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Record d’Europe sur les Alpes en planeur : Valentin Maeder surfe au-dessus de tous ce jour là (2008)

 

Un vol aller-retour de 1.000km au-dessus des Alpes demande une certaine préparation, une météo propice sur la distance, un planeur relativement performant, un pilotage haut de gamme pour surfer au mieux sur les reliefs, beaucoup d’intelligence pour intégrer un environnement changeant et un moral spécifique pour rester Zen pendant tout l’exercice. Sachant aussi, qu’avant le départ, Valentin Maeder annonce précisément comment le vol se déroulera, qu’il va s’y tenir et battre un record !


Valentin Maeder a lové sa grande stature dans le LS8 du GGVVM au départ de son vol record sur les Alpes du 13 mai 2008 ayant décollé tracté depuis Montricher (toutes photos : P.Mégard).

Les ingrédients de base d’une réussite : une tête, 2 ailes, une météo sur mesure

Valentin Maeder (né en 1964), 45 ans, du Groupe Genevois de Vol à Voile de Montricher (GGVVM), pilote des planeurs depuis l’âge de 16 ans. Marié, père de deux enfants, cet homme de haute stature, que certain font ressembler au tennisman Roger Federer, s’est déjà classé 1er en classe "open" du Concours national Suisse de VàV sur un LS18 (2003) aussi que 1er en classe 18m du même concours en 2008. Il a également battu le record du plus long vol triangulaire de Suisse, sur environ 900km.

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V. Maeder donne le feu vert au décollage.

Mais Valentin ne vole pas toute l’année car il passe l’hiver en Indonésie. Avec son frère, il y a 15 ans, ils ont mis là sur pied une sorte de petit paradis sur une minuscule île rebaptisée Wakatobi, au sud-est de Célèbes. Le Wakatobi Dive Resort, dédié à la plongé sous-marine, se situe en plein parc national marin que les deux frères ont aussi la charge de préserver. Wakatobi ne figure pas sur une carte car c’est un acronyme né de la fusion des îles Wangi, Kadelupa, Tomia et Binongko, dans le groupe des îles Tukang Besi, un archipel de la mer de Banda.

Par contre, les cartes du ciel sont la nourriture d’été de Valentin qui, à peine débarqué d’avion, se classe 2 jours plus tard dans le meilleurs dans un concours de VàV romand et va planifier quelques vols hors norme durant l’été dont peu de pilotes européens semblent être capables. Son planeur préféré est le LS8, appareil de performance en composite qui peut être équipé de 2 ailes de 15 ou 18m d’envergure, sans volets, ici le HB-3288 codé "JG" (c/n 8247). Construit en son temps par Rolladaneuren Schneider OHS, son poids maximal est de 525kg au décollage avec pilote et les 4 ballasts d’eau pleins. D’une conception datant déjà de 30 ans, ce planeur est l’un des meilleurs des 14 appareils disponibles dans le groupe, en configuration biplace ou monoplace.

Pas beaucoup de hasard dans un record mais une compilation efficace de données

Quand Valentin juge la période météo favorable selon ses critères, via Internet, il observe en temps réel les vols planés qui s’effectuent sur les Alpes par n’importe quel pilote européen. Après l’analyse des trajectoires, il est capable de relier ces résultats avec la tendance météo et de définir une fourchette d’heures pendant lesquelles un exploit serait possible. Cette perception, il la continuera d’ailleurs durant ses vols, attentif à toute variation décelable par les performances des autres pilotes et les siennes. Une fois convaincu du "créneau" optimal, Valentin fixe définitivement les points de son projet dans son "logger GPS", soit de démarrer haut, à 3.000m au-dessus de Bex (Valais), d’aller jusqu’à Salzburg (Autriche) et de revenir à son point de départ à l’altitude de 1.000m. Avec les GPS et l’électronique embarquée la trace de chacun est ainsi enregistrée, il n’est pas possible de tricher. C’est le projet que Valentin tente de réussir en mai 2008.

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Le LS-8, planeur de performances, aux ailes de 18m d’envergure.

Tôt le matin du mardi 13 mai, Valentin case sa haute stature dans l’étroit habitacle du LS8, en position presque allongée, emmenant une réserve d’eau de 3L suffisante pour un vol de dix heures sous cette serre que forme la verrière translucide. Aucun moteur ne lui génèrera de l’air climatisé et personne ne pourra venir à son secours de toute façon. Au sol, son "dépanneur" et assistant de vol est Eric Santschi avec lequel il a partagé ses intentions. Henri Jaquier pilote l’avion qui tracte le planeur et se dirige maintenant vers Bex. Malchance, Valentin s’est assis sur l’embout lui permettant de boire et il est contraint de retourner à Montricher (voir : Récit). Il remédie au problème et redécolle du pied du Jura. Dommage de rater bêtement ce "créneau" météo ? Pas du tout, l’avenir démontrera que suite à ce retard, il va même bénéficier de meilleures conditions !

