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[article n° 165]
Mort en service commandé dans les Troupes suisses d’aviation : Louis Pagan (1917-1918) [vidéo]

 

Vidée de ses "héros de l’air" en 1915, la Troupe d’aviation suisse tente de se reconstituer et forme des pilotes et observateurs. Peu d’élus parmi les Romands, mais 2 Genevois. On emploie les premiers appareils de construction suisse réalisés en petite série. Cette troupe n’a toujours pas de missions bien particulières, mais cela pourrait venir. Elle ne fait qu’une seule incursion en Romandie pendant toute la guerre. Parmi les pilotes, le Genevois Louis Pagan fera une trop courte carrière victime de son devoir.


Les élèves pilotes militaires suisses apprennent à mettre marche un biplan Wild construit en Suisse durant la 1ère Guerre mondiale. C’est au tour du Genevois Louis Pagan (1917).

Les Troupes d’aviation suisses depuis la fin de 1914

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Louis Pagan (1892-1918).

En 1915, lorsque les pionniers de l’air romands ont quitté la Troupe d’aviation suisse naissante où ils sont inutiles (voir : Récit) pour partir servir les pays alliés en guerre (voir : Récit), seuls 4 ou 5 hommes constituent l’aviation militaire helvétique. L’un d’eux, romand, Marcel Lugrin va décéder en exercice (1915) et leur chef, le capitaine Real, finira par donner sa démission (1916). S’en suivent plusieurs responsables, sans réel pouvoir ! Cette troupe est entièrement à reconstituer, tant en hommes qu’en matériel. Il convient de former des pilotes, peu nombreux, parmi lesquels 8 décèderont en cours de formation. Cette fois-ci les Suisses-alémaniques vont germaniser l’élite des pilotes helvétiques tant en matériel qu’en hommes. Ils formeront les cadres de la future compagnie Ad-Astra en 1920, future Swissair de 1933 (Zimmermann, Mittelholzer, etc.). Les romands sont l’exception et seuls 2 Genevois sont ainsi formés pendant la 1ère Guerre mondiale : Marcel Weber (voir : Biogr.) et Louis Pagan, tous deux en 1916-17.

Louis Pagan, la courte carrière militaire d’un pilote militaire genevois

Louis Pagan est un enfant de Genève né le 3 janvier 1892, fils d’un autre Louis Pagan. Après la Faculté des sciences, il est officier d’artillerie, comme son père qui commande une compagnie d’artillerie à pied (1847-1928) et son oncle, le colonel, qui fut longtemps instructeur. Il obtient par ce parrainage la possibilité d’être versé dans le corps d’aviation. Il va décrochera son brevet de pilote à Dübendorf le 1er décembre 1916.

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A gauche, le lieut. Louis Pagan et A.Comte ; à droite les aviateurs allemands.

On entend pour la 1ère fois parler de ce lieutenant aviateur lorsque, avec son collègue Alfred Comte, ils sont chargés de se rendre à Bâle où un avion militaire allemand s’est posé en pleine ville. Le 29 janvier 1917, un élève pilote allemand et son officier instructeur pensaient atterrir en urgence, en fin de journée, dans Strasbourg alors ville allemande. En fait, venant de Bonfol et de Porrentruy (JU), le biplan s’est posé sur la Schützenmatte de Bâle, plantant son hélice dans le sol et abîmant son train d’atterrissage. Les deux hommes sont indemnes. L’avion n’est pas armé et les Allemands seront finalement reconduits à la frontière. L’avion, après auscultation, sera rendu à l’Allemagne comme on l’a déjà pratiqué pour certains des 9 appareils de l’Axe posés en Suisse depuis 2 ans et demi. Quant aux avions armés, ils sont d’office incorporés dans la maigre aviation suisse.

