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[article n° 468]
René Vidart, l’un des 4 finalistes du raid aérien Paris-Rome, héros de l’air à 21 ans (1911), 2ème partie [vidéo]
  Le jeune Divonnais René Vidart entra en aviation avec succès en juin 1910. En fin d’année il bat déjà quelques records et se fait un nom grâce à ses vols remarqués sur la Côte d’Azur. Au printemps 1911, proche de ses 21 ans, il s’inscrit comme le plus jeune concurrent d’un raid aérien qui connaîtra de nombreux abandons : Le Paris-Rome. Après 8 jours de lutte, Vidart sera l’un des 4 rescapés à l’arrivée et connu mondialement. Voici la 2ème partie du récit de ce raid raconté par Vidart en personne (première partie ici =>Récit).
René Vidart à bord de son Deperdussin sur cette carte italienne. Une casse due au public, à 250km de Rome, ainsi qu’un jour férié national lui firent perdre 2 places au classement final (juin 1911).

Cinquième jour : Nice – Gênes, premier pas dans la Péninsule

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Couverture allégorique du "Petit Journal" du 11 juin 1911.

- [Jeudi 1er juin] "J’étais arrivé à bon port avec un moteur dans un état lamentable. Heureusement, les automobiles me suivant apportèrent des pièces de rechange et ce matin, à 5h, je pris la direction de Gênes au-dessus de la mer. Malgré tous les obstacles restant à vaincre, j’étais sûr que j’allais faire voler avant peu mon Deperdussin-Gnome sur la Rome antique tant convoitée. J’étais alors en très bonne posture, mais hélas, n’en avais pas fini avec les ennuis et incidents de toutes sortes ! Au départ de Nice, mon moteur tournait avec une réconfortante régularité. Je passais devant Monte-Carlo, suivant un parcours familier. Sentant mon arrivée à Gênes de plus en plus certaine, je me laissai aller à une certaine somnolence due à l’heure matinale et au temps magnifique qui ne n’obligeait pas à se débattre contre des remous. Rien n’est plus monotone que ces vols au-dessus de la mer. Au début la tension d’esprit est énorme car on imagine à chaque seconde que le moteur va s’arrêter et que l’on prendra avant peu un bain en pleine mer. Mais, peu après on se laisse aller à une confiance illimitée. Comme on rencontre peu de violents remous sur les flots, l’appareil se conduit facilement et le pilote est en proie à une dangereuse somnolence."

- "Mon moteur se chargea bientôt de me rappeler à la réalité et de me faire sortir de mes rêves. En face de Savone, alors à 4km du rivage et à seulement 300m d’altitude, j’entendis soudain le "bafouillement" significatif du moteur, puis plus rien. C’était l’arrêt ! J’eus l’impression très nette de la mort imminente et pendant que je mettais mon appareil en vol piqué, dans la direction des vagues, je voyais toute ma vie repasser devant mes yeux et adressais une prière à celui qui est plus puissant que tous les ingénieurs du monde. Je suis bien forcé, en effet, de donner ce titre à Dieu, puisqu’à 10m de l’eau, sans que je sus pourquoi, mon moteur reprit tout à coup. Je n’eus pas besoin de vous dire avec quel empressement je ramenais mon appareil à des hauteurs plus prudentes. Après cette émotion, je passais au-dessus des torpilleurs italiens échelonnés sur le parcours. Tenant à remercier les marins italiens de la protection qu’ils accordaient aux oiseaux de France, je descendais, venant jusqu’à leur niveau, et faisais aux officiers et matelots qui applaudissaient, le salut militaire le plus correct que l’on m’eût appris aux cuirassiers de Lyon."

