Une jeunesse proche de la nature, mais aux Antipodes de la ville
Record de durée de vol sur un Spyr-3 le 15.10.1945 (Famille Golaz).
Henri Jacques Golaz naît à Plainpalais (GE) le 10 janvier 1912 et s’embarque à 9 mois avec ses parents pour la Polynésie française. Son père John, géomètre-arpenteur, effectue un long séjour à Tahiti. Henri, privilégié, va découvrir une nature accueillante et bénéficier d’un premier espace protégé dans lequel son caractère décidé trouvera ses premiers jeux. Il voit son 1er avion au Panama. A 11 ans c’est le retour en ville de Genève, lieu plus austère et fort de la concurrence des adolescents locaux. Après l’école obligatoire, Golaz suit l’Ecole de mécanique et à 21 ans ouvre un 1er garage automobile à la rue de la Synagogue (réparations et vente de voitures d’occasion). Il retrouvera dans la montagne, puis la haute montagne, un lieu dans lequel revivre fortement sa passion pour les espaces naturels. Parmi ses amis, Raymond Lambert (voir : Biogr.) aura un parcours d’alpiniste reconnu. Mais Golaz sait depuis des années que l’aviation sera un moyen encore plus adapté à ses espérances.
En 1934, Golaz intègre le Club des planeurs genevois (voir : Récit) et obtient son brevet en 1935. C’est l’heure des premiers lâchers, seul dans les éléments, mais pendant de trop courtes secondes. Dès 1936 il devient moniteur quand les vols-planés durent alors plusieurs minutes ! Golaz se lancera dans l’aviation à moteur mais sans abandonner le planeur. Durant la guerre, alors que seul le vol à voile peut localement fonctionner, il participera aux camps de Leysin (1942, 44), de Crans-Montana (1943) et se placera honorablement dans les concours, battant momentanément un record de vol, d’une durée de 5 heures. Lors du meeting de planeurs de Cointrin en juin 1945, déguisé en vieillard, il fait le pitre en vol comme s’il n’avait jamais su piloter.
Le capitaine Marcel Weber (voir : Biogr.) forme Golaz au vol à moteur et ce dernier deviendra là aussi un pilote doué, puis également moniteur. Il obtient son brevet sur un Fokker XI et ajoute la voltige aérienne à son palmarès, allant s’entraîner derrière le Salève pour libérer le ciel de Cointrin. Champion romand d’acrobatie aérienne il finit second lors d’un championnat suisse. En juin 1938, Golaz s’est marié et donnera après-guerre trois enfants dont une fille. La mobilisation de 1939 le ramène de longs mois dans l’aviation où on ne lui accordera jamais le droit de piloter, car non suisse-allemand, non bourgeois ou non pistonné. Il y sera mécanicien toute sa vie, au grade de caporal ! C’est à Buochs qu’il officie, enviant certainement les pilotes de Bücker et de Me-109. Les courtes permissions le renvoient au planeur à Cointrin ou en Valais.
Dès 1946, une activité débordante en aéronautique à de nombreux niveaux
En caporal (Famille Golaz).
A la fin de la guerre, le garage automobile a été ruiné par les longues absences du propriétaire et le manque d’activité dans l’automobile (essence rationnée). Henri Golaz ouvre alors un garage à Bellevue (GE) aujourd’hui géré par son fils Yves. On y représentera d’abord la marque Citroën. En parallèle, en 1947, Golaz devient le pilote officiel de la firme Hispano-Suiza de Genève (licence professionnelle en 1949). Il conduit ainsi, sur appel et jusqu’en 1960, un ou plusieurs directeurs vers les usines du groupe Hispano : à Paris (F), Barcelone (E) ou Grantham (GB). L’avion utilisé est un Beechcraft Bonanza de 4 places (HB-ECR) sur lequel Golaz comptabilisera 900h de vol. En 1951, il participe avec cet appareil au Rallye du Grand erg oriental (Afr. du Nord) dans lequel il se classe 1er devant de nombreux français. A cela s’ajoute que sur la centaine de Piper Cub achetée aux surplus américains en 1946, un certain nombre sont remis en état dans le garage de Golaz à Bellevue avant d’intégrer les aéro-clubs.
De plus, Golaz est instructeur de l’Aéro-club et même un moment son président (1967-69). Il pratique entre autres les vols-coqueluche, sensé être décisifs dans le rétablissement de jeunes enfants, et les baptêmes de l’air. Du côté de la formation des pilotes, Golaz officie entre 6 et 8h du matin, avant l’ouverture du garage ou les besoins d’Hispano. Il instaure une tradition : pour chaque 1er vol seul d’un élève, celui-ci doit aussitôt après l’arrivée écrire une note sur ses sensations durant ce lâcher. Le contenu de ces documents conservés est à la fois poignant, historique et un éloge indirect à l’instructeur. Dès ce moment l’élève est un "pilote" et il a le droit de tutoyer Golaz. Ce rite initiatique a concerné au moins 60 aviateurs entre 1946 et 1979, ses "biberonnés" comme il les nommait, qui racontèrent leurs anecdotes dans un amusant recueil illustré intitulé "Groupe Golaz". L’un d’entre eux est d’ailleurs l’alpiniste Raymond Lambert en 1958 (voir : Biogr.). Une seule grosse déception pour l’instructeur Golaz : le décès de Marc Birkigt (crash au Salève) qu’il avait formé, le fils du directeur de Hispano-Suiza.
