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[article n° 100]
Ferdinand TOLLIN (1807-1860) : homme de loi, artiste et inventeur aéronautique [vidéo]

 

Juriste d’origine, talentueux dessinateur, Ferdinand Tollin va dépeindre avec talents le peuple de Stockholm et la vie suédoise de la moitié du 19ème siècle. Ses ennuis financiers l’amènent à la satyre politique ou sociale qui l’obligera à quitter sa Suède natale. C’est finalement à Genève que Tollin reprend son intérêt pour l’étude du transport aérien et publie le 1er ouvrage suisse d’aéronautique.


Portrait de Ferdinand Tollin, réalisé de mémoire en 1854 par J.A. Wetterbergh, ici sur fond d’une des lithographies de la main de Tollin : le théâtre suédois.

Un juriste qui obtient son succès dans le dessin d’art.

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Ferdinand Tollin (1807-1860)

Ferdinand Tollin naît en 1807 à Gävle (Suède) et grandit là dans des conditions plutôt modestes, mais avec l’aide des amis de se son père il peut y terminer l’école secondaire supérieure. Durant ses années d’études il se révèle déjà comme un artiste réussi et développe l’illustration en noir et blanc ou en couleurs. Puis il poursuit des études de droit à Uppsala, où il est diplômé en 1831. A Stockholm, il officie alors dans une Cour d’appel, mais malheureusement n’obtient aucune promotion dans cet emploi au fil des ans.

Tollin est aussi un homme aux multiples facettes avec un fort intérêt pour la technique et qui est déjà attiré entre autres par l’idée du transport aérien. Avec l’aide d’un ami plus âgé de 6 ans, Immanuel Nobel, également né à Gävle et futur père d’Alfred Nobel (du Prix Nobel !), ils conçoivent différents appareils. En mai 1835, ils prennent notamment un brevet pour une machine à numéroter les billets qui est examiné par la Banque de Suède. Dès lors Tollin entretien d’excellents contacts avec chaque employé de cette grande maison où il lui est consenti un prêt pour la fabrication de son invention. Hélas, cette dernière ne fonctionne pas aussi bien qu’on pouvait l’espérer et la banque lui demande de retourner la somme de 900 Riksdaler. En 1838 Tollin se trouve ainsi bien endetté et cela va avoir une certaine importance sur la suite de sa vie.

Un autre ami, August Blanche, l’engage alors comme journaliste technique dans le magazine radical "Freya", où Blanche est l’éditeur principal entre 1839 et 1842. En 1939 Tollin y est promu au titre de journaliste radical et de dessinateur dans ce groupe d’homme qu’on appelle alors "La jeune Suède". Dans "Freya" Tollin en profite pour accuser Carl.A. Broling, qui dirigeait la fabrication des billets de banque pour la Banque de Suède après 1830, de lui avoir volé l’idée de l’une de ses machines et obtenu du parlement une augmentation significative de salaire en 1841, injustice qui était restée en travers de la gorge de Tollin.

Parallèlement, Tollin continue son activité artistique, ses peintures ethniques narratives et se fait alors connaître comme un excellent dessinateur, lithographe, lorsqu’il illustre notamment un ouvrage contenant de nombreuses vues colorées de Stockholm (1842) ainsi qu’une version suédoise du « Notre dame de Paris » de Victor Hugo (1844). Renforcé par ce succès, il se consacre de plus en plus à la caricature politique. Là, il peut manier le fouet contre les travers de la société dont aucun ne semble rester secret, et contre les hauts personnages du pays. Dès lors, il ne se crée plus d’amis influents ! Ses finances deviennent précaires et il finit rapidement dans les mains des usuriers.

Une vengeance satyrique contre les usuriers

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Portrait d’August Blanche (1845).

Dans le but de se venger d’une manière ou d’une autre contre ces usuriers dont lui et de nombreux autres dépendent trop, Tollin va accentuer ses illustrations satyriques envers les différents gros prêteurs locaux. Mais le plus fort, c’est qu’il va distribuer un petit calendrier qui, malgré son innocent tire de "Guide pour l’augmentation du crédit", imprimé par Lundberg & Co, contient une liste d’adresses d’environ 150 personnes considérées comme des usuriers ; le bénéfice de cette vente allant à l’association de "Ses pauvres amis".

