Le site des pionniers de l’aéronautique à Genève 
Des Genevois chez eux ou ailleurs et des étrangers dans Genève 
 | Agenda | Plan du site  | Pionnair-GE in Deutsch | Pionner-GE in English | Espace privé 
 
 
Fondation simultanée du Club Genevois d’Aviation et du Club Suisse d’Aviation ou Aéro-Club (1909) [vidéo]

 

Suite à la traversée de la Manche par Blériot (juillet) et aux premiers essais de Liwentaal à Vernier (septembre), Genève se structure pour participer à l’essor de l’aviation naissante. Comme ailleurs, des clubs se forment dans chacune des classes sociales. A Genève, ils sont deux à naître le même week-end ! On est alors loin d’imaginer vers quoi l’aviation va déboucher.


L’espoir de quelques genevois de 1909, pouvoir voler en aéroplane au-dessus de la Rade de Genève.

Les très actifs sportifs français vont-ils reléguer les Genevois aux strapontins de l’aviation ?

Les derniers événements aéronautiques français de 1909, dont la traversée de la Manche par Blériot, laissent présager de l’énorme potentiel de l’aviation. En Suisse quelques précurseurs tentent le vol à moteur, dont Liwentaal à Vernier (septembre). Les Dufaux, abandonnent leurs essais de vol vertical et décident en septembre de se lancer dans la production en série d’un avion, etc. De son côté, la Suisse fédérale ne peut ou ne sait pas encore se mêler de ce sujet, s’en tenant au soutien des troupes militaires d’aérostiers, n’apportant aucun subside par ailleurs. Il y’a bien un Aéro-club de Suisse (AéCS), né en 1901, mais il est essentiellement lié à l’aérostation et plutôt actif en Suisse alémanique. L’aviation n’est alors qu’une affaire de sport, une affaire du monde privé et la liberté en la matière est totale.

Il est donc logique qu’au retour des congés de l’été 1909, des groupes d’intérêt ou de passionnés se forment à Genève, voulant participer aussi à l’effort et au bénéfice de l’aviation. Les plus riches vont ainsi fonder le Club Suisse d’Aviation (CSA), les moins riches le Club Genevois d’Aviation (CGA).

Les premières années du Club Suisse d’Aviation

Le samedi 25 septembre 1909, au siège de l’Automobile Club de Suisse (fallait-il déjà posséder une automobile ?) situé dans la Mairie des Eaux-Vives, quelques 40 personnes du gratin genevois et romand décident de fonder le CSA. Parmi celle-ci citons : MM le Lt.-colonel Hermann Borel, Marcel Cuenod, banquier, Maurice Duval de Perrot-Duval, Léopold Eynard, Alexandre Le Royer professeur, Jules Mégevet constructeur de bateaux, Fernand Monod banquier à Genève, M. Monod, Maurice Pictet de Rochemont, Hermann de Pury ingénieur à Neuchâtel ; le colonel Bornand de Lausanne ; le colonel Adolphe Fama de Martigny, etc.

Leurs ambitions tournent autour de la création de Prix pour encourager le sport aérien sous toutes ses formes, le soutien moral aux aviateurs, aux constructeurs et la promotion du sport aérien en général. La première Assemblée générale se tient à la Société militaire le 14 octobre. Le professeur Alexandre Le Royer (1860-1922) est nommé président (de 1909 à 1911) ainsi que David de Crue (banquier) comme trésorier ; à la Commission sportive Armand Martin ; commission technique Georges Poujoulat ; commission pour trouver un aérodrome l’architecte Eugène Corte ; siège au 51 de la rue du Stand. Citons encore Charles Binet, Robert Cramer, Léon Dufour, Louis Guillermin, Guinand avocat, J.Guinant, M. de Lapalud, Gaston Perrot, Robert Tronchin, Auguste Vogel-Gaulis et surtout une cotisation annuelle à 100F (1.000F actuels) et 300F pour un membre à vie ! Les communications officielles sont faites dans le journal "La Suisse Sportive", le seul journal de Suisse de source fiable ou des chercheurs peuvent aujourd’hui encore trouver quelques indications et documents d’image sur les événements aéronautiques suisses des premières années.

L’emblème du club arbore volontairement une hélice en son sommet voguant au-dessus d’un paysage typiquement suisse : lac, sapins, montagnes alpines et croix suisse.