- "Enfin j’aperçus bientôt le grand port de Gênes : des mâts et des mâts incalculables ! Un ballon m’indiquait le terrain d’atterrissage de la grande place d’armes située auprès du port, ce qui donnait, vu d’en haut, l’impression d’une feuille de papier de grand deuil : un rectangle clair avec tout autour une foule si intense qu’on la distinguait à peine. A mon atterrissage, mon 1er en Italie, mon cœur battait avec violence [07h]. La 1ère personne qui me félicita fut le Consul de France qui m’embrassait en me remerciant de ce que je faisais pour mon pays. Hélas pour lui, mes joues étaient couvertes d’huile de ricin et je me souviendrai toujours de la grimace que ce contact fit faire au Consul. Je monte ou plutôt on me monte dans une automobile qui m’entraîne vers le premier hôtel de Gênes pour une heure de repos. Vous ne pouvez vous figurer les réceptions que les aviateurs français se virent réserver en Italie ! C’était du délire !"

La côte italienne : Gênes—Pise—Cecina, l’accueil chaleureux, les paparazzi, etc.

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Le 1er juin René Vidart qui Nice pour Gênes, survolant Monte-Carlo.

- "Je réussis à me faufiler dans la chambre de façon à prendre un bain, alors que la rue était noire de monde et l’hôtel envahi par la foule qui se pressait contre ma porte au point de la faire éclater. Mes managers arrivèrent en automobile pour me demander quels soins apporter à mon appareil et au moteur. Ce n’est qu’après des difficultés sans nombre qu’ils atteignent ma porte. J’étais à ce moment en train de faire ma toilette et ce n’est qu’après leurs injonctions répétées que je décidais d’entrebâiller l’huis. Une poussée formidable se produisit alors et, avec mes amis H.Papa et Besnard, une multitude compacte pénétra dans la chambre. On y reconnaissait des dames très élégantes de la haute société génoise. Imaginez avec quelle célérité je me dissimulais dans la baignoire, laissant à mes managers le soin de faire le service d’ordre. En vue de m’habiller, je sonnais le groom pour l’envoyer m’acheter du linge, mes bagages étant des plus modestes. Il revint les bras chargés de chemises, caleçons et chaussettes de soie. Effaré par le luxe de ces articles, je lui en demandais le prix, il me répondit que je n’avais pas à m’en préoccuper, un prince italien membre du comité, ayant réglé la note. A ce noble inconnu, par la voix de mes souvenirs, j’adresse mes remerciements."

- [Jeudi 1er juin] Mon retour à l’aérodrome s’effectua au milieu d’une cohue épouvantable. J’avais toutes les peines du monde à rejoindre mon appareil. Au départ, un jeune homme me demanda d’avoir l’honneur de lancer mon hélice. Je le lui accordais volontiers et je vous assure que ce n’était pas très difficile, car la compression de mon moteur avait bien diminué depuis Paris. [10h45] Me voilà à nouveau au-dessus de la pleine mer. J’aperçois tout autour les montagnes qui trempent leur pied dans l’eau. Je commençais à regretter les plaines de la Beauce. Enfin, vers 11h, j’arrive à la hauteur de Pise : grâce aux renseignements précis qu’un officier italien me donna à Gênes, je trouvais facilement l’aérodrome où personne d’ailleurs n’attendait mon arrivée à cette heure [12h25]. J’avais effectué tranquillement 400km au-dessus de la mer dans la matinée ! Vite une automobile m’emmenait à l’hôtel où je retrouvais mon camarade André Frey, en panne depuis 2 jours suite au bris de son appareil."

- "Je me hâtais de déjeuner et je reprenais rapidement mon vol à 17h. Ma randonnée du matin m’avait donné du courage et j’étais décidé à ne reposer mes roues que lorsque la Ville Eternelle serait atteinte. Si je n’avais pas été victime d’incidents multiples, je pouvais être 2ème de la course Et quelle gloire cela aurait été de m’attribuer cette place avec l’appareil que je montais depuis Paris. Hélas, pendant que je me livrais à ces considérations enchanteresses, une bougie se permit de ne plus pousser son travail plus avant ! Comme 6 cylindres ne suffisaient pas à mon monoplan, j’étais bien obligé d’atterrir. C’est ce que je fis à Cecina. La descente fut normale, dans un terrain labouré, de peu de valeur commerciale pour faire un aérodrome."

