Le site des pionniers de l’aéronautique à Genève 
Des Genevois chez eux ou ailleurs et des étrangers dans Genève 
[article n° 245]
1939 : huit mois de liberté et quatre mois de guerre, c’est aussi la fin d’une époque aérienne (1939) [3 vidéos]

 

L’année 1939 s’annonce pleine de promesse. Tous les hommes de l’air attendent les beaux jours pour reprendre le vol sportif, voyager en individuel ou via les compagnies commerciales qui desservent Genève. Fin août, c’est la douche glacée, la 2ème Guerre mondiale est sur le point d’éclater ! On mobilise tout le monde, on ferme les aérodromes civils, on interdit les vols non militaires, le doute et la crainte s’instaure. Mais pour combien de temps ? Chronique aéro-genevoise de 1939 :


Le 2 septembre 1939, c’est la mobilisation générale suisse, la Seconde Guerre mondiale débute. Adieu alors aux avions, planeurs, vols commerciaux, aérodromes civils, seule l’armée vole !

Personnalités

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Josy Brooke (1916-1939)

- Le 7 janvier, décède la stewardess Josie Brooke, née le 1er mars 1916 à Genève. Entrée chez Swissair le 1er août 1938, elle œuvrait sur les lignes Zurich—Paris et Zurich—Londres tout en essayait d’éviter les vols vers l’Allemagne.

Ce 7 janvier elle échangea sa place sur le Zurich-Berlin avec Erica Meuli contre ce Zurich-Paris qui devait rentrer à Genève ensuite.

Mais avant d’atterrir à Paris-le-Bourget, le Douglas DC-2 (HB-ITA) de Swissair touche une colline du côté de Senlis ; 3 membres d’équipage, dont le capitaine Egon Frei, le radio Kurt Walter et Josie Brooke, ainsi que 2 passagers perdent la vie. Les 12 autres occupants en réchappent avec des blessures.

- François Durafour, sur son Caudron-Phalène (voir : Récit), réalise un vol avec passager de 850km en 5H15’. Il effectue plusieurs vols sur les Alpes sur D.H Léopard, D.H Hornet, et les Caudron Phalène, Luciole et G-3.

Son carnet de vol no.504, comptabilise 3.263h de vol.

 

Aéro-Club Genevois

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Depuis 2 ans, Cointrin est en pleins travaux (1939).

- Vol à voile : Fort heureusement, des achats de planeurs s’effectuent avant l’été. C’est d’abord un Hutter-17, no.222 (finesse 18), puis un Spalinger S-18 II, no.303 (finesse 18), et enfin un Karpf, no.299 (finesse 10). Le S-18 est arrivé remorqué par Marc Dugerdil, sous une pluie battante, de Langenthal à Genève. Les Zögling vont permettre aux nombreux débutants de conquérir les brevets A et B (voir : Appareil). C’est une période faste pour les membres du groupe dont l’activité reprend en juin : 102 départs de 14 pilotes et 10h47’ de vol. L’un des leurs, Emile Roesgen (voir : Biogr.) met en compétition un prix dénommé "Prix Professeur Péclard", à attribuer au pilote qui obtiendra le 1er son diplôme de performances, d’ici au 31 décembre.

- Vol à moteur : Si les cours IAP sont suivis par 44 élèves en Suisse, il n’y en a qu’un seul à Genève. La Section comptera 400 membres en fin d’année contre 426 en 1937 et ses finances sont saines. Le président, depuis 1937, se nomme Marcel Devaud (voir : Biogr) et restera en fonction jusqu’en 1945. Il prendra la tête de l’Aéro-club de Suisse de 1944 à 1950. A Meinier, près de Compois, le 16 avril, deux avions légers du club pratiquent des baptêmes de l’air.

- Vols coqueluche : depuis quelques temps on remarque le bienfait d’une rapide grimpée en altitude pour les enfants de plus de 5-6 ans atteints de coqueluche. La rapide baisse de pression fait réagir positivement le sang, des cellules libèrent dans le corps plus d’oxygène qu’au sol. On grimpe donc le plus vite possible à 3000 ou 3500m pour pratiquer un vol en palier de 30 à 45’. La descente se fait plus lentement, avec palier tous les 1000m. Les guérisons sont plus rapides et plus fréquentes envers les cas de maladie qui se sont prolongés jusque là. Les vols originellement fait pour les baptêmes de l’air, sur ordonnance, en sont les grands acteurs. Ils sont pratiqués jusqu’en 1961.