En fort lien avec l’activité aérienne publique d’avant guerre

JPG - 8.7 ko
Insigne du CSA (broche de 1910)

Au début 1910, le CSA compte déjà 150 membres. Il émet des règlements pour divers Prix qui auront tous une certaine difficulté à être gagnés. La Coupe Eynard, de 10.000F (100.000F actuels) se courre sur l’ensemble du lac et ne sera décrochée par François Durafour qu’en septembre 1912. Le Prix Perrot-Duval de 5000F, la grande traversée du lac, bénéficiera à Armand Dufaux en août 1910. Le Prix de la Rade est à nouveau gagné par Durafour. On cherche à créer un aérodrome, diverses solutions sont envisagées dans plusieurs communes (Puplinge, Plan-les-Ouates, etc.) et c’est finalement à Collex-Bossy qu’un accord est signé en septembre 1910, le terrain sera actif dès juin 1911. Le CSA décide d’organiser des manifestations publiques pour sensibiliser les Genevois à ce nouveau sport qui passionne déjà le monde entier. Les pilotes sont déjà les "pop stars" d’alors ! Le CSA participe à la réalisation de meetings aériens où il fournira encore des Prix à gagner durant les manifestations : Viry (1910-1911) (voir : Récit), Planeyse (NE) (voir : Récit), Plan-le-Ouates (1911) (voir : Récit), hydravions en rade de Genève (1912-1913) (voir : Récit), survol du Mont-Blanc par A :Parmelin (02.1914) (voir : Récit), etc.

D’autre part le CSA à la chance d’attribuer à 3 de ses membres les 3 premiers brevets de pilote de l’histoire suisse dès la fin 1910 : no.1 Failloubaz, no.2 Taddéoli, no.3 Durafour. En mai 1911, le CSA inaugure le monument à la gloire des Dufaux et de la traversée du lac, situé à la Gabiule. Le 23 mars 1911, le club complète son nom par l’adjonction de "Section de l’Aéro-Club de Suisse". Entre temps David Decrue prend la présidence ad interim à mi-1911, puis Edmond Borel dès mars 1912 (voir : Biogr.). Le siège social passe ainsi du 2 de la rue Abauzit au 16 de la rue Charles Galland. C’est en 1923 que le CSA transformera fondamentalement son nom en Section de Genève de l’Aéro-Club de Suisse, qui s’est modifié récemment en Association régionale genevoise de l’AéCS, avec presque les mêmes missions qu’en 1909, la FAI ayant repris entre temps l’aspect de la promotion du sport en aéronautique.

Le Club Genevois d’Aviation

JPG - 10.7 ko
Insigne du CGA ("pins")

Un jour avant le CSA, le vendredi 24 septembre 1909, à la Brasserie des artisans (quel symbole ?), restaurant toujours existant sous le même intitulé et proche de la future route des Jeunes, une poignée de Genevois enthousiastes fonde le Club Genevois d’Aviation (CGA). Présidé par Pierre Brasier (1884-1960), il rassemble dans son comité MM Auguste Reyboubet secrétaire (12 rue Carteret), A. Gondret, trésorier et MM. Gentet, l’avocat Ernest Magnenat et l’ingénieur Ph.Humbert. A la commission de construction : MM Dumont, Ch.Zillweger, Duvoisin et à la Commission sportive : MM D.Deluz, Humbert, Marius Lüscher. Egalement présents : MM, Louis Bozon, Francis Delavy, et le jeune Emile Rieben, etc... Le siège social est situé au 51 rue du Stand ; la cotisation de membre actif coûte 30F, celle de membre à vie 300F (3.000F actuels) et 1.000F pour un membre bienfaiteur. Un terrain d’envol sera acquis !

A l’image de ses membres, les ambitions du CGA sont plus modestes. Tout en voulant développer le plus lourd que l’air, ce sont les planeurs qui sont concernés. Le CGA vise à mettre à la disposition de ses membres des planeurs de pente leur permettant d’acquérir des connaissances et les réflexes nécessaires, de maîtriser le vocabulaire propre à l’aviation, éléments qui seront nécessaires pour piloter plus tard un aéroplane. L’association espère de cette façon, avec un minimum de moyens, de frais et de danger, former de futurs pilotes à moteur. Ce sont ici aussi les modèles réduits qui sont concernés. Du point de vue historique, il faut souligner qu’il s’agit de la 1ère association de l’histoire suisse en faveur du plus lourd que l’air. L’insigne du CGA arbore fièrement un aigle au-dessus d’un avion motorisé ( ?) qui survole la cathédrale de Genève sur fond de Mont-Blanc...

