Le site des pionniers de l’aéronautique à Genève 
Des Genevois chez eux ou ailleurs et des étrangers dans Genève 
 | Agenda | Plan du site  | Pionnair-GE in Deutsch | Pionner-GE in English | Espace privé 
 
 
Caudron G-3 : un biplan militaire à tout faire qui connaîtra des succès civils inoubliables (dès 1914) [vidéo]

 

Conçu en 1914 pour l’observation militaire, le biplan Caudron G.3 servira encore à la formation de 17.000 pilotes alliés. Surplus de guerre, il aura ses heures de gloire civiles. Le Genevois François Durafour en fait le 1er avion d’une compagnie de transport en Suisse, véhiculant son passager ou du courrier. Il le posera sur le Dôme du Goûter à 4.331m en 1921 et réussira à décoller de là ! Jusqu’en 1935, les meetings aériens régionaux verront parfois voler le G3, ainsi que Cointrin en 1955.


Dans ses couleurs d’écolage militaire de 1916, le Caudron G.3 vole encore. Une des répliques, née à la Ferté-Alais près de Paris, montre son minuscule cockpit à l’arrière des ailes (Ph. Pierre Giron).

Premier grand succès de la firme Caudron, le G3 connaîtra des milliers de pilotes

Dès 1909 les frères Gaston et René Caudron produisirent une vingtaine de types d’avions près de la plage du Crotoy (Océan Atlantique), quelque 150 appareils en tout, sans réellement de grand succès commercial. Avec l’appareil G3 (G.3, G-III), peu avant la guerre, ils conçoivent un biplan monomoteur dédié à la reconnaissance et à l’observation militaire. Il s’agit d’un avion entoilé, à double dérive arrière, équipé d’un moteur en étoile rotatif tractif à l’avant (Gnome-Rhône ou Clerget 80cv) muni de 2 sièges en tandem placés dans une petite carlingue de bois, en forme de "cul de poule", située à l’arrière des ailes. Pour la stabilité du roulage, chaque train d’atterrissage utilise deux roues avec des amortisseurs à sandows.

Le 1er vol du G3 a lieu en mai 1914 et il se fait vite connaître en battant le record de durée de vol détenu par l’Allemagne : 16h28’. Dès février, la Française Marthe Richer (1889-1982) réussit à acheter le 1er exemplaire civil. Son mari organisant les tournées de "looping the loop" (E.Poulet, J.Montmain, voir : Récit), elle sera présente avec le G3 au meeting de Zurich, laissant croire qu’elle a volé jusque là depuis Le Crotoy. L’appareil démonté est venu en train ! Le 1er mars, après un joli vol, elle le casse à l’atterrissage. C’est le 1er acte du G3 en Suisse ! Indemne, la pilote deviendra la célèbre espionne "Marthe Richard" durant la 1ère Guerre mondiale.

La guerre amène alors une grande production du G3, à Lyon, Issy-les-Mouineaux et ailleurs. Non armé, solide, fiable, maniable et planant bien, il est très vite l’appareil le plus employé aux missions de reconnaissance et de réglage de l’artillerie. Bien qu’au bénéfice d’une bonne réputation chez les pilotes, sa vulnérabilité face aux chasseurs adverses devient trop importante au milieu de 1916, par son absence d’armement et sa faible vitesse (108km/h). Retiré du front, il est affecté aux écoles de pilotage et à l’entraînement de milliers de pilotes alliés (B, F, GB, I, USA). Plus de 17.000 d’entre eux seront formés sur cet avion-école idéal. Il atterrit à 35 ou 40km/h en 60m de piste ! Quelque 2.450 exemplaires du G3 seront produits dont certains serviront à l’entraînement jusqu’en 1928.

