Le Comet, 4 réacteurs noyés dans l’épaisseur des ailes, un progrès considérable
En 1946, la firme anglaise de Havilland est l’une des premières à s’être lancée dans la construction de l’avion à réaction et à vendre ses productions. Les petits chasseurs Vampire et Venom en bois recouvert de métal sont bien connus des Helvètes (voir : Récit). Mais le constructeur s’est dépassé en créant un grand appareil entièrement métallique propulsé par 4 réacteurs implantés dans l’épaisseur des ailes. L’appareil pressurisé et chauffé vole en altitude, au-dessus des perturbations atmosphériques, consommant ainsi moins de carburant. Sa cabine peut emporter de 36 à 44 passagers sur 2.400km à 770/800 km/h, 2 fois plus vite qu’un appareil à pistons. Le 1er vol du Comet date de juillet 1949. La Cie anglaise BOAC reçoit ses premiers exemplaires en décembre 1951, entrant en service en mai 1952 sur les longues distances (Afr. du Sud, Moyen Orient, etc.). Puis d’autres compagnies seront livrées dont Air France dès août 1953.
1.) Il n’est donc pas étonnant que le 1er jet de ligne jamais vu à Genève soit un Comet, en l’occurrence le F-BGNY d’Air France. Il ne s’agit pourtant pas d’un vol planifié mais d’un "cadeau du ciel". L’avion arrive de Rome (vol AF121 Le Caire-Paris) mais ne peut rejoindre Orly pour cause de grève du personnel français de la sécurité aérienne. Le dimanche 20 décembre 1953, après avoir décrit une large courbe au-dessus de Meyrin, à 12h11, le Cdt Tournadre pose l’avion en douceur sur la piste de 2.000m de l’aéroport de Cointrin. Les 27 passagers prendront d’autres vols vers Bruxelles, Londres, ou même le train pour rejoindre leur destination finale dont celle de Paris. L’appareil encore suffisamment avitaillé en kérosène, rejoint Paris à vide dans l’après-midi ou le lendemain. Il faut savoir que la longueur de la piste genevoise ne lui aurait pas permis de décoller à pleine charge.
On ne verra plus hélas de Comet pendant 5 ans. L’appareil subit de graves accidents dès octobre 1952 (Rome), en 1953 à Karachi et à Calcutta puis au large de l’Italie (01.1954). Les avions sont interdits de vol. Une recherche sur la fatigue des matériaux dévoile que les épisodes de pressurisation-dépressurisation créent des fissures dans le métal de la cabine et que ces défauts débutent près des hublots des passagers. Ce n’est qu’en avril 1958 que le Comet-IV amélioré et allongé fera son 1er vol et se verra en service dès 1959. En 1960, de Havilland sera absorbée par Hawker Siddeley qui sera fusionnée dans British Aerospace en 1970.
Le Comet-2 F-BGNY d’Air France qu’on a vu à Genève-Cointrin le 20.12.1953.
La Caravelle, et ses 2 réacteurs à l’arrière de la cabine, la reine des moyens courriers
2.) Il faut attendre 3 ans avant de revoir un avion à réaction commercial sur le tarmac de Cointrin. Il ne s’agit pas encore d’embarquer des passagers mais de faire la démonstration de la fiabilité de la Caravelle équipée avec sa curieuse motorisation placée à l’arrière de l’avion. Le bijou français de la Société nationale de constructions aéronautiques du sud-est (SNCASE) atterrit à Cointrin le samedi 8 septembre 1956 peu après 15h. Venant de Paris, le prototype F-BHHH aux couleurs d’Air France est accueilli par un nombreux public massé sur la terrasse de l’aéroport. L’avion cumule déjà 500h de vol et s’entraine au vol d’approche aux instruments sur l’aéroport. L’équipage est composé du chef-pilote Marcel Guilbert, du Cdt de bord Pierre Bernard ici copilote, de l’ingénieur d’Air-France Michel Philippart et des mécaniciens Vergnie et Masse. Des responsables de l’aéroport sont invités à faire leur baptême en Caravelle, alors que les haut-parleurs commentent au public les évolutions du biréacteur.
3.) En 1957, l’aéroport de Genève à terminé les travaux d’allongement de sa piste en béton à 2.600m en lien avec l’essor des avions à réaction. Un an plus tard, des journalistes suisses sont enfin invités à faire un vol à bord d’une Caravelle, la F-BHRG "Berry" aux couleurs d’Air-France. Le jeudi 9 octobre 1958 quelque 50 reporters embarquent à Zurich pour un court vol local en début d’après-midi. Puis la Caravelle, à vide, mets 22’ pour rejoindre l’aéroport de Cointrin où elle se pose à 17h48. C’est alors au tour des scribes genevois de faire leur vol inaugural dans le soleil couchant. Volant à 3.900m d’altitude, à 800km/h, le circuit Genève-Lausanne-Evian-Genève est bref mais impressionnant. Ceux assis à l’arrière de la cabine ont vu le cockpit, à l’avant, se dresser en force dans le ciel. Les journaux locaux du 11 septembre contiennent chacun un article très favorable à la "Caravelle".