A 10h20 Valentin se décroche à 3.000m au-dessus de Bex, au point de virage prévu, bénéficiant d’un potentiel énergétique de base fourni par cette altitude ainsi qu’un choix plus grand de possibilités de mener sa route. Le pilote utilise l’oxygène en permanence, pour exploiter au maximum ses capacités intellectuelles et physique. Un EDS lui en fournit dans un débit contrôlé. La radio, l’électronique, les sensations de pilotage et les conditions aériennes génèrent en permanence une réflexion sur la conduite idéale à suivre ainsi que sur les décisions rapides à prendre. Le cerveau est stimulé mais pas stressé, la concentration est de rigueur, mais sans excès. S’il n’est pas possible de réussir aujourd’hui, il recommencera plus tard. D’ailleurs Valentin à déjà tenté deux fois ce raid dans les jours précédents … Il connait bien ces régions qu’il parcourt d’ailleurs depuis 30 ans.

Record d’Europe et membre de l’élite des vélivoles

La météo est homogène sur tout le parcours, ce qui est peu courant, et l’altitude varie en parallèle aux changements du relief, toujours à la recherche de la meilleure portance et ascendance possibles. L’écoute des autres planeurs reste permanente. Sur l’Oberalp, Valentin croise le planeur allemand de Robert Schroeder qui fait un vol triangulaire sur les Alpes et prend son dernier virage au dessus de Zermatt. Après plus de 500km en ligne droite au-dessus des montagnes, à plus de 110km/h de moyenne, Valentin vire au sud de Salzburg (Autriche) et prend le chemin inverse. Ce vol de retour s’avère à peu près semblable à celui de l’aller. Peu après 19h, il passe au-dessus de Bex, a son point de largage, à l’altitude annoncée, après avoir plané durant 8h20 et réalisé un trajet de 1.020km. Avec 118,3km/h de moyenne, il améliore ainsi le précédent record de vitesse sur 1.000km de 20km/heure. Ce record de Suisse va s’avérer également être le nouveau record d’Europe du genre.

Valentin a bien essayé de retrouver les 3.000m de son départ, ce qui aurait été un autre record, mais sans succès. Chacun peut imaginer sur cela qu’il sera pressé de fêter cette victoire à Montricher, qu’il pourrait facilement rejoindre en vol plané ? Non, il va encore aller planer pour le plaisir au-dessus du Loetchenthal et finira par se poser avant la nuit à Sion (Valais). La Fédération Aéronautique Internationale (FAI), dont le siège est à Lausanne, homologue ce record et mentionne que sur les 534 pilotes de tous les temps qui dépassèrent les 1.000km en planeur, au 1er janvier 2009, seuls 32 sont Suisses dont le 1er, Federico L. Blatter le 13 avril 1983. Valentin Maeder est le 525ème, ce qui lui vaut le badge d’or avec 3 diamants.

 
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Le vol record, de Montricher (CH), à gauche, jusqu’à Salzburg (Aut.), aller et retour, suivi d’une escapade au Loetchenthal.

Valentin, que pouvez-vous encore dire à propos de ce vol ?
- "Il m’a fallu patienter de nombreuses semaines avant que ne se présente cette occasion."
- "Il faut avoir la volonté d’atteindre ses objectifs et rester ouvert à tout son environnement tout en gérant calmement les incertitudes."
- "Le mental est primordial. En vol, personne ne peut venir vous aider. Il n’y a pas de moteur pour vous tirer ou vous rattraper."
- "Le vol à voile, vol intellectuel, mélange à la fois une grande liberté avec un pilotage pointu."
- "On peut toujours battre des records avec un planeur d’une technologie de plus de 30 ans ! La différence : c’est d’être mieux informé et de pratiquer un meilleur pilotage."
- "Il faut surtout savoir traiter et intégrer beaucoup d’informations en permanence pour prendre des décisions rapides. Y’a-t-il un autre sport où l’on intègre autant de données ?"

Dernier détail, s’il était plus souvent présent en Europe, Valentin Maeder aurait aimé former des jeunes au vol à voile, sport qui ne se pratique pas en Indonésie. Les clubs les plus proches sont d’ailleurs probablement assez éloignés de là, probablement en Nlle Zélande ou ailleurs.

Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mardi 1er décembre 2009
  • Pour plus d’information sur le mental du vélivole, voir : l’article dans La Feuille Volante no.86, du 15.11.2003 : "A la poursuite du TAO", par V.Maeder ; et le no.110, du 15.12.2009, pp:17-18 : "Record sur les Alpes", à la "Librairie".
  • Pour planer au-dessus des récifs marins site Internet ou avec le GGVVM site Internet
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