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[article n° 181]
Puplinge : ici volèrent des planeurs, le Dewoitine D-26, le Caudron G3 ou le "Pou du ciel" ! (1954-56) [vidéo]

 

Territoire privilégié des pionniers du début de l’aviation genevoise (1909-1914), Puplinge ne s’accorda pas avec l’aéronautique. Ce n’est qu’en 1954 que la commune abrite les planeurs genevois pour quelque 2 ans et demi.
- Pourtant, de là, François Durafour réalise déjà en 1919 un raid Puplinge - Fleurier (NE) - Saint-Georges (GE). En 1956, Albert Perrin y pratique les derniers vols de "Pou du ciel" genevois, inscrivant aussi cette commune dans l’histoire de l’aéronautique du canton de Genève.


Une commune sur laquelle l’aviation genevoise a des visées de 1909 à 1920

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Amoireries de Puplinge.

Lorsque le Club Suisse d’aviation (CSA) se fonde en automne 1909 (voir : Récit) il se met à la recherche d’un terrain pour faire voler les tous premiers aéroplanes du canton. Ceci devient urgent en novembre alors que Speckner, Carfagni et les frères Dufaux veulent faire décoller leurs appareils. Mais le terrain apparemment favorable de Puplinge n’entre plus en ligne de compte quand son propriétaire pose des conditions exorbitantes. C’est le champ d’aviation de Viry (F) qui est choisi par les pilotes (voir : Récit), ainsi que Collex-Bossy par le CSA (voir : Récit).

En février 1914 l’Association des Intérêts de Genève remet au CSA un relevé cadastral demandant l’établissement d’un véritable aéroport sur lequel Puplinge figure toujours en tête de liste devant Jussy et Collex-Bossy. Puis la guerre interrompt cette recherche. A Saint-Georges, un terrain sera temporairement prêté en attendant que Cointrin puisse naître à la fin 1920.

Malgré tout, François Durafour (1888-1967) réalise un raid avec son Caudron G3 en partant de Puplinge pour relier Fleurier (NE) puis revenir vers le terrain de Saint-Georges (GE) le 24 août 1919 (Voir : Biogr.). Le 3ème avion immatriculé en Suisse (CH-3) est ici aussi piloté par le 3ème titulaire d’un brevet de pilote d’Helvétie. Curieusement, bien plus tard, c’est à Puplinge que son fils Jacques passera sa retraite.

Le projet d’un champ d’aviation local renait à la fin des années 20, mais les craintes des habitants ont raison des volontés du Canton. Le 30 décembre 1927, le conseil municipal s’y oppose : "Trop de superficie prise pour une si petite commune, …dévalorisation des bâtiments". Le 2 février 1928, le conseil municipal refuse d’entrer en matière pour une quelconque vente de terrains communaux pour un projet qui risque d’entraîner la "diminution de la population …(…)..un gros affaiblissement de la vie communale".

Le terrain du club de vol à voile genevois entre 1954 et 1956

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Albert Perrin et son dernier "Pou du ciel" à moteur Poinsart (1955).

En 1953 les planeurs devront quitter le terrain de Cointrin après 18 ans de relative stabilité et sans espoir de retour. Presque seuls sur l’aéroport durant la guerre, 30 à 40 élèves y effectuaient quelque 50 à 60 envolées, le week-end, et à la bonne saison. Après de nombreuses recherches des membres du groupe de vol à voile dans le canton, dans le Pays de Gex, etc., pour un choix qui ne pénalise pas les vols de Cointrin, prioritaires, une solution est enfin trouvée à Puplinge, commune de 300 habitants alors, proche de la frontière française à côté d’Annemasse.

Un paysan sympathique et compréhensif, Alphonse Garin ( ?-1966), une connaissance d’amis du vélivole Marc Dugerdil (voir :Biogr.), met à disposition sur l’une de ses propriétés d’une belle bande de terrain pour la pratique du vol à voile. Cette prairie située à la sortie du village à gauche, le long du chemin du Barot, s’étire de la Bergerie jusqu’à proximité de la Seymaz (altitude 429m). La parcelle est précisément celle que la commune refusa de vendre en 1928 et qui fut entre-temps divisée lors de la construction de la nouvelle route de Jussy. Il n’y sera donc plus possible d’y pratiquer l’aviation à moteur. Fin 1952 la Confédération autorise le nivellement du pré sur lequel l’autorisation de vol est donnée le 15 juillet 1953, lorsque les conditions de visibilité sont suffisantes.

