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[article n° 176]
HM-14 "Pou-du-ciel" : une mobylette de l’air pour voler près de chez soi, la révolution de 1935 [3 vidéos]

 

Ils ont fait couler beaucoup d’encre ces petits avions créés par Henri Mignet ! Construits à la maison, dans le garage, parfois même dans la cuisine, ils visent à mettre l’aviation à la portée de tous. Mais une série d’accidents mortels les fait interdire de vol un moment. Corrigée de ses erreurs, la formule Mignet repart de plus belle et vit toujours chez les constructeurs amateurs dont le nombre a considérablement augmenté grâce aux propres mots de Mignet : "Si vous savez clouer une caisse, vous pouvez construire un avion !"


Le Henri Mignet HM-14 "Pou du ciel" conçu en 1934, monoplace ultra-léger à double aile en tandem utilisant l’effet de fente, à l’origine de l’ère de l’aéronautique démocratique.

Pour un appareil facile à construire, facile à piloter et 4 fois moins cher

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Henri Mignet (1893-1965).

En 1919 le Français Henri Mignet (1893-1965) veut réaliser un appareil constructible par quiconque. En 1928, il invente le concept de "L’Aviation pour tous" en opposition à la "grande aviation". Il vise à créer un avion pour 4.000F au lieu de 18.000F. Installé près de Soissons (F) entre 1929 et 1933, il invente réalise et teste 6 prototypes dans la clandestinité. Il part souvent en camping en moto, avec son épouse, tractant le nouveau Pou à tester. Le 13 septembre 1934 le magazine "Les Ailes" révèle l’existence du 14ème prototype, le HM-14 "Pou du ciel".

Dans des dimensions très réduites, ce monoplace utilise le principe de l’aile à fente au moyen d’une aile haute de grande dimension, mobile dans le sens vertical, qui est suivie d’une 2ème aile de taille plus réduite, en position basse, fixée rigidement sur la carlingue et placée juste derrière la première. On dit encore de ce concept qu’il s’agit d’une formule monoplan sans queue à fente fractionnée en 2 surfaces placées en tandem et décalées en hauteur. Le pilote manœuvre uniquement le "manche à balais" qui commande l’aile supérieure avant. Il n’y a donc pas d’ailerons aux ailes ni près de la dérive, ni de gouvernail. L’aile à fente possède l’avantage d’annuler le risque de perte de vitesse et de décrochage. Pour un pilote conventionnel, le vol du Pou n’est donc pas aussi réactif aux commandes que d’autres appareils, par son caractère très autostable.

Le moteur est souvent emprunté à des motocyclettes, 2 ou 4 temps, d’une puissance de 25 à 35 cv avec l’hélice directement montée sur l’arbre moteur. Construction de bois, de toile et de quelques tubes issus de cadres de bicyclettes et de roues de poussettes, excepté le moteur, elle ne fait appel à aucun matériau sophistiqué nécessitant l’emploi de machines-outil ou d’une technologie que l’on ne trouverait pas à la campagne. Il convient d’acheter l’ouvrage "Le sport de l’air" pour en être passionné puis un lot de plans pour réaliser son rêve à sa mesure.

Un engouement populaire fantastique en pleine période de crise

En 1935 un formidable mouvement populaire de constructeurs amateurs se mobilise en pleine crise économique. On fonde le RAA qui deviendra le Réseau du Sport de l’Air. Le 13 août Mignet et son Pou traversent la Manche. C’est aussi un gros succès en Grande Bretagne où de nombreux appareils se construisent. Le 20 octobre le 100ème Pou français est homologué. Malgré sa formidable stabilité aux grands angles, en piqué le Pou a tendance à se mettre sur le dos ?!?! A la fin 1935, une quinzaine d’accidents mortels se sont produits. Un nouveau réglage des ailes est communiqué par voie de presse aux constructeurs. En mars 1936 le Pou ne décroche plus, mais il reste très lent dans son redressement après un piqué. En juin on interdit le Pou sur les aérodromes français alors que l’on compte déjà 2.000 constructeurs, car un de ces appareils revient alors à 6.000F ! En 1937, on rend également la seconde aile mobile comme la première pour améliorer le redressement (Léon Lacroix). A Genève on choisit plutôt d’ajouter des ailerons fixes calés sur la dérive (Albert Perrin). En 1937-38 Mignet s’en va construire ses Pou aux USA. En 1938 un permis de navigabilité limité comme en Angleterre est à nouveau attribué en France et c’est le retour de Mignet. Mais tous les constructeurs ne respectent pas les plans à la lettre ou ne possèdent la maturité nécessaire à quitter le sol.