- Afin de récolter des fonds pour la fondation Pro Aero, née en 1938 et visant à promouvoir et développer l’aviation en Suisse, 13 avions de diverses sections de l’Aéro-club de Suisse transportèrent quelque 133.000 plis sur 154 étapes suisses le 31 mai 1938. Les PTT émettent un timbre philatélique à surcharge pour l’occasion. Au départ de Genève, ce sont 10.318 plis qui s’envolent ainsi. Le 6 mai 1939, on applique la même formule pour l’ouverture de l’Exposition nationale suisse où 11 avions acheminent 4.665 lettres.

 

Aéroport de Cointrin

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Un Ju-52 à croix gammée de la compagnie Lufthansa (Cointrin, 1939).

- En début d’année, le conseiller d’Etat Louis Casaï défend ardemment la modernisation et l’agrandissement de Cointrin auprès des autorités genevoise et fédérale. Il demande à Berne une aide égale à celle que la Confédération a fourni au canton de Zurich. Cointrin est le 3ème aéroport de Suisse, après Dübendorf et Bâle. Il faut à tout prix agrandir Cointrin ou péricliter !

- On ne vole que rarement de nuit et presque pas le dimanche. Deux hommes suffisent au service de la radio, ils assurent non seulement le travail de liaison et de radio guidage, mais aussi l’entretien technique des installations.

- Charles Bratschi : "Le terrain est relativement court, il s’étend entre la route de Mategnin de l’époque [av. Louis-Casaï actuelle] et la route de Meyrin. Une ferme se trouve en plein milieu de l’axe. Les travaux d’agrandissement de la piste ne sont pas encore terminés et, lorsqu’un avion se présente, il doit s’enfiler entre la ferme et les travaux, ce qui n’est pas toujours chose aisée (vent). Ce qui n’arrange pas non plus les choses, c’est que nous avons également nos installations de TSF et l’on dispose en fait de 1.100 mètres non pas de piste, mais de terrain. La piste gazonnée mesure, elle, 800 mètres. Nous avons bien sûr, une piste bétonnée de 400 mètres, mais elle n’est pas toujours facile à utiliser. Nous avons même eu un pépin, du fait qu’au bout de la piste il y a un petit fossé. J’ai toujours pensé qu’un jour un avion serait "trop long" et finirait son atterrissage dans le fossé. On a donc remblayé le fossé avec 30cm de terre végétale. C’est à ce moment que la ligne Paris-Genève s’effectue avec un Potez [pilote Delage]. Arrivé par un temps épouvantable, il passe entre la ferme et les travaux, traverse l’ex-fossé qui, par beau temps, jouit d’un remblai solide. Malheureusement le terrain est détrempé et les roues de l’avion se bloquent là, l’avion pique du nez et s’immobilise !"

Trafic commercial

- L’année s’annonce pleine de promesses, Swissair, ALPAR, Air-France, Lufthansa maintiennent leur desserte de Genève. Lufthansa utilise pour certains vols des Heinkel He-111 (ex : D-AQUA) et des Junkers Ju-90. Air-France emploie surtout des avions Bloch-220 (futur Marcel Dassault) sur la ligne Genève-Lyon-Paris ou sur Genève—Paris ; ce sont des appareils pour 14 passagers. Le 1er mai, avec son nouvel avion de-Havilland Dragon-rapide (HB-AME, HB-AMN), la compagnie suisse ALPAR, ouvre une très longue ligne, Bâle-Berne-Lausanne-Genève avec raccordement direct jusqu’à Marseille et l’Espagne. Quand à Swissair, elle garanti une "aryanité" de ses équipages qui se posent à Munich.

- Le 27 août, au moment du blocage de l’espace aérien suisse, Genève-Cointrin est desservi par 8 compagnies : AB Aero Transport (Suède), ALPAR, Air France, Deutsche Lufthansa (D), Imperial Airways (GB), KLM (NL), Malert (Hongrie) et Swissair.