Cecina : les paysans inconscients et l’accident

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Le Depersussin de Vidart renversé et cassé en deux à Cecina (1er juin).

- [Jeudi 1er Juin : 2ème au classement général] "Rarement je vis une foule aussi enthousiaste et bizarre que celle qui m’entoura. Des braves paysans italiens se mettaient à genoux embrassant mes vêtements noyés d’huile de ricin. Ils croyaient que j’étais un ange ou quelque diable descendu des cieux. Bientôt 3.000 personnes se pressèrent autour de moi et mon travail le moins pénible fut la réparation de la panne. Une fois la bougie rebelle changée, je me préparais à repartir, n’ayant que 100m devant moi avant l’existence d’un large fossé. Il fallut faire ranger la foule et ce ne fut pas chose facile. Enfin, grâce à mes paroles dont ils ne saisissaient pas le sens, grâce à mes imprécations qu’ils ne comprenaient pas malgré leur énergie, les braves Italiens, qui croyaient sans doute que je m’enlevais directement vers les nues, finirent par se ranger sur 2 lignes approximatives entre lesquelles je devais décoller. Me voilà parti ! Mais mon appareil était lourd, j’avais toutes les peines du monde à lui faire quitter le sol, quand soudain devant moi 10 paysans viennent se ranger pour me voir de plus près. Sinistre seconde ! Je n’avais pas l’embarras du choix : ou tuer les 10 importuns, ou risquer la mort. Je préférais la dernière solution."

- [19h, après 285km] "Par chance, j’en sortis sans trop de mal, restant cependant sous le choc, évanoui un quart d’heure. Mais mon pauvre monoplan était totalement brisé dans le fossé. Et quand je revins à moi, le voyant coupé en 2, avec le moteur enfoui dans le sol, j’eus une crise de larmes qui m’émeut encore lorsque j’y pense. J’embrassais mes chères ailes brisées, me roulais à terre de désespoir et pendant ce temps tous les malheureux qui avaient été cause de ma chute pleuraient encore plus fort que moi. C’était un concert de lamentations qui montait vers les cieux, mais comment allais-je faire pour terminer la course, car je voulais la terminer ?"

"Après des péripéties sans nombre, mes mécaniciens finirent par me trouver et, grâce à leur dévouement et à leur énergie, réussirent un tour de force semblant presque impossible : en une nuit et un jour, sous le soleil italien, en plein champ, malgré la fatigue, ils remettaient mon appareil sur pied."

Septième jour : Cecina—Orbetello, une troisième casse

- [Samedi 3 juin p.m.] "Je m’élançais alors de nouveau, entouré de ces vrais amis, mais ce départ était assez dramatique. Mon monoplan ne tenait que par des bouts de bois attachés avec des ficelles et n’était plus en somme qu’une pauvre loque glorieuse que je voulais conduire à Rome. Mes managers et mécaniciens m’embrassèrent au départ comme s’ils ne devaient plus me revoir et mon fidèle ami Papa ne cachait pas ses inquiétudes. – « Surtout, petit, me disait-il, fais attention à l’atterrissage, car à peine te seras-tu posé que ton "coucou" s’écrasera. » Je m’élevais assez rapidement à 300m d’altitude, il semblait que le petit bois que je laissais à Cecina me donnait de la légèreté. Mais que me réservait l’atterrissage à Rome ? Et voilà que ma pression commençait à me donner des inquiétudes ! Je ne puis continuer dans ces conditions et suis forcé de me poser à Orbetello [19h07]. Le crépuscule allait faire place à la nuit et la foule qui ne m’attendait plus était très surprise de me voir arriver. Elle s’empressait de courir avec des torches vers le terrain propice. Apercevant ces feux, je pensais que je devais descendre à l’endroit qu’ils désignaient. Hélas je me trompais et me posais dans un terrain des plus accidentés. Ah, quel saut périlleux ! Cette fois, il ne restait plus rien de mon appareil !"

