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Les touristes britanniques débarquent en hydravion de ligne sur le lac Léman (1957) [3 vidéos]
  Durant l’été 1957 une ligne d’hydravion Southampton-Montreux débarque ses passagers britanni- ques sur la Riviera vaudoise. Le gros hydravion "Solent", quadrimo- teur à hélices, alaque et s’amarre à Bon-Port. La compagnie Aquila Airways relie encore Madère ou les Canaries en lien avec le Club Méditerranée. Mais l’avion mastodonte ne fera que 8 navettes sur le Léman. En 1958, la compa- gnie cesse son activité et l’on assiste bien là à la fin d’une époque puisque les 1ers jets Caravelle se posent bientôt à Cointrin débutant l’ère du tourisme aérien de masse.
Montreux le 1er juin 1957 : Le "Solent" vient d’amerrir et les services de douane et de passagers, en barques, s’empressent autour de l’hydravion d’Aquila Airways dans le décor alpin du lac Léman.

Des vols de vacanciers vers les îles ensoleillées de l’Atlantique

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Les Vaudois sont venus voir l’énorme quadrimoteur d’Aquila.

Aquila Airways est une compagnie indépendante créée en mai 1948, visant à utiliser 2 hydravion Short Sunderland reconvertis pour le transport de fret (ex-Royal Air Force, ex-British Overseas Airways Corp.). Pendant le "Berlin Airlift" (1948-49) elle acquiert 10 autres Sunderland-3 qui effectuent pas moins de 265 livraisons sur les rivières Elbe et Havel et dans les alentours de Berlin. A la fin de ce pont aérien, Aquila souhaite développer largement sa flotte par l’ajout de vols charters de passagers.

En s’associant avec British European Airways, Aquila peut exploiter une ligne régulière entre Southampton et Madère, via Lisbonne. Dès juin 1949, la compagnie développe également des vols charters depuis et vers plusieurs destinations marines peu communes. En juillet 1950 s’ajoute les vols passagers Southampton-Jersey, puis en 1951 des vols charters vers les Canaries. En 1952 des hydravions Short Solent sont rachetés à la RAF et mis au standard civil. Une vingtaine de "flyingboats" quadrimoteurs sont maintenant exploités : 13 Sunderland , 1 Sandringham et 5 Solent. En 1954 le British Aviation Services Group prend le contrôle d’Aquila Airways, dernière compagnie commerciale britannique exploitant des hydravions.

Destination Montreux : vers 1956, Aquila s’adapte aux besoins du marché des circuits touristiques tout compris et apprécie ses liens avec le Club méditerranée, menant des vols réguliers vers Palerme, Corfou, Majorque. Avec l’été 1957 débutera la ligne vers le Léman et le marché pour cette nouvelle destination cible les clients des circuits tout compris. La publicité d’Aquila émise le 8 janvier dit : "C’est dans nos buts de desservir les lieux où un aérodrome ne peut pas être construits. Le vol Southampton-Montreux prendra 3h et supprimera les longs trajets en car à travers l’Europe ainsi que les fastidieux transferts depuis le plus proche aéroport. La ville, posée sur le bord du Lac Léman, offre des paysages somptueux et fut souvent visitée par deux de nos grands poètes Shelley et Byron." Et dès le 9 janvier, la presse vaudoise annonce la venue hebdomadaire de l’hydravion de la compagnie dès le 1er juin.

L’arrivée du 1er appareil qui annonce d’autres vols

Le samedi 1er juin 1957, l’hydravion géant parti de Southampton se pose enfin en rade de Montreux, inaugurant ainsi son service hebdomadaire entre la Grande-Bretagne et la Riviera vaudoise. Après un élégant virage sur Villeneuve, le gros appareil vient poser délicatement ses 35 tonnes dans une gerbe d’écume devant le port de Montreux, peu après 15h. En cette journée ensoleillée, l’événement est suivi avec un vif intérêt par les badauds accourus sur le quai de Bon-port, mais aussi par les dirigeants du tourisme qui attendent beaucoup de cette entreprise révolutionnaire. Les 38 passagers de ce 1er vol sortent des flancs de l’appareil frappé aux couleurs britanniques et au marquage rouge d’Aquila. Ils prennent place sur les bancs de 3 canots à moteur qui vont les mener au ponton de la douane, à la pointe de la Rouvenaz. Ils portent le sourire, ayant plaisir à se trouver en plein "paradis helvétique", à la porte même de leur hôtel montreusien, quelque 3h30 seulement après avoir quitté les brumes de la Tamise.

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Le Short S.45 Solent-4, à Montreux Bon-port en 1957 (G-AOBL).

Les dirigeants d’Aquila sont reçus par les autorités montreusiennes. Le public, lui, regrette que le capitaine Pearson ne semble pas descendre de l’appareil durant l’escale. La foule se console en observant les dimensions respectables du Solent qui mesure 35 m d’envergure pour près de 11 m de haut. Ses 4 moteurs fournissent une puissance de quelque 1600cv, lui permettaient d’emporter 59 passagers dans une cabine à deux ponts superposés. En mer, cet hydravion s’envole sur une distance relativement réduite de 825 m, mais sur les eaux douces comme celles du Léman, un bon kilomètre est nécessaire pour arracher la machine de l’eau douce moins porteuse. Aussi son départ est-il moins gracieux. Puis, avec sa vitesse ascensionnelle de 100m à la minute, il gagnera son plafond de vol à quelque 3.000 m d’altitude.

