Le site des pionniers de l’aéronautique à Genève 
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[article n° 23]
Naissance d’une Fédération Aéronautique Internationale dédiée au sport aérien (1905) [vidéo]

 

La Fédération Aéronautique Internationale (FAI) naît en 1905, juste un an avant le premier vol en Europe d’un aéroplane équipé d’un moteur à explosion. Ses ambitions s’adressent exclusivement au sport de l’air et ses membres ne connaissent que l’univers des "ballons" ! La petite Suisse, représentée par un Genevois, va participer à cette création conjointement aux grandes nations aéronautiques d’alors que sont la France et l’Allemagne.


Les personnalités de la FAI lors de la Conférence de 1907 à Bruxelles (JCC).

Prendre son envol au début du 20e siècle

En 1904, l’aéroplane à moteur est pour beaucoup un projet pour lequel on n’en est pas encore à mesurer des performances ni à comparer les mérites de chacun. Sans preuves concrètes, les essais pratiqués aux Etats-Unis par les Wright ont laissé sceptiques les Européens. Quant au planeur, il n’est souvent qu’un avion sur lequel il n’a pas encore été installé la motorisation souhaitée. Par contre plusieurs "appareils volants" sont déjà exploités depuis plus de cent ans. Le ballon à air chaud (montgolfière) est testé en octobre 1783, celui à gaz naît en 1784 ; le parachute fonctionne dès octobre 1797 et le dirigeable débute sa carrière en 1852. Les "plus léger que l’air", ou aérostats, ont encore gagné leurs heures de gloire lors de la guerre franco-prussienne des années 1870 ou lors de la guerre de Sécession (USA). Plusieurs sociétés "aérostatiques" civiles siègent en France (1852), Angleterre (1866), Allemagne (1882), etc. Chaque nation rassemble d’ailleurs plusieurs sociétés d’aérostiers en rapport avec ses diverses classes sociales.

Ballons, barons et consommation de gaz

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Les participants à la réunion de Genève de 1920.

Le célèbre aéronaute français, le comte Henri de la Vaulx (1870-1930) et son homologue allemand, le major Hermann W.L. Moedebeck (1857-1910), projettent de fédérer les sociétés existantes dans chaque nation afin de promouvoir mondialement le sport aérien, comme le fait de son côté le Comité Olympique (CIO) pour les sports terrestres. Lors du congrès de Bruxelles du CIO (juin 1905), rejoints par Fernand Jacobs (1870-1926) de l’Aéro Club de Belgique, ils proposent aux quelque 200 délégués présents la création d’une Fédération Aéronautique Internationale. L’idée approuvée est appuyée par une résolution du CIO. Les divers Aéro-clubs, ou leurs équivalents nationaux, sont alors convoqués pour une conférence fondatrice à Paris, en octobre.

L’élite de l’air s’est déplacée ce 12 octobre, représentant l’aristocratie de l’époque. Un prince, de nombreux comtes et barons, de riches sportsmen et quelques officiers de haut rang avalisent très rapidement la création de la FAI. Il suffit de sept heures de discussions, sur trois journées, pour que huit pays entérinent des statuts communs le 14 octobre 1905 ! Ces pionniers sont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, et la Suisse.

Reconnu par ses pairs, Roland Bonaparte (1858-1924), qui dès 1907 sera membre de l’Académie des sciences dont il deviendra le président en 1919, est également un ardent propagandiste de l’aviation naissante. En octobre 1905 il préside la conférence constitutive de la FAI. Il présidera ensuite la commission scientifique de la FAI durant 20 ans (1905-1923). Quant au journaliste Georges Besançon (1866-1924), féru d’aéronautique, il est nommé à la fonction de 1er secrétaire général de la FAI, de 1905 à 1908.

Il en découle que ces nations se rencontreront annuellement au sein d’une Conférence statutaire, dans laquelle chacune ne sera représentée que par un seul organisme national. Reflet de la technologie de l’époque, toute nation dispose d’un nombre de voix proportionnel au volume de mètres cubes de gaz consommés par ses ballons durant l’exercice précédent. En 1905, sur les trente voix, la France en obtient douze, leader grâce aux 310.471 m3 annoncés. L’Allemagne reçoit neuf voix. Quant à la Suisse, la plus petite des nations présentes, représentée par un Genevois, le colonel Théodore Schaeck (voir : Bio), il lui revient une seule voix (7.000 m3). Parmi les décisions entérinées, il est convenu que la qualité de pilote sera reconnue par un diplôme et les pilotes seront membre de clubs. La FAI tiendra la liste des records nationaux et internationaux ; créera diverses commissions fonctionnant avec l’aide de membres des nations affiliées. Chaque pays conservera toute liberté d’action sur son territoire.

Du côté civil, la Suisse ne possède pas une expérience aérostatique aussi riche que celle de ses voisins bien qu’un dénommé Alexandre Liwentaal y fonde L’Ecole Suisse d’Aérostation en 1896, suivie par la Société Suisse d’Aérostation, organismes qui sont englobés dans la création de l’Aéro-club en 1901. Quelque onze ballons sont recensés en 1905, ainsi que vingt-neuf aérostiers. Le premier brevet suisse d’aéronaute n’est délivré qu’en 1904.

