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Le saut en parachute féminin, un grand succès des années 20s (1921) [vidéo]

 

Bien que l’invention soit pratiquée depuis 1797 (Garnerin, F), l’introduction dans les armées (aérostiers), puis dans le monde civil (voltige aérienne) est relativement tardive. En Suisse, le parachute est à la mode dès 1920, les premiers sauts de femmes attirent le public lors de meetings aériens. A Genève, c’est en 1921 que l’on voit les premières corolles s’ouvrir sur Cointrin, elles sont bien sûr également féminines !


La parachutiste britannique Sylvia Boyden va s’embarquer sur un Avro 504 pour sauter au-dessus Cointrin devant des milliers de spectateurs lors d’un meeting du printemps 1921.

Une attraction foraine qui finira par sauver des vies

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Miss Boyden entre sa fille et M.Pethoud.

En Suisse, il nous reste la trace anecdotique du célèbre Genevois J.D.Colladon (1802-1893) qui, en 1844, s’amusait en faisant monter un panier de fleurs et de fruits via la corde de retenue de son cerf-volant. Muni d’un parachute, le panier se détachait pour atterrir doucement dans le voisinage, à l’intention de celle qu’il voulait épater (voir : Récit). Quant au Fribourgeois Paul Wullième, de Salavaux, il expérimente un parachute de sa construction en 1911, sur le lac de Pérolles, dont on ignore le devenir (brevet suisse 50003 du 17.04.1911).

Longtemps une attraction de spectacle forain, le parachute est d’abord imposé aux aérostiers militaires en 1917, durant la 1ère Guerre mondiale, pour l’évacuation rapide des ballons captifs d’observation baptisés "saucisses". En juillet 1920, le tout nouvel Office Fédéral de l’Air l’impose lors de vols acrobatiques en avion. Il n’y a que 5 avions de sports immatriculés cette année là et, en mai 1921, seuls 4 pilotes d’acrobatie en sont équipés : Becker, Comte, Johner et Nappez ! Le parachute pénètre ainsi le monde privé de l’air et les expériences se multiplient. Le modèle Puppe du Lausannois René Pochon (Suisse) est ainsi testé durant l’été avec satisfaction.

Le 10 août 1921, le pilote Marcel Nappez (1896-1957) réalise à Genève son 1er saut en parachute (modèle Heinecke), sautant de 400 m depuis l’hydravion de Marcel Weber. La corolle ne s’ouvre qu’à 100 m de haut et Nappez finit sa course dans un grand chêne de La Gradelle ! Quelques jours plus tard un saut avec un Puppe se déroule à satisfaction. Est-ce la trace du premier saut d’un genevois ? A la fin de l’année 1921, les parachutistes suisses, futurs célébrités de meetings, sont très actifs : Plinio Romaneschi (1890-1950), Benjamin Garavaglia (18xx-1921) ; puis plus tard Ernst Büser (1895-1928) ou Rudolf Boehlen (1898-1953). Mais en ce printemps de 1921, ce sont deux britanniques qui vont étonner les Genevois.

Les meetings aériens de Cointrin en 1921

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Corolle rouge-blanc-bleu de Orde Lees.

Un britannique, saute sur Genève en avril 1921, le major Thomas Orde-Lees (1877-1958) (voir : Récit). Il fit partie comme ingénieur-mécanicien de la fameuse expédition transarctique de Shackleton et, pendant la guerre, s’est spécialisé dans les essais de parachutes. Son appareil possède une corolle en soie japonaise formé de bandes bleues, rouges et blanches, large de 9 m, qui pèse 14 kg. Il l’a baptisé son "Ange gardien" et fut inventé par un ingénieur des chemins de fer anglais Everard R.Galthrop. Son 1er essai, il l’a réalisé en septembre 1917 dans la région d’Arras. Son saut le plus haut a été réalisé depuis 1.500 m et le plus bas de 47 m, du haut du Tower-bridge à Londres : "Plus on part de haut et moins on court de risques !". Avec un saut à Genève-Cointrin le dimanche 17 avril et à Lausanne (devant 15 à 20.000 personnes) le même mois, Orde-Lees réalise ses 69ème et 70ème sauts en parachute.

Comment saute-t-on alors ? Parvenu en avion à l’altitude voulue, on en sort en se précipitant la tête la première vers la terre, car lorsque l’on se laisse tomber debout, on éprouve régulièrement la désagréable sensation du mal de mer. Le parachute, attaché à l’avion par une sangle, s’ouvre et se déploie pendant les premières secondes de chute ; dès lors il descend à la vitesse de 5 mètres par seconde portant son parachutiste à 15 m au-dessous de lui et vient se poser doucement sur le sol : "Le parachute est le canot de sauvetage des navigateurs de l’air. Pendant la guerre, plus de 200 aviateurs ont perdu la vie en sautant ou tombant de leur appareil en feu ou désemparé. Combien auraient été sauvés par ce moyen !".

