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Aux Journées d’aviation de Planeyse (NE), on ne voit que des aviateurs genevois (1910) [vidéo]

 

Un 1e meeting d’aviation est organisé sur 3 jours par le canton de Neuchâtel. Les aviateurs suisses recensés sont tous genevois. Au début janvier 1910 la météo va perturber la manifestation où l’on ne réussit que de courts "vols" ou bonds en ligne droite avec un peu de casse. La foule qui vient à son 1e show aérien est déçue et une chanson satyrique naît de l’événement. Heureusement, 1910 verra de nombreux autres meetings baignés de succès. Ces journées restent l’exemple du 1e meeting organisé par une autorité cantonale.


Sur le terrain militaire de Planeyse (NE), en janvier 1910, se déroule le 1e meeting aérien du canton où tous les aviateurs, peu expérimentés, viennent de Genève.

Pour la première fois, un meeting d’aviation en Suisse, hors de Genève.

Après les exhibitions publiques de Liwentaal à Genève (voir : Récit, le canton de Neuchâtel est en Suisse le 1e à mettre sur pied un meeting d’aviation. A la fin de 1909, des contacts furent établis dans cette intention avec l’importateur genevois des avions Blériot : Henri Speckner (voir : Récit). Seuls 4 aviateurs suisses ayant brièvement quitté le sol sont alors connus, tous genevois. Ils ont promis d’être présents avec leurs appareils mais sans garantie aucune d’exécuter de longues lignes droites et encore moins de vols circulaires : MM Speckner et Carfagni sur Blériot XI, Charles Nigg sur un aéroplane Voisin et les frères Dufaux avec leur Dufaux-4 qui fit ses premiers bonds à mi-décembre (voir : Récit. D’abord prévue aux dates des 2-4 janvier 1910, un léger accident au Dufaux fait reporter la manifestation aux 9-11 janvier.

On connait peu de chicanes administratives à l’époque. Un comité d’organisation est rapidement nommé présidé par Jules Zeller, secondé de Jules Turin, commandant d’arrondissement qui dirige le comité de police et d’aménagement du terrain utilisé. Au comité technique : Emile Blattner ; aux finances Alex Coste ; aux subsistances Marc Dubois ; au sujet de la presse et de la publicité : Jean Bauler ; tous neuchâtelois. Le journal genevois "L’ABC" est choisi comme organe officiel du meeting et est à la disposition du public pour tous renseignements. Les aviateurs sont assurés pour 400.000F contre le risque d’accident qui toucherait le public. Les organisateurs ont visé haut, alignant 3 journées de manifestations dont 2 en semaine, du dimanche à mardi ! Des assurances formelles ont été données par les aviateurs pour que des essais les plus poussés soient tentés en vue de ne pas déranger le public inutilement, donnant une confiance absolue dans l’organisation de ces journées.

Le champ d’aviation idéal est situé à Planeyse, près de Colombier, sur le terrain d’exercice militaire de la IIe division. C’est une surface sans arbre, sans poteaux électriques ou télégraphiques, de 480km2, qui semble offrir toutes les garanties pour une telle manifestation. On cite même "une pente propice au lancement de mono ou biplans !" Une tente abritera les 4 appareils et 2 cantines seront présentes. La Société de Cavalerie de Neuchâtel-Vignobles prête son précieux concours pour clôturer la place, fournir des estrades, des accessoires, tout le nécessaire à l’aménagement du site. Cette société organise chaque année d’importantes courses de chevaux, elle est d’un grand secours.

Les concurrents, les dossards, les couleurs des casquettes en ce dimanche 9 janvier