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Portraits des vainqueurs et seuls 4 rescapés du raid.

- "J’étais cependant assez tranquille sur l’issue de la course, car après ma chute de Cecina, j’avais envoyé une dépêche désolée à Mr Deperdussin. Il arrivait par le rapide à Rome avec un appareil tout neuf que l’on pourra monter durant toute la journée de demain, car on procédait à l’inauguration du monument de Victor Emmanuel à Rome, et les vols étaient interdits. D’autre part je n’avais plus grand besoin de me hâter, étant maintenant sûr de ma place de 4ème, Frey étant passé au-dessus de ma tête pendant mon accident de Cecina et s’étant classé 3ème. J’étais le seul encore en course et mes espérances devaient se contenter du dernier rang. A Orbetello, j’avais atterri près de la gare. Là encore la réception fut enthousiaste. Un rapide venant de Rome passa bientôt et les employés ayant annoncé mon atterrissage aux voyageurs, ceux-ci émirent une chaleureuse ovation qui me rendit courage. J’en avais besoin, car je commençais à être quelque peu abattu par les successives attaques du mauvais sort."

- "Un cabriolet antique me conduisit ensuite en ville où je désirais manger, car je mourais de faim. Mais là-haut, les rues étaient noires de monde et j’avais grand peine à me frayer un passage avec mon équipage à travers la multitude qui m’adressait les plus bruyants vivats. Pendant le diner, je fus plusieurs fois obligé de me mettre à la fenêtre et d’adresser des sourires pour remercier ceux qui applaudissaient à ma fâcheuse fin de course. Quand, à bout de forces, je pouvais enfin m’étendre avec volupté dans mon lit, à peine fermais-je les yeux que la musique de la localité faisait retentir la Marseillaise et m’obligeait à paraître une ultime fois pour remercier la population de ses attentions touchantes, mais combien bruyantes. Le lendemain soir [4 juin], mon vieil appareil était remonté et je fixais mon départ pour le matin suivant à 6 heures."

- "Alors que j’étais à Avignon le 30 mai, mon frère épousait la fille du gouverneur de Lyon et je ne pus assister au mariage. Mais par une charmante attention, ma belle-sœur demanda à son mari, comme voyage de noce, de suivre ma course. Ils brûlaient les étapes pour arriver avant moi à Rome et le mauvais sort qui m’accablait favorisait leur tentative. Je savais qu’ils passeraient à Orbetello à 5h30 du matin, peu avant mon envol pour Rome. J’allais donc à la gare où, à l’arrivée du train, je demandais s’il ne se trouvait pas un officier français, frère d’un aviateur courant Paris-Rome. Aussitôt l’employé des sleepings me répondit : - « Mais oui, M. Vidart, votre frère est là !" J’allais réveiller le couple en sursaut et avais ainsi le plaisir de les embrasser. Je leur montrais au loin, dans la brume matinale, mon appareil qui étendait ses ailes blanches et leur dit : - « Dépêchez-vous dès votre arrivée à Rome, de monter à l’aérodrome du Parioli, car dans 3h je volerai au-dessus du Vatican, si Dieu le permet. J’espère qu’il m’accordera cette grâce, car j’ai vraiment eu trop de malchance jusqu’ici dans cette course. » "

Neuvième jour : Orbetello—Rome, enfin !

- [Lundi 5 juin] "Une demi-heure après le train, je reprenais l’air. Tout marchait à merveille. Je pensais sans cesse au rendez-vous que je venais de donner, quand, à Civitavecchia, à 50km de Rome, nouvel incident : ma poire de pression saute à nouveau ! Sentant le but très proche, je devenais fou dans l’appareil ! Avec une imprudence que je regrette maintenant, car en aviation il faut de l’audace, mais non de la folie, je tentais cependant la chance pensant que j’aurais peut-être assez d’essence pour arriver à Rome sans incident. J’avais raison ! Et j’apercevais enfin la capitale s’estomper dans le lointain : mon cœur battait violemment ! Mais mon niveau d’essence baissait avec une rapidité déconcertante. J’étais enfin sur Rome ; je survolais le Vatican et distinguais très nettement à une fenêtre le Pape qui me bénissait au passage. C’était ensuite le forum immense, champ de colonnes brisées. Ce que j’avais appris au collège défilait alors dans mon esprit, dont ces hommes fameux qui foulèrent de leurs pieds le sol au-dessus duquel je passais triomphant, enfin, songeant aux progrès de l’humanité."

