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Sur le dos, traçant avec sa dérive un sillage sur le Léman : Fred Nicole le roi de la voltige (1951) [vidéo]

 

Très gravement blessé dans un accident de voiture le Français Fred Nicole met 4 ans pour pouvoir piloter à nouveau. A partir de là, il va devenir un talentueux pilote, efficace dans divers domaines, et faire une carrière étonnante. Il est surtout devenu un incomparable pilote de voltige aérienne, parmi les meilleurs au monde. Une de ses spécialités est le vol sur dos de longue durée. Mais lorsqu’il trace un sillage dans l’eau avec la dérive de son avion, sur le dos, il les étonne tous !


Une maîtrise exceptionnelle, et devant le public, tracer un sillage au large de Cannes avec la dérive du Bücker : c’est Fred Nicole le 9 septembre 1951.
  • Article associé : Appareil Bücker Bü-133 Jungmeister |*|
  • Un pilote d’avion survivant d’un très grave accident d’automobile

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    Le grand Fred Nicole lors du meeting de Lausanne (juin 1949).

    Fred Nicole naît en 1911 et se dirige très rapidement vers l’aviation. Le jeune parisien décroche son brevet de pilote à 19 ans ! Mais un soir qui suit une fête aérienne, des amis l’emmenèrent en voiture en pleine nuit et s’écrasent contre un arbre. Nicole reste plus d’un mois dans le coma entre la vie et la mort. Il se réveille, mais à le voir si diminué, ses amis pensent que sa carrière est terminée. Sur sa demi-inconscience veille heureusement son épouse qui va lutter pour lui pendant des mois. Puis, à son tour, Fred Nicole exploite les faibles possibilités qui lui sont rendues, très lentement, sans pouvoir sauter d’étape. Il reconstruit patiemment sa vie, s’astreint à une discipline avec l’unique objectif : repiloter.

    Ses efforts son remarqué par un ami pilote, Edmond Lebrun, qui l’amène à l’aérodrome d’Avranches (près du Mont St-Michel) où il est reçu comme un frère par le couple normand. Là, Lebrun joue le patient rôle de second moniteur pour Fred. Les progrès sont lents et Nicole, mesurant ses nouvelles forces, se montre d’abord timoré. Les Lebrun insistent et Nicole reprend confiance, retrouve ses réflexes, reconquiert son indépendance ... Quatre années de luttes l’amènent enfin à son but. A partir de là, tout ce que lui offrira le reste de sa vie est un cadeau, du supplément. Il se sait invincible, en toute réelle modestie ! Mais déjà avant cela …

    Dès 1936, moniteur de l’Aéroclub, Nicole forme pendant 3 ans plus de 50 jeunes pilotes sur un Stampe (F-BDEC) et le Potez 60. En 1939, il intègre l’Ecole de l’Air et devient chef pilote su Service des sports aériens. Durant la guerre il est au 2e régiment de chasse à Strasbourg, enrôlé pour 4 ans. "Je pilotais un biplace Nieuport-29. En plein vol, soudain, l’empennage arrière de l’appareil me fausse compagnie. Je dois mon salut à un saut en parachute ! Dès 1940, j’effectue de multiples vols de combat. Puis c’est la retraite. Une terrible aventure. A Perpignan avec mon camarade Dellys, nous nous sommes appropriés un bombardier bimoteur Léo-45. Notre décollage est un tour de force, car sur le terrain, pour empêcher l’envol, une succession d’obstacles ont été hâtivement placés, des voitures, des camions... Nous avons néanmoins atteint l’Afrique du Nord et Meknès. Ce fut une curieuse aventure !"

    Fred Nicole, champion de voltige aérienne, adore voler sur le dos

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    Au meeting de Lausanne, 8 jours avant l’exploit de Cannes.

    A la Libération il repasse son brevet de transport public. Mais entre temps il est devenu un virtuose de l’acrobatie aérienne. En septembre 1947 il acquiert un planeur acrobatique et en 1948 son Bücker Bü-133 "Jungmeister" rouge et jaune (c/n.39, F-BBRI) qui sera totalement reconstruit par Maurice Brochet. Il se spécialise dans le vol sur le dos et lors d’un vol médicalement contrôlé à bord d’un Stampe, il tient 65 minutes (oct.1947) doublant les 27’ de Michel Detroyat. "Les premières minutes, c’est facile", dit Nicole. "Après il faut serrer les dents pendant un petit quart d’heure et ensuite tout redevient normal." Le record tiendra jusqu’en 1957, amené à 76’, par Léon Biancotto (Stampe). Nicole devient champion du monde d’acrobatie en 1949 aux USA. Il est aussi pilote d’essai chez Breguet, en charge du prototype d’hélicoptère Br.111E Gyroplane et lui fait faire son 1er vol (21.05.1949). Pour le Centre d’essai en vol, il pilote encore le planeur Fouga Sylphe et en fait la démonstration, dont à Miami (USA, 1950).