Dès 1948, l’aviation de haute montagne a débuté en Valais, pratiquée à l’origine par les militaires pour des secours exceptionnels. Dès 1951, les aéro-clubs suisses en sont chargés et des pilotes sont formés en Valais : Fredy Wissel, Hermann Geiger, François Dulex, Georges André Zehr. En 1952,
Geiger effectue les premiers atterrissages sur glacier et le 1er sauvetage d’un touriste. En 1954, Golaz participe au cours de l’OFA et devient pilote de montagne, puis instructeur en 1955, à la suite du cours du capitaine
René Thiébaud. Chaque hiver, Golaz va alors développer une nouvelle activité en Valais aux côtés de Geiger qui lui complètera sa formation
in situ, accumulant les expériences. Le décès accidentel de Geiger en 1966, lorsqu’un planeur heurte le Piper, est un choc et un drame personnel pour Golaz. La réaction du Genevois sera de poursuivre l’œuvre de moniteur du vol en montagne alors que le Valais ne semble pas prendre la relève de Geiger.
Lors de la tragédie au Mont-Blanc des 2 alpinistes Vincendon et Henry (déc.1956), Golaz propose ses services et les familles le mandatent. Mais les autorités françaises interdisent à un Suisse de se poser là-bas. On ne sait pas forcément ce que cela aurait donné. Ce que l’on connaît, c’est le terrible fiasco qui en a résulté.
En 1958, les aéro-clubs de Genève et du Valais mettent sur pied un 1er cours de pilote de montagne, ouvert à tout pilote privé, avec des moniteurs dont Golaz, et avec du succès. Dés 1959, pour ses 50 ans, l’Aéro-club de Genève offre son propre cours qui sera instruit ou organisé par Golaz ... jusqu’en 1991, à 80 ans, et qui en fera sa principale activité aéronautique, avec plus de 5.000 atterrissages en altitude (voir : Récit). Cette formation continue bien sûr de nos jours. Dans une nature majestueuse, elle met en valeur la responsabilité de l’homme, seul maître à bord, créant un sentiment de plénitude et le ressenti de vivre de manière exceptionnelle. Même au fil des années, Golaz restera motivé par cet art qui le mène à la plénitude de sa vie, devenu un maître incontesté en la matière en Suisse romande.
L’aviation de montagne et de glacier, plus de 40 ans de bonheur en 3 dimensions
Cette activité génère quelques honneurs : insigne d’or des pilotes de glaciers, remis par Geiger (1961) ; diplôme "Paul Tissandier" de la Fédération Aéronautique Internationale, pour son "extraordinaire activité pendant plus de 25 ans de formation au vol à moteur et en montagne" (1984) ; président d’honneur de l’Aéro-club de Genève (dès 1971), "Ailes de cristal" de l’Association des journalistes aéronautiques (1986). Naissent aussi des structures pérennes : Association Suisse des Pilotes de Glacier (ASPG, 1979), Association genevoise des pilotes de montagne (AGPM, 1981), Groupe genevois de pilote de montagne de l’Aéro-club de Genève (GPM, 1981). A 80 ans, lorsqu’on refuse à Henri Golaz de prolonger sa licence de pilote, on imagine le drame personnel qu’il doit surmonter. Bien que transformé en expert de l’OFA depuis 1960, Golaz préférerait, bien sûr, voler dans les Alpes. Mais depuis les années 70’s, retraité (sauf en aviation), il a mis le doigt dans la politique locale et porte familièrement le surnom de "Syndic du Creux de Genthod" où il devient encore le doyen du conseil municipal.
Dans les séances du comité de l’Aéro-club, Henri Golaz parle peu mais fait des interventions écoutées, de qualité, avec son discours châtié et après avoir frisé sa fine moustache entre ses doigts. Il s’est éteint le 12 juin 1996, fort de 58 années d’aéronautique et après avoir transmis son art et sa passion à d’innombrables aviateurs et beaucoup œuvré à donner à l’aviation cette nouvelle dimension que sont les grands espaces enneigés alpins.
Brevet 1 pilote de tourisme, no.43 | 30.08.1935 | |
Brevet catégorie A, no.509 | 31.01.1936 | |
Brevet de vol à voile B, no.292 | 20.07.1936 | 04.1949 |
Brevet de vol à voile, no.112 | 25.08.1936 | 04.1949 |
Brevet de pilote de virtuosité, no.V.120 | 20.11.1936 | 14.12.1970 |
Brevet 2 de pilote | 26.02.1947 | |
Brevet de remorquage de planeurs | 26.02.1947 | |
Permis d’instructeur de vol | 26.02.1947 | |
Permis de vol de nuit | 24.11.1949 | 14.06.1967 |
Certificat fédéral de radiotéléphonie, no.525 | 28.09.1962 | |
Brevet de pilote professionnel, no.208 | 17.12.1963 | 06.06.1964 |
License professionnelle, no.1362 | --- | |
Extension atterrissage en montagne, no.208/658 | 25.06.1964 | etc. |
Lors du meeting de vol à voile de Cointrin, en juin 1945, Henri Golaz, déguisé, présente son numéro "le grand cirque" sur le Karpf 299, arborant la publicité d’un grand magasin genevois.