C’est durant cette guerre, à Buc (F), que le Genevois et "mercenaire" François Durafour, teste les G3 sortis d’usine, avec le sergent Marcel Bloch, futur Marcel Dassault, assis dans le siège arrière (1915-16, voir : Récit). Ce dernier améliore la voilure du G3, sa gouverne de profondeur, fait inverser les postes de pilote (arrière) et d’observateur (avant). Puis il améliore l’hélice qui sera la fameuse hélice "Eclair" embryon de la future firme Marcel Dassault. L’hélice est alors également utilisée sur les chasseurs alliés SPAD, Nieuport, etc. avec succès.

Aux mains de pilotes civils d’exception : l’immortel G3 des pages de l’histoire de l’air

JPG - 12.4 ko
Deux places en tandem entourées de vide (Ph. :AJBS).

A la fin de la guerre de nombreux exemplaires du G3 sont vendus aux pilotes redevenus civils, avec lequel ils accomplissent quelques exploits notables : En 1919, Jules Védrines (F, 1881-1919) se pose sur la terrasse des Galeries Lafayette à Paris. Elise de la Roche (F, 1884-1919) établit un record du monde d’altitude féminin avec 3.900 m. Adrienne Bolland (F, 1895-1975) franchit la Cordillère des Andes en avril 1921. Mais il y a surtout Durafour !

Avec son ami Minier (voir : Récit), Durafour rachète deux Caudron G3 que l’on verra sur la route Paris-Genève—Paris dès 1919, emportant un passager ou du courrier. Le 1er Paris—Genève se fait en toute discrétion, l’appareil porte encore ses couleurs militaires jaune à cocardes bleu-blanc-rouge. Durafour donnera alors au départ de St-Georges de nombreux baptêmes de l’air et pratiquera les "vols coqueluche" (c/n. 4501). Un G3 est immatriculé CH-3 (3ème avion civil de Suisse). Pour le vol au Mont-Blanc, Durafour utilisera un G3 français, le F-ABDQ. Puis il récupérera un troisième G3 à Bâle-Birsfelden (CH-146, c/n. 5569), que l’on verra voler dans des meetings en 1935 (dont à Viry) et qui tombera en panne à Grey (F).

Un jour de 1920, par forte bise, volant au-dessus de la rade de Genève et ayant mis son moteur au ralenti, Durafour se trouve soudain immobilisé en vol à quelque 300m d’altitude. Puis, chose que l’on ne voit plus de nos jours, il se met à faire de la marche arrière ! Des personnes téléphonent aux pompiers : "il y a un avion arrêté au-dessus de la rade !". Durafour a l’habitude : "Pendant la guerre, avec ce type d’avion, il m’est arrivé, au-dessus de 2.000m, par vent violent, de me trouver déporté à 30 km en arrière de mon point de départ, et j’avais pourtant toujours volé face au vent !" Plus tard, avec un passager et son moteur de 80cv, Durafour n’arrivera pas à atteindre l’altitude nécessaire pour se poser au Mont Blanc le 8 septembre 1920. Il l’équipe alors d’un moteur de 110cv et d’une nouvelle hélice et réussit son magnifique atterrissage au Dôme du Goûter, à 4.331 m le 30 juillet 1921 (voir : Récit), exploit inégalé pendant 30 ans !

Quelques données techniques

Caudron G-III Longueur : 6,8m. Hauteur : 2,5m. Poids vide : 550kg. Vitesse maxi : 108km/h. Sièges : 2. Moteur : Gnome-Rhône Hélice :"Eclair". Surf.alaire : 27m2
de 1914 Envergure : 13,4 & 10m Plafond : 4.000m. Poids en charge : 710kg. Vit. atterriss age : 40km/h. Autonomie : 4h. Moteur rotatif 80cv Produit en : 1914-1918. .

Un dernier vol passager sur Genève en Caudron G3, sur Cointrin et le jet d’eau

JPG - 8.8 ko
Les suspensions du train : des sandows.