Les 2 appareils Blériot-XI présents sont des monoplans du type "Traversée de la Manche", célèbres par l’exploit de Louis Blériot en juillet (voir : Appareil). Les frères Dufaux apportent leur aéroplane biplan de construction intégralement suisse (sauf le moteur). Il a déjà effectué plusieurs "vols" à Viry, dont un à 6m de haut (voir : Appareil) ! Comparé au Blériot, son poids est de 175 kg, au lieu de 220 kg, avec une surface portante de près du double. Les trois appareils utilisent un moteur Anzani à 3 cylindres de 25-30cv. Quant au biplan Voisin, son envergure est de 10,50m ; longueur 11 m ; surface portante 44 m2 ; poids 500 kg ; moteur E.N.V. de 8 cylindres et 60cv. L’hélice à l’arrière, d’un diamètre de 2,30 m et d’un pas de 1,25 m, tournant à 1.100 t/min, est accouplée directement sur le moteur. Une cellule stabilisatrice à l’arrière, de type cerf-volant, inclue le gouvernail de direction. Par contre, le gouvernail de profondeur se trouve tout à l’avant. Un train à 2 roues, avec ressorts acier et complété de 2 petites roues à l’arrière supportant la cellule.

En ce dimanche 9 janvier, près de 8.000 spectateurs sont présents, bien que l’organisation laisse à désirer et que les transports soient insuffisants. Le public est mécontent, mais les restaurateurs et cafetiers sont ravis. A 14h, au coup de canon, débute la 1e journée de vol. C’est à Speckner qu’échoit de montrer le 1e avion en vol à cette population (NB : notre importateur et aussi garagiste genevois). Il décolle, monte à 15m mais se pose brutalement, sans casse ! A 14h40 Charles Nigg (garagiste) se lance à son tour avec son biplan Voisin, fait un bref saut de puce à 5m de haut, sur 200m, et retourne en roulant au paddock. Speckner tente un nouveau départ, mais son appareil tire à gauche, une aile est mal montée et son mécanicien Léonard intervient sur l’appareil. Entre chacun de ces essais la foule attend, patiemment. Armand Dufaux est arrivé dans la journée et est encore en train de monter son appareil et ne peut donc voler pour l’instant. A 15h30 Speckner fait une 3e tentative, roule sur 200m, décolle, atteint 12-15m de haut et chute encore. Le pilote n’a rien mais son moteur s’est enfoncé dans le sol ! La foule curieuse, d’abord émoustillée, est devenue impatiente et nerveuse. Elle siffle les aviateurs et acclame les corneilles. Haletante, elle sursaute à la chute de Speckner, déborde le service d’ordre insuffisant, se rue vers le Blériot et refuse alors obstinément d’évacuer la piste, malgré les évolutions du Voisin transformé un instant en gendarmerie à cheval. Finalement, Nigg tente une envolée, ainsi qu’Alphonse Carfagni (garagiste) sur son Blériot, mais ils n’aboutissent à rien ! Ainsi se termine cette 1e journée dont on ne sait pas encore qu’elle sera la meilleure !

Lundi 10, la météo est devenu défavorable aux frêles appareils : il y a du vent. On compte moins de monde qu’hier. C’est lundi, les résultats du dimanche ne sont pas fameux et du vent en janvier et en plein air ce n’est pas agréable. On compte toutefois 6.000 personnes cet après-midi et 3 aviateurs rescapés. Nigg entre en lice et roule, subit une panne et ne décolle pas. Le biplan Dufaux est encore plus handicapé que les autres par le vent et ne fait que du roulage, hélas pour ce pur produit helvétique. Puis c’est Alphonse Carfagni qui élève son Blériot à 15m de haut sur 300m de long. Il recommence en 2 ou 3 occasions et vole sur près de 500m. Mais à un atterrissage une aile se détache, sans trop de dégâts. Carfagni finira porté en triomphe par les spectateurs : c’est la plus belle envolée qu’on ait vu ici (et aussi la dernière). Le mardi 11 aucun pilote ne peut voler, il y a vraiment trop de vent pour les appareils réparés. C’est ainsi que se termine ce meeting qui reste, pour les organisateurs, un succès puisque la caisse laisse un profit de 10.750F (110.000F actuels).

L’aviation genevoise génère la 1e chanson suisse sur l’aviation naissante !