    Nicole participe toujours aux meetings aériens et tente, en vol sur le dos, d’aller encore plus loin et de façon les plus étonnantes utilisant tant le Stampe que le Bücker. On le voit aussi bien en Europe, aux USA qu’en Afrique du Nord. Les 25-26 juin 1949, il fit une superbe démonstration à Lausanne : en vol sur le dos, il coupe même son moteur à 3-4 m au-dessus du terrain ! Il raconte très calmement l’un des incidents vécu lors d’un de ses vols sur le dos "Je faisais mon programme habituel. Soudain ma ceinture me retenant au siège cède. Je suis les pieds en l’air, la tête en bas, en vol sur le dos. Je me retiens à la force des poignets au manche, j’effectue un renversement, et poursuit mon programme en ayant soin de constamment me servir de la force centrifuge. Mais le public ne s’est rendu compte de rien ! "

    Avec sa grande simplicité, sourire aux lèvres, Fred Nicole livre une autre aventure. "J’accomplis un vol d’essai à Carcassonne avec un mécanicien, un polonais, qui se disait pilote. Ce garçon me demande de pouvoir prendre les commandes, nous sommes en double commande, pour "s’amuser un peu". J’accepte. Je pars au-dessus de la couche de nuages, puis à 2.000m peut-être, lui passe les commandes. C’est, pendant 20’, une sarabande effrayante. Je n’avais jamais connu cela en avion ! Je m’amuse beaucoup, laisse faire mon polonais, en me disant simplement qu’en fait de notions de pilotage, il a intérêt à reprendre son instruction dès le début. Brutalement nous dégringolons dans la couche de nuages. Ca devient hasardeux. Finalement, à quelques centaines de mètres du sol, les nuages traversés, je veux reprendre la machine en mains. La direction est bloquée ! Il me reste un léger jeu dans le manche. Je ne sais pas très bien comment je suis parvenu à atterrir, après avoir redressé la machine sans palonnier. Bref, nous voici au sol : et je constate que mon malheureux garçon a simplement eu en plein ciel une crise d’épilepsie, car c’était un pauvre épileptique, et je l’ignorais... Je m’en souviendrai longtemps !"

    A la recherche de nouveaux exploits aériens sur le lac Léman

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    Le Bücker Bü-133 "Jungmeister", Fred Nicole et son mécano.

    Toujours aussi naturellement casse-cou et indestructible, Fred Nicole est de retour en Romandie, à Evian le 22 juillet, puis à Lausanne pour le meeting du 2 septembre 1951 où il y remporte le concours d’acrobatie. Mais il a une nouvelle idée derrière la tête avant de se présenter au meeting de Cannes (F) le week-end suivant : ce serait de voler sur le dos au raz de l’eau et de tracer un sillage dans l’eau avec le haut de la dérive ! Personne n’a encore osé cela et c’est bien pour ça que c’est passionnant !

    Durant la semaine, tôt le matin il se fait accompagner par un autre avion qui surveille le lac Léman et détecter d’éventuels OVNIs (Objets Voguant Nuisibles à l’Inédit). Nicole utilise le milieu du lac loin des regards suisses ou français. Bien sûr, ce type de vol est interdit et la basse altitude aussi ! Nicole vole à moins de 3 m de haut, sur le dos, le nez un peu relevé à la puissance maximale du moteur. Il doit prendre ses repères doucement car sur l’eau il est très difficile de déterminer son altitude. Dans cette configuration l’aile à une faible portance et l’eau va fortement freiner l’appareil. Sortez votre main par la vitre d’une auto à 100km/h et imaginez 3 fois sa surface entrant à 220km/h dans de l’eau. Un geste trop brusque, une erreur et le petit biplan explose dans l’eau et coule avec le pilote obligatoirement sanglé à son baquet. C’est du "super-rase-mottes" et c’est la partie mobile de la dérive, la plus fragile, qui pénètre l’eau. L’appareil ressent toutes les vibrations issues de ce frottement. Mais Nicole tiens bon et sort de sa position. Il faut une main d’une finesse incroyable pour redresser ensuite l’avion en dégageant de l’eau la dérive. Puis il recommence. En quelques jours il est prêt à montrer cette nouveauté au public qui bénéficie d’un plan d’eau.

    Le 9 septembre 1951, dans le port de Cannes, devant l’hôtel Carlton et un nombreux public, Fred Nicole, ce pilote phénomène, époustoufle le monde en traçant un sillage d’écume dans la mer avec son Bücker-133 F-BBRI ! Il en parle avec calme et modestie. "A Cannes, dans la mer, c’était plus difficile que sur le lac de Genève. Sur un lac, la surface de l’eau est lisse, tandis que la mer, ça bouge tout le temps." Les autres célèbres pilotes d’acrobatie sont en réelle admiration. Michel Detroyat (1905-1956) : "Fred Nicole, à qui sans me tromper je peux décerner le titre de "roi des casse-cou". Il ne fait pas partie de cette catégorie des "fous" comme on en rencontre en Amérique et qui jouent par plaisir leur vie à pile ou face. Nicole est avant tout un maître de la voltige aérienne, et c’est à cette maîtrise jointe à son immense audace qu’il doit d’être encore en vie à plus de 40 ans.... Parce qu’il reste, à l’époque où l’aviation s’industrialise, de la race des "passionnés", des "purs" comme ceux de Saint-Yan notamment et leur patron Notteghem en tête ... et des gens comme ça, il en faudra toujours."

    Tant d’aventures, tant de chance, tant de force...

    Bien sûr qu’après cela, quelques rares autres pilotes tenteront et réussiront la même acrobatie. Et le très décontracté Fred Nicole poursuit sa carrière comme moniteur de voltige (1958). Il pratique aussi l’écriture publicitaire dans le ciel et continuera de voler le plus longtemps possible. Il compte quelque 70h de vol sur son célèbre Bücker qu’il vend en 1957 au pilote américain Robert Pfaff. Après toutes ces aventures aériennes et un retraite plus que méritée, Fred Nicole s’est éteint à Paris à 86 ans, le 9 février 1997.

     

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    Fred Nicole observe son Bücker dont on devine les maquages civils suisses, 1951 (Coll. Noël Brochet).
    Par : Jean-Claude Cailliez
    Le :  jeudi 1er juin 2006
  • Pour plus d’information : il n’y que Pionnair-GE.com
  • Fred Nicole, voltigeur (Diaporama, 1950’s, sonore, ≈ 2’11’’, ≈45 Mo). Nécessite le plugin QuickTime 7.1.3.

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