à décoller en direction du Mont-Blanc, droit devant ! Un baromètre pendu à son cou, pour éviter les vibrations, servira de preuve concernant l’altitude atteinte en regard des distances parcourues. Une bouteille d’oxygène l’aidera à respirer si nécessaire. Plusieurs combinaisons enfilées les unes sur les autres veilleront à le préserver du froid. Hormis des lunettes, le reste du visage sera soumis au froid glacial, accru par l’altitude et la vitesse, en ce mois de février. Un passeport neuf est placé dans sa poche.

    En début d’après midi, l’appareil s’envole facilement en direction du Mont-Blanc visible depuis Collex-Bossy (voir ci-après pour le récit détaillé du vol). Sans de grandes difficultés, en une heure et demie, Parmelin atteint Aoste et ne peut relier Turin qui reste cachée dans les nuages. Seul incident, lors de l’atterrissage une pale a touché le sol et l’hélice devra être changée. Parmelin rejoindra Turin le lendemain.

    Jamais un pilote Genevois n’a été autant honoré

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    A Collex-Bossy, le président du Club Suisse d’Aviation, Edmond Borel, serre la main d’Agénor Parmelin avant le départ de son raid sur le Mont Blanc.

    Pour imaginer l’impact de ce raid et ses retombées à l’époque, il convient de rappeler les nombreux témoignages que reçut Parmelin dès qu’il posa le pied sur le sol italien. Du mercredi au dimanche, Parmelin alla de banquet en banquet, écoutant plusieurs hymnes suisses, en alternance avec des démonstrations de vol devant notamment 20.000 spectateurs. Il est présenté à la famille royale d’Italie et reçoit les honneurs de diverses sociétés aéronautiques italiennes. On décide d’ériger une stèle sur le lieu d’atterrissage ; le Club d’Aviation de Turin remet à Parmelin une médaille d’or, de même que l’Aéro-Club d’Italie ; l’Association de presse sportive lui remet l’une des nombreuses coupes qu’il reçoit ; une souscription est également lancée. Les journaux font largement l’écho de ce succès et de ces honneurs.

    Une semaine après son envol, Parmelin est de retour à Genève, qui a eu vent de tout ce qui précède et veut faire mieux encore. L’Automobile-Club lui remet une médaille de vermeil, l’Aéro-Club une médaille en or. La famille Parmelin est reçue en grande pompe par le Conseil d’Etat où Henri Fazy lui remet un chronomètre en or 18 carats, gravé pour l’événement, avec ses félicitations. La Ville de Genève offre la chaîne de montre, également en or. C’est sans compter les nombreux télégrammes dont certains sont expédiés par de très hautes ou nobles autorités. Parmelin se voit fêté au consulat de France, à celui d’Italie, au CSA, au Petit-Saconnex, à Bursins. Cela, sans oublier les divers quartiers du canton de Genève où des parents et amis organisent des réceptions en son honneur dans les cafés locaux. Une souscription est même ouverte pour acquérir l’avion en faveur du Musée d’Art et d’Histoire, alors que la presse dithyrambique s’en donne toujours à cœur joie.

    Au Casino : une exposition est réalisée en son honneur

    Une exposition est rapidement mise sur pied au casino Kursaal de Genève où le Deperdussin est exposé du 24 au 26. Quelque 1.400 élèves des écoles ont la chance de voir de près leur héros et son appareil si moderne. Une conférence est donnée par un professeur, intitulée « L’aviation aux grandes altitudes ». En fait, jamais un aviateur genevois n’a été alors aussi bien fêté et aussi longtemps dans son pays. Mais les choses ont une fin et Parmelin doit s’en retourner en France pour continuer à former des élèves pilotes et y rapporter son appareil. Les semaines passent et l’on ne parlera bientôt plus de cet exploit pour de très graves raisons à venir....

    Un exploit historique qui marque la fin d’une "belle époque"

    Aujourd’hui, face à la postérité, on constate que ce vol reste l’un des 3 exploits de l’aviation suisses que l’on retrouve encore cités dans les ouvrages chronologiques étrangers sur l’histoire des débuts de l’aviation. Cela inclut la traversée du lac Léman, dans sa longueur, par Armand Dufaux en 1910 (voir Récits) et un dernier fait cité plus loin. Cette traversée du Mont-Blanc représente également le dernier haut fait d’un genevois à la fin de la période des pionniers de l’aviation européenne (1906-1914). Cinq mois plus tard débutera la Grande Guerre de 1914-1918. Le sport de l’air sera confisqué par les militaires. Et bientôt les avions porteront une immatriculation, le brevet de pilote deviendra obligatoire et l’aéronautique sera gérée au niveau fédéral. On ne décollera plus en toute liberté vers où l’on a envie.