Mais lors du meeting de Cointrin le dimanche 17 avril 1921, Orde-Lees, saute au milieu d’une giboulée de neige ! Parmi les autres événements de la manifestation, Emile Johner (1895-1922), chef-pilote de l’Ecole Aéro de Lausanne, ne peut effectuer des acrobaties sur son Avro 504K à moteur Le Rhône 110cv, immatriculé CH10, à cause de cette neige. Quant à l’Anglais Maurice Piercey, ayant décollé avant, il effectue ses acrobaties sur un avion Martynside F.4 à moteur Hispano-Suiza de 300cv (G-EAWE). Depuis 3 mois, ce britannique fait sans discontinuer des démonstrations dans les pays européens.

La Britannique Sylvia Boyden va faire une tournée d’été en Suisse. Elle possède déjà une grande expérience avec une vingtaine de sauts à son actif depuis 1918, effectués en Grande-Bretagne, Suède, Danemark et aux USA.. Lorsqu’un second meeting similaire de remplacement, toujours organisé par l’Ecole Aéro de Lausanne, est alors prévu le dimanche 24 avril à Cointrin, il doit être hélas reporté à cause des mauvaises conditions atmosphériques qui règnent tôt le matin. Les deux parachutistes Orde-Lees et Sylvia Boyden rentrent en Angleterre alors que Sylvia fêtait ses 22 ans en ce 24 ! Ils apprennent dans l’après-midi qu’il fait finalement un temps radieux à Genève et que 12.000 personnes sont présentes, malgré l’annonce de l’annulation du meeting ! Cette manifestation va donc se dérouler cette fois-ci le 5 mai, avec la participation des mêmes parachutistes anglais. Les Genevois verront ainsi le saut de Miss Sylvia Boyden qui s’élance depuis l’Avro de Johner.

Une femme Anglaise sous une corolle rouge épate les Genevois

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Orde Lees préparant sa démonstration de saut.

Ce jeudi, la foule est moins importante que le 17 avril à cause d’un temps encore incertain. Johner va enfin démontrer ses capacités de voltige aérienne sur un petit biplan Hanriot-Nieuport de 110cv (CH11). Au sol, les Genevois observent avec étonnement le major Orde-Lees aidant la jeune Miss Sylvia Boyden à s’équiper d’un parachute. Leur avion s’apprête à décoller mais subit alors une grave panne de moteur (soupapes) et doit rentrer au hangar. Un troisième appareil, un Avro 504 de 80cv (CH39), doit être préparé (bougies, essence, huile..) et Miss Boyden y transfert son équipement. Pour faire patienter le public qui est déjà monté trois fois à Cointrin cette année là, et qui en veut, Johner reprend l’air avec le Hanriot-Nieuport et refait une belle démonstration d’acrobatie aérienne très applaudie. De retour au sol il passe rapidement dans l’avion où l’attend la parachutiste et ils décollent enfin.

Arrivé à 400m d’altitude, l’intrépide sportive enjambe le fuselage et se lance dans le vide. En quelques mètres son parachute rouge se déploie et en planant s’approche lentement du sol. Les Genevois sont ébahis devant ce saut de Miss Boyden qui en a moins de 25 à son actif ! Les honneurs à l’arrivée sont à la mesure de l’exploit ! Puis vient le tour du major Orde-Lees qui s’équipe et s’attache à l’Avro. Le ciel se charge de nuages et quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Il va réaliser un magnifique saut depuis une altitude de 500m. Quelque 35 secondes après, se balançant au-dessus de Cointrin, il rejoint le sol sans difficultés et le meeting se termine ainsi.

Dans un monde de l’air réservé aux hommes, souvent anciens militaires ou pilotes de réserve, la présence d’une femme est alors rare et en fait une sorte de gracieuse "bête curieuse" en pantalons. Il faut bien un début à tout. Dans les jours qui suivront Miss Boyden fait une tournée dans la région. Elle effectue des sauts à Lausanne (15 mai), Berne (le 22), Planeyse (le 29), Dübendorf (26 juin), Bex (14 août), Annecy (21 août) où elle réalise son 32ème saut. Elle sautera encore à Moudon le 2 octobre et à Yverdon le 16. Les genevois n’auront pas regretté leurs déplacements vers Cointrin en 1921, ils ont enfin vu l’impensable : une femme sautant d’un avion en vol !

 

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Sylvia Boyden, heureuse parachutiste, pratiquant en Angleterre en 1920.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mardi 13 décembre 2005
  • Pour plus d’information, voir : Schweizer Luftfahrt, de E.Tilgenkamp, 1943, pp:215-220, ills, à la "Librairie ".
  • [12.2015] Les parachutistes Sylvia Boyden et Thomas Orde-Lees en 1919-1921 (diaporama musical, 03’13’’, 79Mo). Format QuickTime 7.5 minimum.

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