Le dimanche 18 mars, 3 escadrilles militaires partent de l’école militaire de Dübendorf vers le terrain de Lausanne-Blécherette (190km en 1h56’) survolant Olten, Berne et Fribourg. Elles sont équipées d’avions biplans monoplaces Wild (WT, WTS, "Spezial") et Haefeli DH-1 biplace. Parmi les 13 des 14 avions ayant réussi à atteindre Lausanne, l’un est piloté par Louis Pagan dans la propre escadrille d’Oscar Bider. Les Lausannois ont ainsi le plaisir d’observer tous ces appareils durant 10’ au-dessus de la ville vers 9h du matin. Devant 30.000 spectateurs, à 15h30, les avions décollent par groupe de 2 ou 3 pour rentrer vers Zurich. Il s’agit ce jour là d’une des rares manifestations de la Troupe d’aviation suisse en terre romande durant la 1e Guerre mondiale, au sud de la "barrière de roestis". Le même jour, Pagan établit le nouveau record suisse d’altitude à 5.000m. Quant à Genève, on n’y verra pas d’avions militaires suisses avant Pâques 1919 ! Les pilotes en profiteront d’ailleurs pour se recueillir sur la tombe de Parmelin et de Pagan.

A la manière de Bider, "très calme, très posé, Pagan était adversaire résolu de l’acrobatie et de la fantaisie. Il mettait un orgueil à faire les "beaux vols", soit des vols exécutés dans toutes les règles de l’art avec une classique correction. Charmant camarade, Pagan était vivement apprécié dans tous les milieux où il fréquentait. Simple, cordial et sans pose, il gagnait les cœurs." Malgré cela, le 5 juin, rasant de trop près les toits de Zurich, il écope de 3 semaines de suspension de vol.

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Un des avions Wild arrivant à la Blécherette en mars 1917.

Même sans être mêlé aux combats, le métier d’aviateur et ses exercices simulés restent périlleux. Le pilote est souvent accompagné d’un observateur, sur le siège arrière, dont la mission et de mesurer l’efficacité des tirs d’artillerie afin de rapporter après le vol des correctifs aux artilleurs terrestres. Durant l’écolage de pilote, par trois fois, pilote et observateur vont décéder dans un crash. C’est ce qui arrive hélas à Louis Pagan et son passager le 1er-lieutenant Adolf Schoch le vendredi 8 mars 1918, à 14h15 à Thoune.

La presse et les autorités militaires sont restés très sobres concernant les détails de l’accident. Schoch, Zurichois, est fils d’un lieutenant-colonel médecin de la 5e division. Selon un journal bernois : "l’accident serait survenu au moment où l’aviateur qui avait exécuté de nombreux vols pour l’école de tir contre avions, actuellement à Thoune, prenait le départ pour rentrer à Dübendorf. Arrivé à une altitude de 80m environ, l’appareil sembla glisser sur l’aile. Une explosion se produisit et l’avion, en flammes, vint s’écraser sur l’Almend avec ses 2 occupants carbonisés." On ne saura probablement jamais, secret militaire, ce qui a causé cet accident.

Le lieutenant Pagan, âgé de 26 ans, est enseveli à Genève au cimetière Saint-Georges, avec les honneurs militaires le mardi 13 mars. Le corps arrive par le train à Cornavin. A 16h20, une foule énorme, un service d’ordre débute une procession dans la simplicité, sans fanfare militaire et jusqu’au cimetière (17h15). Un Conseiller d’état, le chef du Dpt militaire genevois, de nombreux aviateurs militaires et des membres de la Cie II d’artillerie assistent aux obsèques ainsi que des officiers suisses et des officiers internés belges ou français. Sur le monument de sa tombe est gravé la phrase suivante de Victor Hugo : "Ceux qui sont morts pour la Patrie ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie." Pagan repose près des aviateurs Agénor Parmelin (voir Biogr.), Albert Colombo (voir : Récit), et bientôt proche d’Emile Taddéoli (1920, Biogr.).

Premiers pilotes militaires suisses morts en service commandé

Louis Pagan connaît malheureusement une très courte carrière de pilote. Il reste le 1er Genevois mort pour sa Patrie en aviation et déjà le 9ème pilote ou observateur militaire suisse décédé depuis le début des hostilités le 1er août 1914.