    Il reste à noter qu’un Genevois avait déjà conquis à pied ce Mont-Blanc, le savant Horace-Bénédicte de Saussure (août 1786). Il convenait donc probablement qu’un compatriote survole ce sommet en premier, en aéroplane et à son tour, en février 1914. Sans compter qu’en juillet 1921, un troisième genevois, sera le 1er à se poser et à re-décoller avec son appareil depuis le Dôme du Goûter : François Durafour (voir : Récit). Il convenait donc de se souvenir de cet exploit sur le Mont-Blanc dont il ne reste plus aujourd’hui que le nom d’une rue de Cointrin, qui fut baptisée en honneur à Agénor Parmelin (1884-1917).

    Carnet de vol Collex-Bossy - Mont-Blanc - Aoste (11.02.1914) :

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    La foule italienne se presse autour de l’appareil de Parmelin à son arrivée proche d’Aoste, de l’autre côté du Mont-Blanc, 1H30’ après son départ des environs de Genève.

    Parmelin décolle à 13h38’ (heure suisse) de l’altitude 473 m. Il prend de la hauteur en décrivant un grand cercle ; après avoir fait un tour de l’aérodrome à 400 m de hauteur. Il coupe la ligne des hangars à 13h40’ et disparaît vers le Mont-Blanc. En traversant le lac, de Genthod à Vandoeuvres, à 1700 m d’altitude, grâce à la transparence des eaux, Parmelin peut apercevoir tous les détails du fond. Il pointe vers le Salève.

    Laissant le Môle à sa gauche, Parmelin voit Cluse, dont les maisons sont éclairées par le soleil puis Chamonix ; la tête de Salaz est à sa droite. Un fort vent de sud-ouest le fait dériver, l’oblige à compenser tout en conservant le Mont-Blanc en point de mire. Sur la région de Bonneville, le moteur parait avoir des "ratés", Parmelin a un moment de frayeur. Après avoir réglé l’alimentation en benzine, le vol se poursuivit sans autre problème.

    Il survole la vallée de l’Arve jusqu’à Sallanches, passe à gauche de l’Aiguille du Goûter, et s’élève à une altitude de 5.300 m. Après avoir franchi la Tête-Noire et laissé à sa gauche le Dôme-du-Gouter, il traverse la chaîne des Alpes entre le sommet du Mont-Blanc et le Mont-Blanc-de-Courmayeur, après avoir atteint une altitude de 5.540 m.

    Pendant cette 1e période du raid, le barographe donne les indications suivantes : 22’ après le départ (15h01’ heure franço-italienne), altitude 4.143 m ; à 15h24’, altitude 5.540 m et cette altitude est maintenue pendant 14’. A 15h38’, le Mont-Blanc (4.817 m) est largement survolé. En 59’, Parmelin a franchi une distance de 80 km. Le moteur fonctionne très bien et n’a pas besoin de donner toute sa puissance.

    La plaine du Piémont est masquée par une mer de nuages d’où émergent les cimes de plus de 3.000 m. Ce brouillard ne lui permet pas de continuer jusqu’à Turin. Il cherche à atterrir près d’Aoste. Il décrit une courbe et se dirige sur Courmayeur en ayant à sa gauche le glacier de la Brenna. Il se met en vol plané pendant 4’ et descend à 4.400 m.

    Remettant son moteur en marche, pendant 9’, Parmelin longe les masses rocheuses du Mont-Blanc en se dirige droit sur Aoste. A l’altitude de 4.200 m, il pratique un nouveau vol plané de 8’ au-dessus des contreforts des montagnes qui forment la rive gauche de la Doria Baltea. Il arrive au-dessus d’Aoste qu’il survole seulement de 50 m et la dépasse. Le bas de la vallée étant obstrué par de gros nuages blancs, il rebrousse chemin.

    Parmelin décrit un grand cercle pour trouver un terrain d’atterrissage qu’il découvre à 1 km à l’Est, à Montfleury, où il atterrit à 16h06’ locale (altitude 585 m). Il a mis 1h28’ pour accomplir son raid de 112,500 km. NB : Les altitudes et les temps indiqués sont fournies par le graphique du barographe-altimètre Richard, dont la bande papier fut signée au départ par le Lt-colonel E. Borel (président du CSA, (Biogr), et à l’arrivée par le capitaine Chicco. Cette performance a été contrôlée par la Commission sportive du CSA.

     

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    Montre Vacheron & Constantin - Genève

     

    Par : Jean-Claude Cailliez
    Le :  lundi 13 juin 2005
  • Le survol du Mont-Blanc a été traité dans le bulletin de l’Aéro-Club de Genève "La Feuille Volante" no.87 de février 2004. Voir aussi : la Tribune de Genève du 30 janvier 2004.
  • [04.2007] Parmelin survole le Mt Blanc (vidéo, N&B, sonore, 01’51’’, 39Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3 minimum.
    [11.02.2014] Centenaire : Agénor Parmelin, héros du Mont-Blanc en février 1914 (diaporama, 02’36’’, 7Mo). Format MP4.

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