La guerre interrompt l’essor des Pou, mais eux, ils sont très faciles à cacher à l’envahisseur. Entre temps Mignet a conçu diverses évolutions de sa formule. En 1944 le Pou "Maquis" du général Eon, aux ailes repliables, doit servir à des missions spéciales derrière les lignes ennemies. Mais il ne sera prêt que trop tardivement. Parmi les autres types construits, il y a les HM-16, 18, 19, 210, 280, 290, 293, 350, 370, 380, 390, etc. jusqu’en 1965.

Une formule sûre, après une année difficile, qui n’a pas dit son dernier mot

En 1946, le HM-290 utilise le moteur Poinsart de 30 cv ou un Volkswagen 25 CV (grâce aux stocks allemands disponibles). Mais en novembre 1946, le Ministère de l’air supprime le certificat de navigabilité pour la raison principale qu’un "pouducieliste" ne peut pas apprendre à piloter en double commandes. Dès 1947 Mignet s’exile alors en Argentine, au Brésil, au Japon (1954) puis au Maroc (1955) où il va construire de nombreux Pou biplaces dont HM-294, 300, 310, 330, 350, 390. A son décès, la disparition de cet homme très connu et admiré porte un coup fatal ou monde très important des fanas du Pou. Son fils Pierre prend la relève avec la même volonté et sera à l’origine d’autres développements du Pou, avec bonheur.

Il reste encore des défenseurs de la formule en Europe mais ce serait aux USA aujourd’hui que la formule possède le plus d’adeptes. Les fibres synthétiques, les moteurs légers et puissants (cf. ULMS), ont encore allégé et rigidifié la structure du Pou qui évolue de place en place au gré de pilotes bien plus instruits ou formés qu’en 1935.

Caractéristiques métriques du HM-14 :

Envergure : 5,2m Longueur : 3,6m Hauteur : 1,7m Poids : 150kg* *selon type moteur

Depuis qu’Icare s’est collé des plumes, on n’arrête pas d’innover

Il va de soi que les membres de la "grande aviation" n’ont pas fait beaucoup de cadeaux aux nouveaux venus de l’"Aviation pour tous". Cela s’est reproduit en Europe dans les années 70’s avec l’aile Delta puis ensuite avec les ULMs. Mais depuis 116 ans qu’Ader a décollé sa "chauve-souris" à vapeur on doit constater que les arguments économico-politiques n’arrêtent pas la démocratisation du vol d’Icare même en mettant très logiquement beaucoup de poids sur la sécurité.

NB : Francs français cités.

 

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La grande solitude du pouducieliste face au chef mécano de l’aérodrome de Cointrin : Albert Perrin à bord du 1er "Pou" de la République et canton de Genève, en juin 1935.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  jeudi 1er juin 2006
  • Pour plus d’information, voir : Henri Mignet et les Pou-du-ciel, Encyclopédie Mach-1, pp:1695-1700, ills, à la "Librairie ".
  • Si vous êtes chanceux, lisez : Le Sport de l’air, d’Henri Mignet, publié le 4.11.1934 (444p.) 6.000 ex vite épuisés, réédité en 1936, 1937 (506p.), etc., 6e édition en 1994 (664p.) par son fils. Mais attention, c’est de la très bonne drogue et vous risquez de devenir accro ... ce que l’on vous souhaite.
  • [01.2018] Henri Mignet pilote son "Pou du ciel" à Lympne (GB, 08.1935) (vidéo sonore, 02’11’’ 58Mo.
    [08.2007] Avions Mignet, 1928-39 (vidéo-diaporama, n&b, sonore, 1’44’’, ≈57 Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3 minimum.
    [12.2013] "As-tu ton Pou" du ciel, une chanson de La Houppa de 1935 (musical, 02’34’’, 3Mo). Format MP4.

     
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