Il y a plus d’une année déjà que quelques amis se sont proposés de mettre sur pied une chose extraordinaire à Genève, des Montgolfiades, pour remercier tous ceux qui, année après année, nous invitaient dans leurs propres manifestations en France, en Italie, au Luxembourg et en Suisse également. C’est ainsi que Christian Colquhoun, Noël Ducry, Gérard Bernardini (1951-2012) se lancèrent dans l’aventure sous l’égide de Genève-Tourisme, bientôt rejoints par les membres d’un comité ad hoc très actif. Il fallait que la manifestation fût originale, de qualité et qu’elle permette aux Genevois de renouer avec la tradition du ballon. On se souvient de la Coupe Gordon-Bennett de 1983 et des Montgolfiades de Genève d’août 1993.
Les ingrédients de la préparation
Départ depuis la Cour St-Pierre au centre de la Vieille-ville.
Christian Colquhoun, président, Genève Tourisme comme responsable du département des manifestations : cela crée un point d’ancrage et un élan de promotion pour Genève. Utiliser des sites extraordinaires, notamment en milieu urbain, un défi car les aérostiers savent qu’il est difficile de pouvoir décoller d’un tel milieu. Avoir deux coups de cœur : faire voler des enfants personnes mentalement handicapées et leurs parents et permettre à de jeunes enfants profondément atteints dans leur santé et venant de quitter récemment l’Hôpital des Enfants de Genève, de s’envoler dans le ciel genevois. Permettre le décollage simultané de 30 ballons de différents endroits et parcs de la ville pour donner une vision inoubliable aux Genevois.
Créer une manifestation durant laquelle la population soit associée aux événements, qu’elle puisse côtoyer les pilotes, leurs équipages et les ballons, et même aller dans le terrain faire de la récupération, même. Résoudre les problèmes de proximité de l’Aéroport International de Genève (AIG), autrement dit voler avec trente ballons dans un espace aéronautique fin mars (on parle de "week-ends charters"). Occuper l’espace urbain et les parcs de Genève pour décoller. Obtenir l’adhésion des autorités fédérales, cantonales et communales, l’accord des services administratifs ; assurer la sécurité d’une manifestation aussi particulière, dispersée dans le milieu urbain. Pouvoir récupérer les ballons qui termineraient leur vol sur le lac ou qui devraient atterrir dans ce milieu urbain où les lignes électriques ne manquent pas. Pouvoir accéder aux emplacements de départ et accompagner efficacement les équipages étrangers pour qu’ils s’y retrouvent dans Genève.
Des sponsors généreux nous ont aidé, Genève Tourisme a été la cheville ouvrière de la manifestation, l’AIG et ses services se sont mis à disposition, comme de nombreux services de la Ville et de l’Etat de Genève, Skyguide a fourni toute l’assistance technique pour les vols, les bénévoles se sont joints au comité, etc. Seule la météorologie durant la manifestation pouvait venir troubler cette suite d’événements. Bien sûr, cela n’a pas manqué !
Les événements
Le jeudi soir 25 mars, tous les équipages se sont retrouvés pour que leur soit présenté un briefing général durant lequel tout ce qui devait être dit allait l’être. Le directeur des vols, le pilote émérite des Carroz,
Jo Roulet, sut le faire avec tact, brio, humour et fermeté aussi. N’a-t-il pas demandé lors de l’appel que chaque pilote donne l’immatriculation de son aéronef. C’est à cette occasion qu’on a compris que les pilotes de ballons n’avaient pas forcément sous les yeux l’immatriculation en question. Pourtant ce rappel devait figurer sur une plaque métallique incombustible de dimensions minimums minimales données, plaque fixée à l’intérieur de la nacelle.
Daniel Rytz, de Skyguide, nous a indiqué qu’il aurait une vue imprenable de toute la manifestation depuis le dernier étage des tours de Lancy, donc qu’il surveillait tout et prenait en charge les relations avec la Tour, mais il insistait sur toutes les contraintes de vol : "ne pas dépasser le niveau limite de ....", " ne pas franchir la ligne définie par ...", contraintes répétées à plusieurs occasions et respectées pour la plupart ! Relevons qu’une carte de l’espace aérien, crée spécialement pour l’occasion par Skyguide, avec la complexité de Gérard Bernardini, a été remise à chaque équipage en double exemplaire : une dans la nacelle et une dans la voiture suiveuse. On parlera ainsi des mêmes choses !