 

La 2ème Guerre mondiale

L’ombre de la guerre plane sur l’Europe depuis l’annexion pure et simple de la Tchécoslovaquie par Hitler en mars. Le 27 août, se basant sur un décret du 24 février, le Conseil fédéral, interdit le transport aérien civil dans toute la Suisse.

- Le 28 août est le jour de la mobilisation des Troupes d’aviation et de DCA. La police des frontières et aussi renforcée. Le patron de Cointrin, le lieutenant Charles Bratschi (et d’autres) est mobilisé. Pilote militaire, il va accomplir de longues périodes de service actif et mener des missions d’observation à bord d’un monomoteur C-35, DH-5 ou C-5. Il est basé près de Belp (BE), incorporé dans la Cp II. Cointrin est fermé et devient une zone militaire gardée par la Troupe territoriale. La piste en béton sera minée. Le samedi 2 septembre c’est la mobilisation générale de toute l’armée suisse.

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Mécanos et Me.109 de la Fl.Kp.21 à Buochs, Suisse (1943-4).

- La guerre est imminente et pourtant un vol postal spécial Zurich—Genève-Zurich et retour a encore lieu le 30 août, effectué pour commémorer les 75 ans de la Convention de Genève.

- Les 3 régiments d’aviation suisse possèdent 98 avions de chasse (58 Dewoitine D-27, 40 Messerschmitt Me-109) et 127 avions d’observation biplaces et autres (49 Fokker C-V et 78 C-35). Parmi les 21 compagnies d’aviation seules 3 sont aptes à la guerre et peuvent être qualifiées. Cinq ne possèdent aucun avion !

- Ch.Bratschi : "Nous commençons la guerre, une période de récession. Nous, nous avons tous cru en l’aviation. Quand je parlais avec L.Casaï, je lui disais : Vous dites que ça va coûter cher [agrandir Cointrin], bien sûr, mais l’argent que nous y mettrons, si l’on entre en guerre, il sera de toute façon perdu. Si on l’investit dans l’aéroport, on a des chances, si le conflit se termine positivement, de prendre place dans le réseau aérien international !" Bien vu !

- Durant des semaines, au début de 1940, la Troupe d’aviation suisse s’entraînera à Cointrin pour s’adapter au nouveau Messerschmitt Bf 109 (cours de transition). Des vols sont d’abord menés à bord d’un Bf.108 Taïfun puis sur les modernes Me 109-E. D’autres cours coucernent le D-3800, le MS.406 construit sous licence en Suisse (pilotes. mécanos, armuriers.. (voir : Récit).

 

Bilan annuel 1939

- Au 31.12.1939, le bilan annuel en Suisse du transport international comptabilise : 10.794 vols, 62.231 passagers, 230,3t de fret et 511,8t de poste aérienne.
- A Cointrin, en 8 mois, on dénombre 11.562 passagers pour 6.948 mouvements (janvier-août).
- L’Aéro-Club de Suisse compte lui 4.343 membres, dont 400 pour la section genevoise.
- A fin juin, la Suisse comptait 113 appareils dont 84 pour le tourisme et de sport. Parmi ceux-ci, les Aéro-Clubs détiennent 42 avions légers en très grande majorité britanniques, les propriétaires privés possèdent 32 avions alors que Swissair utilise 10 appareils de transport.

 
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En 1939 à Genève, Alpar s’offre deux DH-89 Dragon Rapide à 70.000.- pièce, dont ce HB-AMU, qui seront inactifs durant les années de guerre (coll. W. Sutter).
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  vendredi 20 avril 2007
  • Pour plus d’information, voir les autres récits de Pionnair.
    Fragments de guerre (vidéo-diaporama, N&B, sonore, 02’47’’min, 67Mo), nécessite le plugin QuickTime 7.1.3 minimum.
    DC-2 et DC-3, nostalgie à Cointrin (Film, sonore, 2,20’’, 45Mo).
    [09.2014] Nelly Diener et Josie Brooke, deux brefs destins de stewardess (1934 & 1939) (vidéo musicale, 05’02’’, 152Mo). Format QuickTime. Download 5 à 7 minutes

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