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[article n° 189]
Création de l’aérodrome d’Annemasse grâce à la volonté de François Durafour (1947) [vidéo]

 

Avant la 2ème Guerre mondiale, le Genevois François Durafour se démène pour la création d’un aérodrome à Annemasse (Hte-Savoie). Ce n’est qu’en 1946 que ses démarches seront décisives. L’aérodrome est inauguré en juillet 1947 et débute alors un développement du côté de l’aviation sportive qui ne fera que croître. Les hélicoptères et le parachute se joindront au succès. Plusieurs manifestations aériennes publiques y enseignent le plaisir de vivre en 3 dimensions.


Sur la droite, en pleine campagne et à l’orée d’un bois, les bâtiments de l’aérodrome d’Annemasse crée en 1947 par François Durafour. Vue prise depuis la colline de Monthoux (1953).

Les prémices aéronautiques d’Annemasse avant 1946

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Durafour (chapeau clair) fend la foule qui se presse dans le hangar d’Annemasse lors de l’inauguration du 17 juillet 1947.

Dans le journal "Le mois aéronautique" de décembre 1911, dans un article intitulé "Où peut-on atterrir en France !" se trouve un petit plan complété du texte suivant ; "La région comprise entre Thonon-les-Bains et Annemasse offre des abris nombreux aux aviateurs. On peut signaler tout particulièrement de vastes terrains à l’entrée et à la sortie de Thonon, à proximité de la gare d’Annemasse et sur les bords du lac Léman. Dans le Bas-Chablais, terrains facilement repérables parce que bien découverts et sans obstacles.". C’est la 1ère mention d’une fonction de "champ d’aviation" dans les environ d’Annemasse.

Quant à la 1ère mention d’un aéroplane, il faut attendre le 28 juin 1919. Le Traité de Versailles est enfin signé entre les Alliés et l’Allemagne, entérinant la guerre de 1914-1918. Pour marquer l’événement, le Genevois François Durafour (voir : Biogr.), à bord de son Caudron G3, largue des tracts sur Divonne, Ferney-Voltaire (Ain), Saint-Julien-en-G. et Annemasse pour en informer la population. Imprimés par le "Journal de Genève", ces documents bleus de format A4 sont devenus une rareté. Durafour se fera "enguirlander" par le Conseil Fédéral suisse pour avoir ainsi violé la neutralité helvétique en volant hors des frontières pour diffuser un document politique !

PLus tard, à Annemasse, l’Aéro-Club Voirons-Salève est fondé le 19 avril 1934, notamment par François Roch. Il aura comme présidents successifs MM. Bas, Rey-Millet, Chevallier, Collet. Ce club cherche de son mieux à faire développer l’aviation mais sans terrain et sans avion, il n’obtient pas de résultats malgré ses espoirs et quelques promesses officielles.

Durafour sera par la suite le personnage décisif pour la création d’un aérodrome permanent près d’Annemasse où il gère une petite entreprise dès 1934. Veuf, installé rue Adolphe Magnin (no.2), il produit des meubles tubulaires, des remorques pour vélos, en cintrant des tubes avec 2 machines faites à l’origine pour le bâtiment. Plus tard il déménage dans la ferme des Beetschen. Breveté pilote dès 1910, représentant des avions Caudron-Renault, possesseur d’un Caudron "Phalène (F-AMLU), il fait de nombreux vols sur les Alpes avec divers appareils Caudron (G3, Luciole, Phalène, etc.). Il se dépense sans compteur pour la création d’un aérodrome local aidé de MM. Montesuit, Vinit, Grange, Pacthod, etc. En 1939, Durafour acquiert la nationalité française. Mais la 2ème Guerre mondiale va stopper le projet d’aérodrome.

L’occupant allemand renvoie Durafour en Suisse malgré qu’il soit français. Il franchira les barbelés plus souvent qu’à son tour pour obtenir certains renseignements, faire passer des réfugiés en Suisse et obtiendra notamment pour cela la Médaille d’argent de la reconnaissance française. C’est en août 1944 qu’il obtient finalement son "Ausweiss" (laisser-passer officiel) pour Annemasse. En 1944, il épouse Clara Beetschen (1900-1996), également veuve.

A la Libération, c’est le grand départ des activités aériennes

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François Durafour (1888-1967) président du CAA en 1948.

Grâce à ses nombreux contacts en France et surtout à Paris, dans les milieux aéronautiques, chez les militaires, et grâce à ses activités multiples, Durafour obtient les autorisations pour l’installation de cet aérodrome. Des relations avec la municipalité, M. Jean Deffaugt (1896-1970) est alors maire, et l’aide de M. Coudret, permettront d’installer les 1ères infrastructures de cette piste en herbe orientée en "12-30" sur le territoire des communes d’Annemasse, Vétraz-Monthoux, Cranves-Sales et de Ville-la-Grand et bien que l’emplacement de ce Bois des Rosses ne soit pas idéal. Avec un seul hangar, offert par l’armée et toujours en place de nos jours, le lieu est dédié au tourisme aérien. En 1946 l’Aéro-club d’Annemasse et son comité sont créés dont Durafour assure la présidence. Et l’on annonce aux sceptiques un Grand Rallye (meeting) pour l’été prochain alors que le terrain est encore inutilisable : "un emplacement de broussailles avec fossés, tout en bosses ; une trésorerie saine mais inexistante (quelque 700F en caisse) ... Un trésorier ayant fait un décollage savant qui avait laissé un certain vide dans la caisse." Mais le comité est décidé à réussir coûte que coûte et de nombreux industriels et commerçant ne ménageront pas leur concours.