4.) Un autre jet de ligne atterrit à Cointrin en été 1959 pour avitailler. Ce Comet IV de la BOAC (G-APDM) se rend en Australie car il est loué à Quantas. Equipé de 74 à 81 places, il n’emporte ce jour là aucun passager mais un peu de fret. Le spectateur peut maintenant noter la forte similitude entre l’avant du Comet et celui de la Caravelle. En effet, pour accélérer la construction de l’avion français, la SNCASE a acheté à de Havilland les droits de reproduire le cockpit anglais.
5.) En ce même été la Cie scandinave SAS est la 1ère à mettre la Caravelle en service sur certaines de ses lignes régulières. Le 17 juillet 1959 l’appareil baptisé "Vagn Viking" (OY-KRA) de la ligne Stockholm-Téhéran, est le 1er jet à embarquer des passagers payants sur le tarmac de Cointrin. On verra dès lors régulièrement à Genève des passagers monter ou descendre du célèbre escalier situé à l’arrière de la Caravelle entre ses 2 réacteurs (voir : Récit).
6.) Et c’est maintenant au tour d’Air France de mettre en ligne ses Caravelle sur Genève-Paris-Orly dans les 2 sens. Le 1er vol se tient le mardi 3 novembre 1959 embarquant des personnalités politiques et aéronautiques franco-suisses. La Caravelle "Artois" (F-BHRE) s’est élevée jusqu’à 8.000m volant à 800 km/h Elle emmène dorénavant ses 80 passagers à destination en 40 à 60 minutes.
La Caravelle de SAS le 17 juillet 1959, le 1er jet à embarquer des passagers à Genève (OY-KRA).
Le Boeing B-707, le 1er quadriréacteur transatlantique
7.) On passe à la catégorie supérieure le jeudi 7 janvier 1960 quand la Cie américaine TWA présente son Boeing B-707-131 "Intercontinental" à Genève. Venant de Milan, l’avion se pose à 16h10 et passe la nuit à Cointrin (N737TW). Dans la soirée de nombreux invités peuvent visiter l’appareil et suivre une conférence à son sujet (presse, agents de voyage, etc.). Le quadriréacteur rouge et blanc long de 43m, avec son autonomie de 8.300km, peut emporter 162 passagers à 960km/h et traverser l’Atlantique sans escale. Les réacteurs sont ici placés sous les ailes et le poids total de l’avion atteint les 136 tonnes. La cabine comporte 2 classes de passagers et un bar à l’avant dans un spacieux confort. L’appareil repart le lendemain matin embarquant des membres de Swissair, de l’Office fédéral de l’air et de l’aéroport genevois. L’avion dépasse tous les superlatifs et il est déjà en service aux USA !
8.) On va très vite s’habituer à la présence de ce mastodonte sur le tarmac. Deux semaines plus tard un autre B-707 de TWA parti de New-York ne peut se poser à Orly pour cause de brouillard et atterrit à Genève (8h01) avant de repartir pour Rome après 50’ d’escale le jeudi 21 janvier 1960. Il n’emporte que 73 passagers, pèse alors 93 tonnes et peut décoller en 1.200m. Il est donc maintenant possible d’imaginer voler de Suisse aux USA sans escale en 7h15’ !
9.) Le 19 mars 1960, c’est au tour d’Air-India d’atterrir en Boeing-707 à Cointrin pour un vol d’essai. La compagnie indienne travaille en pool avec TWA, reliant bientôt Bombay à Londres via Beyrouth et Rome. L’équipage embarque à Genève un groupe de journalistes et d’employés d’aéroport pour survoler le Mont-Blanc. Dès lors, plusieurs compagnies aériennes attendent que la piste en béton de Cointrin soit encore allongée pour utiliser l’escale par leurs vols en B-707. En juillet 1960, la piste atteint 3.900m et ne s’allongera plus jusqu’à nos jours. Il aura fallu négocier pour cela, et dès 1955, un échange de terrain avec la France de 42ha !
Le 1er Boeing B-707 venu à Cointrin le 21 janvier 1960 (TWA N737TW).
Les Caravelle de Swissair et le DC-8-32 le 1er jet long courrier suisse
10.) Swissair n’est pas resté insensible au pouvoir des jets et a déjà commandé quelques Caravelle rouges et blanches. Le premier appareil est prêt le 30 avril 60 et baptisé "Solothurn" (Soleure) à Toulouse le lundi 2 mai 1960. Ce même jour le HB-ICW arrive à Cointrin vers midi où se tient une modeste réception avant que le biréacteur ne reparte vers Zurich. L’appareil sera mis en service le 21 mai sur la ligne Zurich-Londres. Sept autres Caravelle suivront, qui auront la particularité d’utiliser un système supplémentaire de freinage à l’atterrissage, qui consiste en un parachute se déployant depuis l’arrière de l’avion.
