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[article n° 424]
Marc DUGERDIL (1909-2008) : champion du vol à voile et leader du groupe genevois [vidéo]

 

La jeunesse de Marc Durgerdil aurait pu le contraindre à oeuvrer toute sa vie sur le plancher des vaches. Mais le destin va le transformer en un as du vol à voile, un patron du groupe des planeurs et en l’un des pilotes performants de sa génération. Outre l’émulation qu’il génère autour de lui, Dugerdil est décisif dans l’existence de l’aérodrome de Montricher et aura le bonheur de voir son fils Yves se classer dans les meilleurs vélivoles mondiaux. En sa mémoire, le plus performant planeur de l’Aéro-Club lui a été dédié.


Marc Dugerdil en 2001, à 92 ans, sur le terrain de Montricher, lieu si apprécié des vélivoles genevois ou vaudois dont on doit principalement l’existence à la diplomatie de ce vélivole devenu presque centenaire (ph. C. Mégard).
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Marc Dugerdil dégèle le train escamotable du planeur Jantar, à Gap, à Noël 1977 (ph. E. Lindemann).

D’excellentes études, inespérées …

Marc Louis Dugerdil, né en décembre 1909 du côté de Satigny, publie en 1980 un ouvrage intéressant et détaillé sur les débuts du vol à voile à Genève intitulé Le vol silencieux. Au fil du texte, Dugerdil reste très modeste sur son activité de vélivole, ne livrant que le nécessaire, alors que son impact sur ce sport en Romandie est finalement très important. De plus, sa vie aurait pu se dérouler tout autrement. Trop tôt orphelin, il doit œuvrer comme garçon de ferme tout en poursuivant des études en parallèle. Il réussit heureusement sa Maturité décidant son oncle à lui offrir de hautes études.

C’est en 1930 que ce Genevois se souvient de son premier contact avec un planeur de pente à l’Ecole Polytechnique fédérale de Zurich où un groupe d’élèves baptisé le Groupe des moineaux teste un appareil fait main qui passe plus de temps en réparation qu’en vol et ne lui a pas laissé une grande expérience pratique. Il décroche là son diplôme d’ingénieur agronome démontrant sa maîtrise du français et de l’allemand. On retrouve Dugerdil élève du Club des planeurs genevois en juillet 1936 alors qu’Henri Golaz et Ernest Sudan ont déjà obtenu leur licence B. En octobre avec son ami Michel Martin et futur beau-frère, ils sont prêts à passer ce brevet, finalement réussi. En 1938 le vol à voile réunit désormais 38 membres, dont 9 brevets A, 5 brevets B, 3 brevets C (moniteur) et 14 de remorquage. Marc Dugerdil devient alors le nouveau moniteur de vol en même temps que Jean de Würstenberg.

Parmi les nombreux progrès sportifs de ces vélivoles on doit plusieurs records à Marc Dugerdil. Ces records, il convient de les regarder avec les yeux et les performances de finesse des planeurs de l’époque et plus ce dernier chiffre est faible moins le planeur vous porte : en avril 1938, à bord du S 18 III (finesse 18), Dugerdil réalise un vol de 72km, Cointrin-Divonne-Yverdon, puis une grimpée de 1.000 à 3.200m. En août, il tient l’air 5h10 avec le Grunau Baby II lors d’un cours pour moniteur à Berne (no.179, finesse 18). A la fin de la guerre, en août 1945, lancé sur 250m par un treuil à Samedan, il monte son Spyr III à 4.000m (no.38, finesse 25). Il est entre temps devenu président du Groupe de vol à voile en 1942 et le restera pendant 17 ans jusqu’en 1958. En 1966, il reprend ce flambeau jusqu’à 1971 et cumulera ainsi 23 années à la tête de ce groupe. Celles-ci sont encore constellées de stages de vol variés en Europe et de présence, bien-sûr, aux séances mensuelles du Conseil de l’Aéro-Club de Genève.

De l’agriculture genevoise à la paternité de Montricher

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Le DG1001S, HB-3434 "DUG", baptisé en l’honneur de Marc Dugerdil en août 2009 (ph. P.Mégard).

Dans sa vie professionnelle Marc Dugerdil débute en mars 1942 sa fonction de sous-chef de service au Service de l’agriculture au sein du Département de l’intérieur et de l’agriculture genevois. A l’époque, l’agriculture dispose de pouvoirs étendus impliqués par l’économie de guerre. Nommé directeur de cet office en juillet 1954, Dugerdil prendra une retraite anticipée à 62 ans après 30 années au service de l’Etat et avoir contribué à la mutation de son domaine : "Spécialiste des questions agricoles, tant sur le plan cantonal que national, M.Dugerdil a terminé le programme des remaniements parcellaires et des drainages du canton. Il a été associé à toutes les mesures qui ont été prises ces dernières années afin de permettre à l’agriculture genevoise de passer du stade familial à celui de véritablement industriel" (1971).

En parallèle, pendant ces années, Dugerdil continue de battre ses propres record à bord des nouveaux appareils du Club : en août 1964, sur un "Bocian", avec un passager, il atteint une altitude de 4.800m au dessus de la Faucille (finesse 27) ; en juin 1968, sur le "Jaskolka", c’est un gain de 3.000m à Aoste (no.583, finesse 28) ; en avril 1977, avec le "Jantar", à Sisteron (F), encore un gain d’altitude de 5.000 à 6.400m (no.1215, finesse 47) ; en mai 1977 c’est un circuit de 300km entre Montricher, La Barillette, Balsthal et retour ; en décembre 1978 ; à 70 ans, c’est aussi un circuit de 500km à 92km/h de moyenne.

Après des années d’errance sur divers terrains entre Genève, Puplinge où il était déjà chef de place, Prangins et Sion, on doit beaucoup à Marc Dugerdil pour la création de la base de vol à voile de Montricher (VD) commune aux vélivoles genevois et vaudois (voir : Lieu). Ce lieu est articulé autour d’une fondation dont Dugerdil fut le premier président. C’est seulement après cet autre exploit territorial qu’il passe la présidence du groupe à Kurt Schillig. Dugerdil est alors nommé président d’honneur du Club en avril 1972 et continue malgré tout le monitorat tout en participant aux concours romands et nationaux. En été 1977 il devient champion romand de vol à voile Saanen, devant 25 concurrents.

Et à la paternité d’un autre grand vélivole

Parmi ses enfants, Dugerdil a le plaisir de voir son fils Yves (né en 1944) partager sa passion et pour laquelle son père, dans son ouvrage, cite des performances dès 1964. En 1985, Yves Dugerdil termine 8ème aux championnats du monde ! Marc, qui ne vole plus, reste présent aux invitations du groupe à Montricher jusqu’en 2001. Il décède à 99 ans en mai 2008. Un planeur DG-1001S "DUG" du Groupe Genevois de Vol à Voile de Montricher porte désormais son nom depuis août 2009.

 

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A la fin des années 60, à Aoste, Marc Dugerdil (à droite) en conversation avec Philippe Loutan. Sur la gauche, son fils Yves, futur recordman du vol à voile.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  mercredi 30 septembre 2009
  • Par Marc Dugerdil : "Destin d’une famille paysanne, destin d’une terre : mille ans d’histoire genevoise." Ed. Slatkine, Genève, 1989-1990. Volume 1, 242p. : Mandement de Jussy - l’Evesque (1290-1536). Volume 2, 354p. : Mandement de Peney (1543-1924).
  • [03.2015] Marc Dugerdil, chantre du vol-à-voile genevois (1909-2008) (diaporama, 2’24’’, 6Mo). Format MP4.

     
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