L’inauguration de l’aérodrome est prévue pour le dimanche 27 juillet 1947 qui voit un grand meeting aérien appuyé par les autorités. La triste météo se met au bleu juste pour l’événement. A 9H15 le président Durafour accompagné de son épouse, se pose sur l’aérodrome inaugurant la piste. De nombreux pilotes sont venus avec quelque 25 avions, 6 planeurs auxquels s’ajoutent 16 modèles réduits. Le Préfet de la Haute-Savoie, M. Revillard, pilote, s’y rend par les airs. M. Rizet, sous-préfet, le maire Deffaugt, Louis Casaï, président du Conseil d’Etat genevois et de nombreuses personnalités honorent de leur présence la manifestation. Saut en parachute, baptêmes de l’air, le meeting est un grand succès où assistent 15.000 personnes alors qu’Annemasse en compte alors moins de 10.000.

Les Genevois ont tracté 2 planeurs derrière un de-Havilland Moth depuis Cointrin. Lors de leur démonstration, Porret est aux commandes du S18 et se pose trop court sur un taillis de chênes, à 5m de haut. Une échelle le ramènera au sol. Une scie libérera le planeur de quelques branches sans trop de dégâts. Parmi les pilotes d’avions de Genève, citons encore MM Geneux, Perrier, Poncet et Henri Golaz (voir :Biogr) qui fait une démonstration de voltige aérienne ainsi que Mr Fournier (d’Annecy). Sept des modèles réduits possèdent un moteur, sont genevois, aux mains de MM. Maret, Vallet, Henri et Roger Péclet. Une réception à l’hôtel de Ville verra la remise des prix, alors qu’un banquet en soirée rassemble les discours. A mi-octobre, une seconde manifestation de 2 jours atteint le même succès. Une section de la 25ème Division aéroportée aux ordres du commandant de Vigny est venue à bord d’un Junkers-52 de Pau, via Lyon et Genève, pour larguer 15 paras très appréciés.

En 1948, sous l’intitulé de Club Aéronautique d’Annemasse (CAA), l’aérodrome a bien grandi. Le terrain est homologué, une école de pilotage s’est ouverte ainsi qu’un bureau douanier. Le tourisme aérien et l’économie locale en disent le plus grand bien. Déjà 5 élèves ont réussi leur B.E.S.A., ce qui est un record pour le département de Haute-Savoie. Le "Rallye" des 4-5 septembre obtient autant de succès qu’en 1947. Durafour, qui réside 6 rue de la Paix, est à nouveau le président de ce club dont le secrétariat se trouve 6 avenue du Giffre (tél. 275) et où les cotisations sont les suivantes : membre bienfaiteur 1.000F français, membre Actif 400 et 700F, membre Honoraire 300F, membre Junior 250 et 450F. Le port de l’insigne est obligatoire ! En 1949, à 51 ans, Durafour pilote beaucoup moins à cause de sa tension et fait ses heures obligatoires pour conserver sa licence. Il poursuit une petite activité industrielle à Annemasse jusqu’à 1957 où il cessera de piloter et rentrera définitivement en Suisse.

Un aérodrome proche des Alpes avec quelques activités impossibles à Genève

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Annemasse : huile acrylique de Jean-Claude Petit (140x90cm).

Situé sur la route de Thonon, l’aérodrome d’Annemasse sera baptisé plus tard, du nom de Marcel Bruchon. Il fut le 1er moniteur de vol du club, président du CAA de 1948 à 1970, homme décisif durant la 2ème phase de développement de l’aérodrome (décédé en juin 1983). L’aérodrome, situé à une altitude de 1.617 pieds, avec une piste en dure de 1.300m, large de 35m, avec parking et taxiway est construite en 1968. Les autorités annemassiennes poussent à nouveau fortement le développement de l’aérodrome en 1983. L’aérodrome est le 1er de France au nombre des heures de vol en 1983 et 1984. Le terrain abrite une école de pilotage, une base de Mont-Blanc-Hélicoptères, la 1ère société du genre en France et son école de pilotage, une école de saut en parachute et son Para club, des membres du Réseau du Sport de l’Air, des ULMs. Quant au CAA, il regroupe 400 membres formant près de 100 élèves par an, abritant 24 avions (surtout Robin) employant 17 salariés. Quelque 8.000h de vol sont réalisées dans l’année. En 2003 un grand hangar pour avions d’affaires et son parking sont ajoutés.

Plusieurs belles manifestations aéronautiques publiques, shows aériens, ont eu lieu depuis 1984 sous l’intitulé de "Journées portes ouvertes" : 18-19 août 1984, 25-26 juillet 1987, 15-16 juin 2002, 12-13 juin 2004, 10-11 juin 2006, 28-29 juin 2008 ...

En décollant en 12 presque en face du massif du Mont-Blanc où Durafour posa encore son Caudron-G3 en 1921, on ne peut oublier la superbe part que ce dernier offrit à cette région annemassienne.

 
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François Durafour et madame (à sa gauche) accueillis pour l’inauguration du terrain d’aviation d’Annemasse (1947).
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 14 août 2006
  • Voir le CAA sur son site internet
  • Durafour, créateur de l’aérodrome d’Annemasse, 1947-55 (n&b, musical, 2’11’’, 45Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3 minimum.

     
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