Ce calendrier est d’un petit format d’environ 10x65mm. Il devient bien sûr très populaire, un best seller, édité en 3 occasions, avec des compléments mais aussi, à chaque fois, avec des corrections (1844-1845). Il est publié volontairement sous le pseudonyme de L.R.Nygren tout en sachant qui se cache là derrière. Les taux d’usure affichés vont de 1 à 2 Skilling d’argent par semaine, à 24 Skilling et 2 Riksdaler par mois ou encore 5 Riksdaler sur 15 par mois (30%), ce qui représente de très forts rendements !

Malheureusement Tollin va un peu trop loin dans ses accusations publiques et sur les dessous de la vie de Stockholm. Il est finalement puni et doit payer 40 Riksdaler d’argent ou faire 14 jours de prison tout en publiant des excuses publiques. Tollin n’accepte aucune de ces sanctions et préfère s’exiler. Plutôt que de s’abaisser devant toute la Suède, il s’expatrie en Allemagne, du côté de Munich, où il continuera à illustrer des ouvrages jusqu’en 1851.

Son "Guide pour l’augmentation du crédit", aura malgré tout des successeurs en Suède, sous un autre titre. En 1864 la maison de P.J.Rosander fait paraître une petite publication similaire. L’auteur est J.G.Sneillqwist, pseudonyme pour Lars Reinhold Leopold Götberg. Dans cette édition, c’est à nouveau une reprise du dessin figurant sur la couverture des éditions précédentes, soit une sangsue dans une boîte en fer blanc, en hommage à Ferdinand Tollin, qu’on a parfois pris pour l’auteur de ce pamphlet.

Un précurseur et fondateur genevois de l’aéronautique

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Esquisses aériennes en vue de convaincre la Suède.

Quittant l’Allemagne en 1852, Tollin s’installe finalement à Genève, à 45 ans, pour une raison que l’on ignore encore, exerçant la fonction d’ingénieur civil. Il y donne aussi des leçons de suédois à quelques personnes fortunées. En fait, on sait qu’il s’est déjà passionné pour les évolutions de l’aéronautique et semble avoir dès 1839 fait des croquis et des essais de modèles réduits. Il revendique même la paternité de certaines idées. C’est à Genève qu’il publie son "Aéronautique d’après nature. Science positive nouvelle et son application pratique" en automne 1852.

Cet ouvrage devrait donc être considéré comme la 1ère pierre de l’histoire aéronautique écrite de Suisse même si son impact d’alors reste difficile à mesurer aujourd’hui.

Tollin va ensuite contacter l’Académie des sciences suédoise pour qu’une version locale de son ouvrage soit produite. Dans les détails qu’il fournit, il y parle notamment "du voyage dans les airs du magnifique modèle réduit d’aéroplane qu’il a construit" ainsi que, pour le futur "des frontières extérieures de l’atmosphère". Cette correspondance est toujours disponible aujourd’hui ! Tollin aurait pu devenir aussi l’un des 1er représentants suédois de l’histoire du transport aérien, mais l’Académie se dit alors inapte à juger d’une telle matière dans sa réunion du 10 novembre 1852. De ce fait, Tollin reste donc indubitablement et uniquement un précurseur et un pionnier genevois fondateur de l’aéronautique locale.

Tollin décède chez lui au 88 rue du Rhône, à Plainpalais, banlieue genevoise, le 25 mai 1860, à 53 ans. Son fidèle ami August Blanche ne l’a pas oublié. Dans un écrit de 1867, il cite : "qu’il aurait pu naître énormément des capacités de Tollin, mais qu’il devint une "tête pleine de tracas", pourtant il était un être extraordinaire et probablement un grand homme".

 

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Vue de Stockholm et son port, en 1846, par F.Tollin.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mardi 13 décembre 2005
  • Pour plus d’informations, voir : votre bouquiniste attitré.
  • [06.2018] Ferdinand Tollin et l’Aéronautique (1852) (diaporama, 20ph, 02’55’’, 7Mo). Format MP4.

     
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