Ernest "Nesti" Joseph Sudan : du vol à voile à l’aviation légère

Ernest Sudan studieux, à l’arrière, tel qu’immortalisé par Kelen et Derso en 1937.

Né en 1912 à Genève, fils d’un expert-comptable et très jeune passionné d’aviation, il est dit qu’Ernest Sudan obtint son brevet de vol à voile le jour de ses 16 ans au temps du Collège Calvin. A l’époque du Technicum, en 1930, il construit notamment avec son ami Jean Augsburger (voir : Biogr.), et sur la base de plans, le planeur école Zögling qui est historiquement le premier appareil du Club des planeurs genevois (voir : Récit). En 1934 il lui fera faire une vrille tout en décrochant bientôt son brevet B de vol à voile. Dès 1931, élève pilote du vol à moteur, il est formé par Marcel Weber avec qui il nouera une grande amitié ; Sudan décroche son brevet I no.241, puis le brevet II en 1935. Mais surtout, en octobre 1935, il remplace au pied levé la secrétaire de l’Aéro-Club, Mlle Bornadelli qui s’en va après 7 ans. Il fonctionnera dorénavant comme secrétaire général du Club jusqu’en 1960, soit pendant 25 ans, devenant de facto le "vrai patron" du Club dont il ne voulut jamais assumer la présidence officielle.

Malchance, le 10 octobre 1935, Sudan est contraint de "crasher" le Tiger-moth du Club au départ de Broc (HB-OKA). La terre humique rallonge la longueur du décollage et l’aile droite heurte un poteau électrique en bois au bout du terrain. Sudan et Henri Magnenat sont saufs mais le biplan est irréparable. Non découragé, en 1936, Sudan s’active au travers de tous les groupes : remorque les planeurs au Jura, organise un concours de modèles réduits, participe au meeting de vol à voile de Cointrin (juin) et ramène en vol de Bruxelles, en août, le nouveau monoplan monoplace Tipsy du Club (HB-OFO). Il participe aussi à la création de la fondation suisse Pro Aero. Derso et Kelen l’immortalisèrent sur un dessin de 1937, avec 40 autres pilotes du Club, alors qu’il entre comme commis-principal à l’Aéroport de Cointrin dont il deviendra un adjoint de direction en 1946, bien que "pilote non militaire" et dans l’ombre du directeur le lieutenant Charles Bratschi. C’était une époque avec assez de libertés où l’on pouvait encore aller rincer les roues de son avion en ville dans le sommet du jet d’eau !

Batty et le monoplan monoplace Tipsy à moteur Sareola de 916cm3 HB-OFO (1936-1937).

Pendant la guerre, dès octobre 1939, Sudan donne des cours théorique de pilotage à l’Ecole des Arts et Métiers. En 1941 il épouse Berthe Novel, dite "Betty" (1905-1997) et résident à la rue de Hesse. Après l’Armistice, il fonctionne comme moniteur de vol de 1946 à 1961, formant de très nombreux pilotes issus principalement des familles aisées de la région. " Betty " tient en parallèle le guichet de l’Aéro-Club où elle réalise le travail de secrétariat entre 1945 et 1962, veillant à tout et tenant encore la billetterie des baptêmes de l’air. Si elle parait timide aux yeux des membres du Club, il vous faut alors être bien né, sur la bonne rive du lac, pour pénétrer le Club, sinon un vol passager de quelques poignées de minutes sera la seule chose qu’elle vous autorisera ! Quant à son mari, il dirigera notamment le comité d’organisation de la Fête de l’air qui marque les 50 ans du Club (1959) et sera encore brièvement responsable du Groupe de Vol à Moteur en 1961 avant de cesser toute activité concrète dans le Club en 1962, lorsque ce dernier et alors bien réorganisé et fonctionne en plusieurs groupes d’activités distinctes (voir : Récit).

Aux commandes de l’Aéroport International de Genève-Cointrin

Au sein de l’Aéroport, c’est en 1951 que Sudan devient sous-directeur, directeur adjoint en 1964, puis directeur de notre "porte-avions" cantonal en juillet 1972 alors que Charles Bratschi prend sa retraite. Une attaque cérébrale va malheureusement contraindre Sudan à quitter son activité au début de 1975. Il décèdera en août 1989, à la rue de Budé, sans descendance, et n’aura pas eu le temps de faire ses preuves à un si haut niveau.

Non issu d’une famille patricienne genevoise, ayant débuté une carrière parallèle et symétrique à celle d’Henri Golaz avant-guerre, via le vol à voile et le vol à moteur, Sudan homme intelligent et travailleur s’en distingue par ses choix. Il n’a probablement pas eu la volonté d’explorer les extrêmes de l’air (voltige, vol en montagne, etc.) au profit d’une activité administrative intense, très profitable au Club et ailleurs, mais qui ne lui donna probablement pas autant de satisfactions. Il aurait tant voulu faire partie des familles patriciennes locales...

Bien qu’il ne fût pas un pilote militaire comme ses deux prédécesseurs à la tête de l’aéroport genevois, Sudan aura su allier ses hautes fonctions administratives dans le domaine de l’aviation commerciale avec ses mandats dans l’aviation légère dont la noble activité d’instructeur de vol. En cela, Sudan aura bien perpétué la cohabitation locale de toutes les "aviations", qui régnait à Cointrin depuis 1926, dans une osmose qui perdura encore 25 ans après sa disparition.

"Betty" Sudan enregistre les candidats aux baptêmes de l’air, près de la terrasse du restaurant Canonica à Cointrin (années 50).