Schaeck est l’un des fondateurs de l’Aéro-club de Suisse (AéCS), dont il devient le premier président. En octobre 1905, il représente donc l’AéCS à la naissance de la FAI. Face aux représentants français, allemands ou même anglais, son rôle est modeste. Il comprend que certains articles des statuts proposés sont à l’image du fonctionnement de pays centralisateurs à la législation uniforme, alors qu’en Suisse les lois sont cantonales. Il n’existe pas encore le futur Office Fédéral de l’Air et Schaeck fait ajouter où il peut quelques nuances aux textes, modifications qui lui sont parfois refusées.

Les premières années de la FAI (1905-1911)

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Le Logo de la FAI.

A la Conférence de 1906, sa voix et le rapport d’activité de la Suisse restent modérés, enregistrés avec une touchante bienveillance : "Nos camarades de Suisse ont perfectionné leur organisation dans le silence, et malgré les difficultés de leur pays de montagne, ont exécuté bon nombre d’ascensions qui, comme les peuples heureux, n’ont pas d’histoire, parce que, grâce au talent des dirigeants de cet Aéro-club, toutes se sont terminées de la façon la plus simple, la plus rationnelle et presque toujours la plus scientifique." En harmonie avec Moedebeck, Schaeck insiste cependant sur la création de cartes aériennes montrant où sont présentes des lignes électriques aériennes, nouvelles embûches de l’époque. Il participe encore à la Commission de classification du matériel aéronautique en vue de la détermination des droits de douane.

En 1907, la Suède rejoint la FAI et le calcul des voix accorde deux représentants à la Suisse (25.900 m3). On souhaite indiquer sur les cartes aériennes les lieux où il y a des champs de tir, un danger pour les ballons. Schaeck tente de s’y opposer : "Ce n’est pas possible : en Suisse on tire partout" ; réalité de l’existence de nombreuses sociétés de tir et de secrets militaires. Malgré tout Schaeck participe fidèlement aux réunions de la FAI. Présent en 1906, 1907, 1909 et 1911, il ne peut l’être en 1908 et 1910 car il concoure aux coupes Gordon Bennett. Sa renommée en sera rehaussée lorsqu’il remporte la coupe de 1908, grâce à un trajet en ballon de 1.210km, en 72h30, de Berlin à la Norvège en collaboration avec Emile Messner (voir : Récit). En 1909, la Conférence se tient à Zurich où Schaeck à la charge d’accueillir les représentants des douze nations (+Autriche-Hongrie, Pays-Bas et Russie). En 1910, la FAI regroupe alors seize nations, incluant l’Argentine, le Danemark et la Suisse qui dispose dès lors de trois voix.

En 1911 Schaeck se fait le porte-parole de l’Allemagne et de la Suisse pour dénoncer des erreurs d’organisation intervenues lors de la Coupe Gordon Bennett de 1910, à Saint-Louis aux USA, dont les deux nations ont pâti (voir : Récit). En résumé, il demande l’application stricte des règlements existants. Anecdote : les droits de douane américains étaient importants, 45% de la valeur du matériel, soit 1.200$ pour chaque ballon. Certaines nations n’ont pas payé de droits, d’autres oui et n’ont pas été remboursées ! Il demande à la FAI d’agir auprès de ses membres pour simplifier ces démarches. Il fait l’unanimité sur ces points..... Puis Théodore Schaeck décède après une courte maladie à 55 ans, en mai 1911 (voir : Biogr.).

Une évolution parallèle à celle de l’aéronautique

Au bilan des six premières années d’exercice de la FAI, on constate aussi qu’une majorité de ses membres, éminents aérostiers, sont en décalage avec l’essor que l’aviation prend depuis 1907. Et si Schaeck reste dans un rôle mineur, il est probable que les décisions prises sous la motivation des grands acteurs d’alors trouvent son accord et celui de ses collègues. Notons aussi que l’Helvétie ne participe pas encore aux différentes fonctions du Comité directeur de la FAI et qu’il en va de même pour d’autres nations plus importantes que la Suisse, mais cela viendra...

En tant qu’organisation internationale non gouvernementale et sans buts lucratifs, la FAI va participer activement au développement mondial du sport aérien et des activités astronautiques tout en sachant adapter ses structures au prodigieux développement de l’aéronautique. Un siècle de technologie verra ainsi la création de nombreuses branches sportives bien distinctes (avion, ballon, cerf-volant, espace, hélicoptère, modèle réduit, parachute, planeur, vol libre, etc.) ainsi que la démocratisation d’une partie de ces disciplines.

 

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Le congrès annuel des délégués nationaux de la FAI, les 11-12 septembre 1920 à Genève. Non loin du comte de la Vaulx et du Prince Bonaparte (assis au centre), debouts au haut des escaliers : (1) colonel Borel, (2) Haller, (3) colonel Messner, (4) lieutenant Borel, (5) Louis Primault, (6) Haefeli.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 20 juin 2005
  • Pour plus d’informations : Le centenaire de la FAI a été traité dans le bulletin de l’Aéroclub de Genève "La Feuille Volante" no.91 de février 2005.
  • Lire encore : 1905-2005 High Flyer, de Paul Morath, Ed. FAI, 2005, 222p, ills, à la "F.A.I."
  • La FAI a installé son siège à Lausanne (Suisse) en décembre 1980.
  • [02.2017] FAI : débuts, personnalités, médailles diverses et Romandie (1905-2005) (diaporama, 50ph, 04’05’’, 8Mo). Format MP4.

     
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