Le Short S.45 Solent-4 est une version civile moins puissante du Sunderland militaire employé par la RAF durant la dernière guerre. Cet appareil, parmi quatre construits pour Tasman Empire Airways, porte le nom de "Aotearoa II" et fut baptisé par la princesse (alors) Elisabeth d’Angleterre le 26 mai 49. L’avion vola dans le Pacifique sur la "Route du corail" entre la Tasmanie, les Iles Fiji, les Iles Cook et Tahiti (ZK-AML). Aquila l’acquit en 1954 (G-AOBL) et l’a mis sur la ligne Southampon-Montreux pour effectuer 17 navettes en cet été 1957.

Tout se passe bien et les 2 premiers voyages ont été effectués les 1er et 8 juin. Mais un accident bénin survient à un appareil semblable effectuant la ligne l’Angleterre-Madère. Ceci incite les autorités britanniques à demander à la compagnie de garantir la présence d’un bateau pompe dans le port de Montreux, qui soit présent à chaque alaquage, en cas d’un éventuel incendie. Montreux ne possède hélas pas l’engin et les vols sont donc momentanément suspendus…

Après un coup de pompe, l’activité reprend de plus belle …

Le samedi 24 août les vols de l’hydravion reprennent. La difficulté technique a été contournée, une pompe est maintenant installée à bord d’un bateau du port de Montreux et le trafic peut repartir. Ce jour là, ce ne sont que 14 passagers qui alaquent à 14h10, sous une pluie battante. Le Solent repart à 14h30 pour Southampton sous un soleil radieux. L’appareil est à nouveau en escale sur le Léman le samedi 31 août. Quelques autres vols se déroulent pendant les week-ends du mois de septembre, comme cela avait été planifié. A la fin de l’expérience, le bilan global reste mitigé, car seuls 8 des 17 vols furent effectués ne transportant par ailleurs que 154 passagers, soit quelques 20 par vol ! Il faut bien convenir d’un échec financier et d’un échec relatif concernant le nombre de touristes débarqués à Montreux ou embarquant. Malgré tout, en décembre, les autorités communales sont optimistes et Mr Jaussi, président de l’Office du tourisme, souhaite que la liaison aérienne reprenne en été 1958 et soit encore plus fréquente.

Pendant ce temps là Aquila fait face à des difficultés, dont la forte concurrence des avions terrestres, et va bientôt devoir cesser ses activités le 30 septembre 58. Montreux ne trouvera plus du tout sur le marché de transporteur similaire. L’hydravion Solent G-AOBL est alors vendu au Portugal et moisira sur une plage de l’embouchure du Tage proche de Lisbonne avant d’être démantelé par des chalumeaux en 1971. C’est bien la fin d’une époque que l’on est en train de vivre … dans un an le court-moyen courrier à réaction Caravelle se verra sur les lignes européenne dont à l’aéroport de Genève, débutant l’ère du transport touristique aérien de masse : vol en altitude, cabine pressurisée, rapidité, distances allongées, confort, etc. (voir : Récit).

De nos jours, concernant cette initiative spectaculaire, il ne reste plus dans les esprits qu’une poignée de photographies et quelques mètres de pellicule. Au sol, dans le port de Montreux, on peut encore trouver l’ancre et ses grosses chaînes posées sur un socle en bordure du quai. Le tout rappellera aux générations futures que des touristes britanniques, à une époque "héroïque", empruntaient l’hydravion pour rejoindre la Riviera vaudoise alors connue comme le "paradis" du tourisme national helvétique.

 

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Le Solent-4 G-AOBL, à Montreux, paisible, dans l’attente de son retour vers Southampton (GB).
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  jeudi 13 novembre 2014
  • Pour plus d’information, lire : Eagles over water, from Solent to Sun, par Norman Hull, 1994 chez Baron, 116p, ills., à la "Librairie".
  • Frère jumeau du G-AOBL, le ZK-AMO : site Internet
  • [11.2014] La 1ère arrivée de l’hydravion d’Aquila Airways à Montreux le 1er juin 1957 (vidéo musicale n&b, 02’39’’, 86Mo). Format QuickTime 7.5 minimum.

    - La carrière de cet hydravion, en Polynésie, dans l’Atlantique et sur le Léman :

    [11.2015] L’hydravion Solent IV d’Aquila Airways de la ligne Southampton-Ouchy : du ZK-AML au G-AOBL (1949-1971) (diaporama, 02’54’’, 7Mo). Format MP4.

    - L’un parmi quelques gros hydravions vus sur le Léman en 100 ans :

    [07.2010] Bateaux volants du Léman, 1919-2006 (diaporama n&b, 03’40’’, 11Mo). Format MP4.

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