Quoi qu’il en soit, même en tenant compte d’une météo très défavorable en ces débuts de l’aviation, le public local reste fort déçu et conclut que si les aviateurs n’ont pas réellement volé, lui l’a été ! Une chanson satyrique sur ce meeting naît aussitôt (♫ voir ci après ♫) ! A ces critiques peu aimables, les aviateurs genevois ripostent. Dans une lettre du 13 janvier publiée dans "l’ABC", ils rappellent que ni le Comité d’organisateur, ni les aviateurs n’avaient pris aucun engagement quant aux tentatives de vol qui seraient faites : "Nous savions déjà que toute tentative d’innovation est généralement fort critiquée Le Comité d’organisation et nous-mêmes venons d’en avoir une preuve éclatante. Evidemment, la majorité des spectateurs était composée de personnes non initiées et dont l’éducation pour ces sortes de manifestations n’est pas encore faite. C’est en somme assez naturel dans un pays qui n’a encore jamais vu d’aéroplanes. Mais ce qui l’est moins, c’est de voir certains correspondants de journaux que nous aurions cru assez cultivés pour le comprendre, ne pas craindre de nous réserver des épithètes les moins flatteuses. Signé : A. et H. Dufaux, A.M.Carfagni, Ch.Nigg, H.Speckner."

De nombreux autres meetings vont se tenir en Suisse en 1910, attirant nombre de spectateurs. Les avions suisses vont rapidement être capables voler pendant près d’une heure ! Aussi, pour faire oublier au public l’insuccès de l’édition de janvier, les organisateurs neuchâtelois, prépareront une 2e manifestation à Planeyse en automne dotée de nombreux Prix, plusieurs milliers de francs d’alors, attirant les aviateurs confirmés. Du 15 au 17 octobre l’événement aura du succès, avec les aviateurs suisses E.Failloubaz, R.Grandjean, Dufaux, E.Taddéoli et le Français Vallon. La foule se précipitera à Planeyse et cette foi-ci, s’y plaira beaucoup, sans plus jamais écrire de chanson critique dédiée aux pionniers de l’aviation suisse.

 

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Le biplan Voisin de Charles Nigg et le Blériot-XI d’Alphonse Carfagni (10.01.1910).
 
Couplet 1 ♫Couplet 2 ♫Couplet 3 ♫Couplet 4 ♫Couplet 5 ♫Couplet 6 ♫couplet 7
Dans la plaine de PlaneyseTrois ou quatre semaines d’avance,Las ! j’y fus, mais quelle cohue !Qu’en diront ceusses de "La Tchaux"Lors, à la cantine Mais soudain l’une s’élance !O mouette gracieuse
et de Colombier,On chanta partout :Et qu’j’eus froid aux pieds !et ceusses des p’tits cantonsfurent se consoler,Hourra, Bravo, Vainqueur !qui parus soudain.
on a pu, bien à son aise,Il faudra s’mettre en partance,Car on y fit le pied d’gruequi s’étaient tous faits très beauxet ne firent pas grise mine,Mais hélas, que de malchance,Tu ris l’audacieuse
au mois de janvier,abandonner tout.tout l’après-dînerpour voir d’l’aviation ?ont même rigolé !quel fichu moteur !qui t’imite en vain.
voir de grandes machinesPour voir des machinesSouhaitant que les machinesMaudirent ces machinesR’garde voir c’te machine,Chute de la machineAviateur ! Elle t’chine,
qui devaient voler.qui vont p’têtre volerpuissent enfin voler.qui n’peuvent pas voler !qui n’peut pas voler !qui n’peut plus voler !elle qui sait voler !
Aviateur tu m’chinesAviateur tu m’chinesAviateur tu m’chinesAfiateur tu m’jinesAviateur tu m’chinesAviateur tu m’chinesAmis, quelle guigne
qui prétend planer !qui prétend planer !qui prétend planer !gui brédends blaner !qui prétend planer !de n’pouvoir planer !d’n’avoir pu planer !

 

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Le train du biplan Voisin en réparation à Planeyse.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 14 août 2006
  • Pour plus d’information, voir : Du ballon au jet, de R.Jeanneret & G.A.Zehr. Ed. G.Hattinger, Neuchâtel, 2000,330p, ills à la "Librairie ".
  • [04.2018] Planeyse (NE), les premiers meetings aériens de 1910 à 1914 (diaporama, 38ph, 04’06’’, 10Mo). Format MP4.

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