Notre météorologue Bernard Dunand, champion du monde et champion olympique de voile, a brossé le tableau météo des prochaines heures. En résumé, vendredi matin nous pouvions disposer car la Bise soufflait. Donc : une nuit longue, une matinée calme en attendant le briefing du vendredi. En remplacement : la visite de l’AIG, organisée de manière improvisée par Philippe Roy. Tous les pilotes et équipages se souviendront longtemps encore de cette manifestation durant laquelle des membres du SSA on fait une démonstration de leurs moyens d’intervention pour retrouver les restes d’un avion qui s’était crashé abattu sur le Petit-Salève. Et pour couronner la journée, un merveilleux repas dans la ferme de la famille Rivolet à Choulex. Nous étions 80 dans la salle le Caveau, serrés au coude à coude. Quelle soirée, quel partage, que de souvenirs. Et un regret, celui de ne pas avoir pu réaliser notre premier coup de cœur. Mais demain, c’était sûr, nous ferions voler les petits patients de l’Hôpital des enfants.
En silence entre lac et ville de Genève, entre ciel et terre.
Le samedi : dans la boucle de Vessy, tous sont là, dans le restaurant du centre sportif, les enfants, les parents, les pilotes et les équipages. Il faut bien se rendre à l’évidence : faire voler des enfants dans ces conditions ne serait pas quelque chose de raisonnable, malades ou pas. Restait donc la seule solution possible, gonfler quelques ballons pour montrer aux enfants ce qu’étaient nos ballons. Cinq d’entre eux sont mis debout, dans des turbulences et les enfants ont pu admirer tout ce matériel et voir combien il est impressionnant. Quelques-uns ont tâté l’osier, le cuir de la nacelle. Que d’yeux émerveillés, même si leur vol n’a pas eu lieu. Le ballon c’est comme ça !
Le samedi après midi, après la réception officielle par les autorités, il fallait que nous volions. Cela faisait déjà 3 vols virtuels et nous ne pouvions continuer ainsi. Il y eut des heureux et des moins heureux. Nous devions effectuer un décollage simultané de 30 ballons à partir d’une dizaine de lieux de décollage possible. La Bise et les emplacements ont sélectionné les heureux pilotes prêts à décoller. Les ballons "Gaz naturel" et "Guerlain" sont parti des Bastions après plusieurs tentatives, le ballon "Genève" s’est comporté comme un bouchon de champagne à la Cour St-Pierre, le ballon "Château-d’Oex" a attendu pendant une heure qu’une fenêtre pour le décollage d’un groupe de ballons soit ouverte, à la Perle du Lac, sans un souffle d’air ! D’autres trouvèrent leur bonheur au parc Bertrand et au parc des Eaux-Vives l Ailleurs, la bise variable en force et en direction rendait les gonflages impossibles. Finalement ce furent 18 ballons qui purent voler et traverser le ciel de Genève, vite fait. Mais nous avions pu voler. Le rêve prenait enfin corps.
Le dimanche : tous, nous avons tous pu voler ! ce fut extraordinaire. Partir en début de matinée, avec du soleil, un tout petit peu de brume, des vents qui ne pouvaient vous mener nulle part ou ailleurs, sur le lac ou sur la terre ferme, avec un choix des emplacements de départ, du parc Bertrand, du parc La Grange, de Vessy, il y en avait pour tous les goûts. Des vols comme on les aime, sans difficultés particulières, pour permettre aux heureux passagers, élus par la météo en ce dimanche matin, d’admirer la Rade de Genève pour les uns et survoler la ville pour les autres, de se balader en campagne pour les derniers. Un moment inoubliable. Seule une pilote française, multiple championne d’aérostation, "instructrice-testrice", s’est fait non pas une frayeur, mais une angoisse, prise qu’elle était dans un rotor vertical, au-dessus d’une petite forêt, pas très loin d’une rivière, avec une réserve de gaz homéopathique.
La manifestation a pris fin l’après-midi à la caserne des Vernets. De la joie se lisait dans tous les yeux de chacun, des souvenirs illuminaient les visages et l’espoir de se revoir dans deux ans était dans la tête de chacun. Les membres du comité d’organisation s’engageaient tous à rééditer l’exploit ! NB : ce qui fut fait avec beaucoup de succès et une météo paradisiaque en mars 2005, déjà !
Pas de jet d’eau ce jour-là, le spectacle est coloré et traverse lentement la ville du bout du lac...