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Premier vol militaire suisse, sur Dufaux-5, aux manœuvres de l’automne 1911 [vidéo]

 

En septembre 1911, Ernest Failloubaz prend part en tant qu’aviateur aux manœuvres d’automne du 1er Corps d’armée et exécute plusieurs vols avec son ami le 1er lieutenant de cavalerie Gustave Lecoultre. Depuis leur avion Dufaux-5, ils réussissent malgré toutes les embûches, à apporter un avantage en décelant l’avance des troupes adverses. Il s’agit en Suisse de la 1ère participation d’un avion à une activité militaire.


Ernest Failloubaz, aux commandes du Dufaux-5, derrière le lieutenant Gustave Lecoultre, paré pour un vol de reconnaissance militaire.

Un bilan mitigé mais une première malgré tout

En 1911, la société Schweizerische Flugplatz genossenschaft offre au Département Militaire Fédéral (DMF) de mettre, moyennant 30.000F, trois avions à disposition pour les manœuvres militaires d’automne, ce qui serait une première. Le Palais-fédéral répond qu’une telle dépense ne peut se justifier. C’est alors qu’une offre de l’Aérodrome-Ecole d’Avenches du 22 août, signé par son président de conseil, le brigadier Horace Jaccard, également l’un des dirigeants du Club Suisse d’Aviation (voir : Récit), propose un appareil à 2 places, son pilote et un officier observateur durant 3 jours. Il s’agira du biplan Dufaux (voir : Appareil), non immatriculé, non armé, piloté par Ernest Failloubaz et accompagné par le 1er lieutenant de cavalerie Gustave Lecoultre, ami du jeune Avenchois qui joue là un rôle d’observateur aérien. En fait, Failloubaz à racheté en mai la marque Dufaux aux Genevois Armand et Henri Dufaux. Hormis une somme de 5.000F pour couvrir les risques de casse et la couverture du pilote et de l’observateur par l’assurance militaire, tous les autres frais annexes sont à charge de l’Ecole. Devant cette offre spontanée, le DMF fait le nécessaire pour que le Conseil Fédéral accepte, surtout par le fait que le montant reste modeste. Comme les manœuvres débutent dans quelques jours, personne n’a vraiment le temps d’imaginer comment utiliser au mieux cette ressource inédite.

Du 4 au 6 septembre 1911, Failloubaz et Lecoultre prennent ainsi part en tant qu’aviateur aux manœuvres d’automne du 1er Corps d’armée. Ils vont exécuter plusieurs vols dans une contrée peu faite pour l’aviation d’alors. Le lundi 4, l’avion vole 8 minutes dans la région d’Oron-la-ville recherchant une brigade de cavalerie en marche. Le mardi 5, des remous provoqués par le lever du soleil empêchent l’appareil de mener à bien sa reconnaissance et l’on atterrit très rapidement.

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Les deux acteurs d’Avenches.

Le mercredi 6, la mission donnée par le commandant de division Louis Henri Bornand est claire : décollage avant 6h du matin, survol du secteur Romont-Lucens-Thierrens-Yverdon pour observer s’il s’y trouve des colonnes en marche et des rassemblements de troupes. Failloubaz et Lecoultre décollent à l’heure prévue depuis Porsel et feront 3 vols. Lors du dernier, l’appareil grimpe jusqu’à 800 m et se dirige vers Romont, la vallée de la Broye et ils découvrent des colonnes en marche près de Lucens et Neyruz. Un quart d’heure plus tard l’appareil fait une brusque embardée et se met à piquer du nez mais se redresse à 200m du sol. Failloubaz doit atterrir en catastrophe dans un champ fraîchement labouré près de Chapelle où le Dufaux-5 capote. Il est assez endommagé pour ne plus participer à la suite des manœuvres.

Première remarque désabusée du commandant Bornand, pourtant membre du comité du Club Suisse d’Aviation : "Messieurs, les aéroplanes ne peuvent guère servir à soutenir la cavalerie." Il détient pourtant un avantage sur le camp adverse, il sait maintenant où "l’ennemi" se trouve ! Mais, si le bilan global ne répond pas encore aux attentes prévues, l’utilisation d’un seul appareil limitait sérieusement les résultats que l’on pouvait en attendre. Aussi, tenant compte des remarques de Lecoultre, Bornand louera néanmoins l’utilisation de l’avion lors de ces manœuvres et demandera que le nombre de pilotes et d’aéroplanes augmente à l’avenir.

Les remarques faites par le 1er Lt Lecoultre dans son rapport final sont intéressantes. Ce 1er essai de reconnaissance apporte la preuve que même en terrain difficile, en volant entre 500 et 1000 m et par temps favorable, on peut rapporter une quantité de renseignements utiles. Lecoultre conclue en demandant avec insistance que la reconnaissance aérienne fasse partie intégrante de l’armée

Ces manœuvres militaires d’automne 1911 constituent bel et bien l’occasion des premiers vols militaires suisses alors que le premier avion helvétique n’avait réussi à décoller qu’en septembre 1909. Malgré quelques atterrissages forcés et du "cassage de bois", les résultats de ces 3 jours de vol furent forts concluants au point de vue militaire et motivèrent d’autres missions de ce genre en 1913, avec 2 appareils.

Deux pionniers de l’air vaudois

Le 1er Lt Lecoultre, d’Avenches, devenait ainsi le 1er officier observateur de l’Armée suisse. Il avait déjà, dès janvier 1910, fait plusieurs vols avec Failloubaz et pratiqué également la photo aérienne. Le pilote, le jeune Failloubaz (1892-1919), à peine âgé de 19 ans, pouvait s’honorer, sans contredit, d’être le 1er pilote d’avion militaire suisse. Le 10 octobre 1910 il avait obtenu le 1er brevet suisse de pilote, le No.1 ! En 1912, il se vouera entièrement à la construction des biplans « Failloubaz licence Dufaux » à Avenches, après avoir acheté aux deux frères genevois Dufaux cette licence de construction. Ajoutons encore qu’il cédera plus tard son Ecole d’aviation à la Société de l’Aérodrome-Ecole d’Avenches qui l’exploitera pour son compte, sous la direction du même 1er lieutenant Lecoultre.

Il faudra attendre la déclaration de la 1ère Guerre mondiale, en août 1914, pour que naissent réellement et dans l’urgence les Troupes d’aviation suisses (voir . Récit).

 

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De g. à dr. : 3ème Ernest Failloubaz ; 4ème le lt Gustave Lecoultre. (carte postale).
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mercredi 8 juin 2011
  • Pour plus d’informations, voir : Nos pilotes sur les Alpes, par Dölf Preisig et Ronald Sonderegger. Ed. 24 heures, 1984, ills. A lire également : Failloubaz pilote no.1 ou le gamin volant, par H. Sarraz. Ed. Cornaz SA Yverdon, 1964, 176p, ills, à la "Librairie ".
  • Site Internet concernant E.Failloubaz Site
  • Quant à René Grandjean, dès février 1912 à Davos, il est le 1er à mettre des skis sous un avion (musical, 02’04’, 42Mo). Nécessite le plugin QuickTime 7.1.3 minimum.

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