====== Aviateur ======== == décès === ====== Aviateur ======== == décès === ====== Aviateur ======== == décès ===
Lt. pilote Moritz Vollenwider04.06.1915. Caporal obs. Felix Probst04.06.1915. Lt. pilote Marcel Lugrin 24.06.1915.
Lt. Pilote Roger de Weck07.07.1916. Lt. Werner Bodmer07.08.1917. Pilote Walter Frey 07.08.1917.
Cap pilote Fritz Elmer01.11.1917. Lt. pilote Gottfried Guéniat20.01.1918. Lt. pilote Louis Pagan09.03.1918.
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La tombe de Pagan au cimetière Saint-Georges (GE).

A la fin de la 1ère Guerre mondiale, 118 pilotes militaires suisses ont malgré tout été formés. Mais à fin 1918, pour des raisons budgétaires, le nombre des pilotes actifs est réduit à 30 et celui des observateurs à 20. Jusqu’en 1921 il n’y aura plus de cours de répétition ni d’école de pilote. On croyait beaucoup en une Paix future éternelle.

Par la suite, le 18 août 1925, le lieutenant aviateur genevois Léon Buclin (né en 1899) s’écrase à Wangen après que l’avion d’un élève touche le sien (Cie 2). Le 12 mai 1932, le sous-lieutenant Philippe Collet (né en 1900), en mission avec son équipier O.Roth à bord d’un biplan Potez, s’écrasent à Nürensdorf (Cie 1). Puis, le 14 août 1933, le 1er lieutenant (Plt) et pilote militaire Henri Urfer (né en 1905), originaire de Champvent (VS), seul à bord d’un appareil Haefeli DH-3, fait une chute mortelle dans le lac Léman au large de Nyon, probablement liée à une vitesse trop lente lors d’un virage (cp av 6). Le Plt Frédéric Zulauf (né en 1905), de Chambésy (GE), chute en Dewoitine à la Chaux-de-Fonds le 3 septembre 1933 (cp av 13).

Durant la Seconde Guerre mondiale, pour les seuls Genevois : le 10 février 1943, le Plt Maurice Schneider (né en 1916) se tue lors d’un entrainement à Lausanne (Morane J-28, cp av 5). Le 23 octobre, le Lt Yves Domenjoz (né en 1921), de Vernier, décède près de Gstaad. Le 2 octobre 1945, le Plt Georges Fischbacher, 25 ans, du Petit-Saconnex, s’écrase en C-36 au Simplon. Le 16 février 1946, le caporal genevois Alexandre Rigoni (né en 1924), meurt à bord de son Morane J-30 lors d’un exercice à l’Axalp (cp av 5). D’autres jeunes Genevois sont encore à citer après-guerre : le Plt Jean Victor Stocker (né en 1923) se crashe en entrainement près de Brigue le 21 juillet 1948 (Morane J-118, cp av 3) ; le caporal Jean-Charles Noverraz (1928-1950) à bord d’un Pilatus P-2 no.107 ; le Lt Reymond Wyss (1923-1953) sur Morane, au San Bernardino (cp.av.1) ; le sergent-major Raymond Theus (1930-1956) pilote de Vampire ; le sergent Michel Tissot (1940-1964) sur Venom ainsi que le capitaine Henri Chavannes (1920-1965), déjà pilote durant la guerre (cp av 5), qui décèderont tous en service commandé.

 

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Le lieutenant Pagan à bord d’un Nieuport 23-C1 en 1917.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  jeudi 1er juin 2006
  • Pour plus d’information, voir : Nos pilotes sur les Alpes, de Dölf Preisig et Ronald Sonderegger. Ed. 24 heures, 1984, 266p., ills, à la "Librairie ".
  • Images en couleurs en faveur de l’aviation militaire suisse 1913-1917 (Diaporama, sonore, 02’46’’, 63Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3. minimum.

     
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