Les trois ans d’activité du CGA

JPG - 15.7 ko
Un planeur du CGA avant son remorquage, du côté du restaurant Tivoli, derrière la Delaunay-Belleville d’Henri Speckner (1911).

Le vol en planeur n’est donc pas un but en soi, mais un moyen pour devenir aviateur. Pour débuter, la douzaine de membres travaille en équipe, le soir après le travail, et construit un 1er planeur. A la fin février 1910 l’appareil "Vol-au-vent" est prêt. C’est un planeur biplan au fuselage en treillis équipé d’un stabilisateur à l’arrière. Les exercices se pratiquent sur une prairie en pente proche de la brasserie du Tivoli, presque en face de la Brasserie des artisans. Les vols sont "remorqués". Une voiture Delaunay-Belleville tracte au bout d’un long câble le planeur auquel est suspendu un courageux "pilote" gesticulant pour modifier sa trajectoire. On cite les expériences des pilotes Brasier, Deluz, Delavy, Emile Robert, ainsi que les écorchures liées au décollage, à l’atterrissage, étant quelque fois traînés sur plusieurs mètres... Les records d’alors : 12m de haut ou une durée de 15 secondes et 30m de long !

Par vent nul, les essais s’effectuent "à la Lilienthal" depuis une petite colline. Celle-ci, située alors en face de l’usine Motosacoche, aujourd’hui arasée, se trouvait vis à vis du 56 de la route des Acacias (voir : Lieu). Un jour David Deluz fracasse le "Vol au vent" après une chute de 7 m, heureusement sans casse pour le pilote. Un second planeur prend la relève, le "Comète". D’autres appareils sont construits, on en comptera finalement une dizaine : monoplan, biplan ou de type cerf-volant. Ils portent les noms de "Dragon", "Montgomery" (apprécié), "Simplex", "Chanute". Parfois l’un suit son propriétaire en vacance et s’élance dans des dunes du bord de mer. Au 1er meeting de Viry, le "Dragon", tracté, vole sur 350m, à 15m de haut et gagne le Prix Léopold Eynard pour planeur, devant 3 concurrents (août). Cette démonstration devant une foule immense n’amène malgré tout pas de nouveaux membres au CGA.

En peu de temps, le CGA doit mettre de l’eau dans son vin. Le mode de décollage, les casses répétées ne rendent pas l’activité populaire. Les travaux de réparation découragent les néophytes. Les économies de temps et d’argent escomptées pour passer à l’aviation à moteur ne sont pas au rendez-vous. De plus, le pilotage d’un planeur de pente ou d’un cerf-volant n’a guère de ressemblance avec celui d’un avion même rudimentaire (voir : Récit).

JPG - 10.2 ko
"Pins" du CSA pour boutonnière.

En 1911, les vols de pente se sont déplacés sur la face nord du Salève, à Bossey, au pied de la Grande Gorge (voir : Récit). A cette époque sont cités MM Bersot, Bonnet, Brasier, Deluz, Griollet, Hugon, Merlet, Pautax, Robert, etc. .. A noter que des départs s’effectuent en France, l’arrivée est parfois en Suisse et qu’il s’agit peut être là, avec Deluz et son appareil "Montgomery", des premiers vols internationaux de planeur ? Entre temps l’aviation a fait de grands progrès, la foule la préfère, la jeunesse aussi. En 1912, Emile Rieben (CGA) tente bien d’équiper l’un des planeurs d’un moteur Anzani mais sans succès (voir : Récit). L’activité est au ralenti. Des planeurs sont encore remorqués dans la rade par un canot lors du meeting d’hydravions, puis, plus aucune trace en 1913. Malgré la passion de ces hommes-volants, le CGA ne vécut que 3 ans. Le planeur ne reviendra à la mode à Genève que dans les années 30 (voir : Récit).

 

JPG - 54.5 ko
Quelques jours avant ces 2 fondations, Alexandre Liwentaal avait tenté plusieurs essais en public de sa "Libellule" du côté de Vernier.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 15 août 2005
  • Pour en savoir plus : Le vol silencieux, de Marc Dugerdil. Ed. du Groupe de vol à voile de l’Aéro-Club de Genève, 1999, 132p, ills, à la "Librairie ".
  • Les planeurs du CGA entre 1909 et 1912 (diaporama, n&b, sonore, 02’48, 155Mo). Nécessite le plug in Quick Time 7.1.3 minimum

    Vous êtes ici : Accueil > Récits > Fondation simultanée du Club Genevois d’Aviation et du Club Suisse d’Aviation ou Aéro-Club (1909) [vidéo]