11.) A la même époque, Swissair reçoit son 1er des 3 quadrimoteurs longs courriers, le Douglas DC-8-32, que l’on avait encore jamais vu en Suisse. Livré le 20 avril 1960 le HB-IDA "Matterhorn" est convoyé en vol de Long-Beach (USA), via New-York, jusqu’à Zurich le 2 mai 1960. Il débutera sa carrière sur la ligne Zurich-Genève-New-York le 30 mai.
12.) A l’été 1960, on peut dès lors considérer que l’ère des jets a débuté à Cointrin où le nombre de compagnies suisses et étrangères utilisant un "jet" n’arrêtera plus d’augmenter.
Une des Caravelle de Swissair qui débuta ses vols le 21 mai 1960 (HB-ICW).
Liste des types d’avions à réaction, par année, mis en ligne par Swissair (1960-1998)
Année = | Type de jet ==================== | Nbre moteurs= | Immatriculation= | Passagers= | Période == |
1960 | Douglas DC-8-32 | 4 réacteurs | HB-IDA etc. | 132 pax | 1960-1968 |
1960 | Sud-Aviation SE-210 Caravelle III | 2 réacteurs | HB-ICW | 80 pax | 1960-1971 |
1961 | Convair CV-880-22M | 4 réacteurs | HB-ICL | 84 pax | 1961-1962 |
1962 | Convair CV-990-30A Coronado | 4 réacteurs | HB-ICA | 100 pax | 1962-1975 |
1963 | Douglas DC-8-53 | 4 réacteurs | HB-IDD | 142 pax | 1963-1976 |
1966 | Douglas DC-9-15 | 2 réacteurs | HB-IFA | 75 pax | 1966-1968 |
1967 | Douglas DC-9-32 | 2 réacteurs | HB-IFF | 95 pax | 1967-1982 |
1967 | McDonnell Douglas DC-8-62 | 4 réacteurs | HB-IDE | 152 pax | 1967-1984 |
1969 | McDonnell Douglas DC-9-33F | 2 réacteurs | HB-IFW | 134 pax | 1969-1984 |
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1971 | Boeing B-747-257B | 4 réacteurs | HB-IGA etc. | 361 pax | 1971-1984 |
1972 | McDonnell Douglas DC-10-30 | 4 réacteurs | HB-IHA | 237 pax | 1972-1992 |
1974 | McDonnell Douglas DC-9-41/MD-80 | 2 réacteurs | HB-IDV | 100 pax | 1974-1975 |
1975 | McDonnell Douglas DC-9-51 | 2 réacteurs | HB-ISM | 120 pax | 1975-1988 |
1980 | McDonnell Douglas DC-9-81/MD-81 | 2 réacteurs | HB-INC | 134 pax | 1980-1998 |
1982 | McDonnell Douglas DC-10-30ER | 4 réacteurs | HB-IHL | 215 pax | 1982-1992 |
1983 | Boeing B-747-357 | 4 réacteurs | HB-IGC | 375 pax | 1983-2000 |
1983 | Boeing B-747-357 Combi | 4 réacteurs | HB-IGG | 276 pax | 1983-1999 |
1983 | Airbus A310-221 | 2 réacteurs | HB-IPA | 212 pax | 1983-1995 |
1985 | Airbus A310-322 | 2 réacteurs | HB-IPF | 172 pax | 1985-1999 |
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1987 | Fokker 100 | 2 réacteurs | HB-IVA etc. | 85 pax | 1988-1996 |
1989 | McDonnell Douglas MD-82 | 2 réacteurs | HB-INR | 134 pax | 1989-1996 |
1991 | McDonnell Douglas MD-11 | 4 réacteurs | HB-IWA | 249 pax | 1991-2001 |
1995 | McDonnell Douglas MD-83 | 2 réacteurs | HB-IUG | 134 pax | 1995-1996 |
1995 | Airbus A320-214 | 2 réacteurs | HB-IJA | 150 pax | 1995-2001 |
1995 | Airbus A321-111 | 2 réacteurs | HB-IOA | 186 pax | 1995-2001 |
1996 | Airbus A310-325 | 2 réacteurs | HB-IPN | 212 pax | 1996-2000 |
1996 | Airbus A319-112 | 2 réacteurs | HB-IPW | 126 pax | 1996-2001 |
1998 | Airbus A330-223 | 2 réacteurs | HB-IQA | 230 pax | 1998-2001 |
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39 ans | 28 types d’appareils | | |
Le premier des Douglas DC-8-32 de Swissair mis en service le 30 mai 1960 (HB-IDA).