La dernière participation remarquée du G3 à Genève a lieu lors du grand meeting de 1955 (voir : Récit). Le capitaine français Constantin Feldzer apporte un G3 qui vole lors du meeting et qui est exposé durant les 20 jours de l’exposition conjointe : "50 ans d’aviation". Un journaliste local, Pierre Leuzinger, a la chance de voler 20’ en tant que passager sur cette pièce antique du Musée de l’air et de l’Espace (Paris) alors que seuls deux G3 volent au monde (le 2ème aux USA). L’appareil baptisé "4 mille" a été retrouvé dans un grenier en 1945 et restauré depuis. Son récit :

- "Le cap. Feldzer, l’œil tout en malice contenue, au sourire rapide comme une manœuvre de haute école, me présente le G3 : "Je l’ai pris en main depuis 3 ans ; en tout 150h de vol. Le moteur original de 110cv a été remplacé par un moulin de 140cv..." Ce qui me frappe ce sont les ailes et l’empennage dont les bords de fuite se terminent en nageoires de poisson, ainsi que les fils innombrables qui tissent un réseau entre les plans et entre les patins du train. Ces "cordes à piano" tiennent les ailes. Le cap. Feldzer : "L’ennui c’est qu’il faut environ 9h de réglage, d’accordage, de diapasonnage, pour 60’ de vol." Le train d’atterrissage est tenu par des lanières de caoutchouc du genre de celles qu’on fixe sur le porte-bagages des bicyclettes !"

- "On peut y aller. Le capitaine empoigne le G3 par la queue (beaucoup de jour et peu de toile) et le pousse vers l’extérieur en évitant les plantes vertes de l’expo d’une aile attentive ; 600kg ça peut aller ! Le G3, on aurait dit un vieux monsieur en canotier égaré dans les caves de Saint-Germain-des-prés. On le pose dans la prairie, seul terrain convenant à ses pieds délicats. Le moteur part sans se faire tirer l’oreille. Je me hisse dans la carlingue, prend place sur le siège avant assis sur une planche en sapin authentique. L’appareil est secoué de faibles tremblements. Nous décollons avec dignité entre une rangée de bombardiers et de chasseurs à réaction. Chose, étonnante, nous n’étions pas depuis une minute en vol que mon cœur se met à battre sur un rythme d’honnête retraité. Que l’on me croie au non, j’ai rarement ressenti dans un petit avion une telle impression de sécurité. En effet, après le décollage, les 140cv se mettent à moudre régulièrement un petit 80 km/h pour père de famille nombreuse."

- "Nous avons donné rendez-vous au photographe au pied du jet d’eau ; il est a motocyclette, parti en même tant que nous et nous attend. Trois petits tours sur la rade faite à la mesure du G3. Trois petits signes en réponse aux bras qui nous saluent et nous rentrons sur Cointrin. Pas de panne, de secousse, de casse, rien d’intéressant ! Au sol, le cap. Feldzer conclut : "Pas d’histoires, mais de temps en temps en panne, alors on se pose et on répare !"

 
JPG - 52.4 ko
En 1972, l’ORTF (TV française) tourne la saga "Les Thibaud" qui se déroule en 1905-1918 et que l’on verra en noir et blanc (6 épisodes de 1h30). Le Caudron G.3 de Jean Salis F-PSYL est brièvement mis pour cela aux couleurs suisses avec le code "WSYL" (moteur Salmson 135cv). Dans la réalité, deux G3 portèrent les couleurs suisses, le CH-3 (1919) de Durafour et le CH-148 (années 1926-35), mais sans "rondelle militaire" sous l’aile semble-t-il.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 14 août 2006

A la Ferté-Alais, Jean Salis et ses constructeurs (et pilotes) de génie ont reconstitué depuis lors plusieurs Caudron G3, pour des musées étrangers ou pour le plaisir des spectateurs du meeting de la Pentecôte.

[12.2007] Le Caudron G3 en vol (Film couleur, sonore, 02’, 49Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3. minimum.

Vous êtes ici : Accueil > Appareils > Caudron G-3 : un biplan militaire à tout faire qui connaîtra des succès civils inoubliables (dès 1914) [vidéo]