Par contre, Puplinge implique pour les membres du club un surcroît de travail puisque les avions tracteurs et les planeurs sont logés à Cointrin, comme le D-26 (voir : Appareil). Chaque week-end cela nécessite un déplacement par les airs et par la route. En l’air, ce sont souvent deux planeurs qui sont en remorque derrière le même avion pour accélérer les transferts. L’avion est un Dewoitine D-26 de 250 cv, ancien chasseur déclassé de l’armée suisse qui a été cédé au groupe de vol à voile (HB-RAI). Quant au treuil de lancement, il a terminé son emploi à Cointrin.

Marc Dugerdil : "Ce n’était pas l’idéal avec une orientation N-N-O, le vent était souvent de travers, mais c’était mieux que rien. Pendant deux ans et demi nous fûmes à peu près tranquilles. Du point de vue aérologique, la région Voirons-Salève est intéressante, d’autant plus que pour les pilotes "perdus" ou trop "courts" l’aérodrome d’Annemasse bien visible, leur tend les "bras", sans parler des démêlés avec les douanes." Malgré tout l’intérêt de la région, l’activité de vol à voile est rendue trop pénible et compliquée, les pilotes et le matériel en souffrent. "Toutefois la prospection des Voirons, du Salève et un peu de la vallée de l’Arve ne fut pas inutile."

Le 1er avril 1954, l’autorisation de vol avait été complétée par le droit illimité d’exploiter une école de vol à voile avec pour buts : l’instruction "des élèves-pilotes de planeurs en vue de l’obtention de la licence" et "de titulaires de la licence en vue de l’obtention du permis spécial de vol de virtuosité, du permis spécial de vol avec passagers ou en vue de l’exécution de vols sans visibilité". On ne fait plus alors référence à un champ d’aviation, mais à un aérodrome (voir : Récit).

A la même époque, Albert Perrin, le dernier Genevois à pratiquer le vol en "Pou-du-ciel" (voir : Appareil), fait ses derniers essais depuis le même terrain. Après 16 années d’essais et de vols avec de nombreux Pou construits de ses mains, sur lesquels il teste en permanence des améliorations. Il se tue lors d’un virage à basse vitesse à l’atterrissage à Puplinge le 11 novembre 1956 (voir : Récit).

Dernières tentatives pour un Puplinge aéronautique

Pour les planeurs, Puplinge n’était qu’un bienvenu pis-aller en attendant mieux, d’autant plus que le propriétaire pensait un jour labourer son pré. Les vélivoles y sont restés de 1954 à mi 1956 et partirent pour Prangins, sur le canton de Vaud (voir : Récit). A noter encore que Roger Mercier essaie ici son premier autogire motorisé avec un moteur Poinsart de 25-30cv, en avril 1956 (voir : Récit).

Mais il était prévu de développer l’aviation à Puplinge, parallèlement au développement de Cointrin. Le 28 juin 1957, l’Office fédéral cite : "Les autorités de Genève sont résolues à améliorer l’aménagement de la place de vol à voile de Puplinge et de la mettre à disposition de l’aviation privée motorisée. (…)... Le projet prévoit, à côté de la piste actuelle de vol à voile, deux pistes gazonnées de 850 mètres pour avions à moteur et le transfert à Puplinge du hangar de Cointrin...", tout cela à proximité de Monniaz, dans les bois de Jussy. Rien ne se fera, on jugera défavorable de construire un tel aérodrome "à proximité d’asiles et de cliniques de nerveux" et de l’agglomération des Trois-Chêne appelée à se développer. La parcelle Garin, divisée lors de la construction de la nouvelle route de Jussy, rendra impossible de pratiquer l’aviation dorénavant dans la commune.

 

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Le Dewoitine D-26 HB-RAI sur le terrain de Puplinge où il tracte les planeurs du club de vol à voile (Coll. G.Daems)
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  jeudi 1er juin 2006
  • Pour plus d’information, lire : Le vol silencieux, de Marc Dugerdil. Groupe de vol à voile de l’Aéro-club de Genève, 1999, 132p, ills, à la "Librairie ".
  • [05.2017] Puplinge et le vol à voile (1954-1956) (diaporama, 24 photos, 02’17’’, 6Mo). Format MP4.

     
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