- "Mais ce savant entretien avec moi-même ne me fit pas oublier la réalité des choses et j’aperçus enfin un gros ballon argenté qui m’indiquait le Parioli ; c’était l’aérodrome que j’attendais depuis juste 8 jours, c’était le but ! J’arrêtais mon moteur et descendais à pic. A peine m’étais-je posé que je me voyais entouré d’une foule considérable [09h11]. Pendant 2 minutes je ne fis que répéter : - « Suis-je bien à Rome ? Suis-je bien à Rome ? » Et quand pour confirmer les affirmations des personnes présentes, je vis mon frère accourir vers moi pleurant de joie, je sautais en voltige hors de mon appareil et me mettais à danser une gigue effrénée. Des amis, d’anciens camarades que j’avais connu sur les champs d’aviation français venaient me serrer la main. Je les embrassais, j’embrassais tout le monde, j’étais fou. Ma belle-sœur qui eut des difficultés avec un commissaire pour passer arriva également et vous ne pouvez vous figurer le bonheur éprouvé à me sentir entouré de membres de ma famille."

- "J’étais surpris de ne pas voir là M. Deperdussin qui devait être à Rome depuis la veille. Nous sautions dans une automobile qui avait toutes les peines du monde à traverser la foule qui m’acclamait et j’allais vite à l’hôtel où mon constructeur était descendu. Montant directement à sa chambre, je le trouvais étendu sur son lit. Depuis 6h du matin, il attendait mon arrivée, mais le chasseur avait oublié de le réveiller. Il se jeta dans mes bras me remercia de ce que je venais de faire pour sa maison. Et je regrettais de ne pas avoir pu faire mieux, tant j’étais heureux de voir briller la satisfaction dans les yeux de cet homme qui était si bon envers ses pilotes. Pendant 3 jours, les réceptions succédèrent aux réceptions. Durant mes moments de liberté, j’allais visiter avec mon frère et son épouse les musées et toutes les antiquités romaines. La nostalgie de mon pays me prit bientôt. Je désirais revoir ma chère famille et tous mes amis. J’étais arrivé à un tel point qu’un jour, le prince Potenziani me demandant ce que je trouvais de plus beau à Rome, je lui répondis sans hésitation : - « C’est la gare et le rapide pour Paris ! »

 

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Grande fête en fanfare à Divonne pour accueillir René Vidart, héros local (11.06.1911).

Les honneurs et la famille

- "Nous partîmes d’ailleurs bien vite avec M.& Mme Deperdussin, mes managers et mécaniciens. Le voyage fut très agréable : à chaque gare italienne, on m’offrait des bouquets de fleurs. Ce qui me plut le plus fut l’arrivée à la gare de Lyon (Paris) où les délégués de différentes sociétés sportives et les ouvriers de chez Deperdussin m’apportèrent leurs félicitations et de superbes gerbes de fleurs. J’étais très ému, mais je ne devais pas oublier l’avenir. Encouragé par ce quart de succès, je passais le soir même aux bureaux du "Journal" pour signer mon engagement dans le prochain raid. Après 4 jours de réceptions à Paris, je repartais avec mes mécaniciens pour Divonne, mon pays natal, où une fête grandiose m’attendait. A la gare, discours, musique et vivats m’étaient prodigués par une population fière, enfin, de me compter parmi ses enfants. Mais ma plus grande joie fut de pouvoir embrasser mes chers parents qui durant toute la course vécurent des minutes d’angoisse et de tristesse. Après une semaine au milieu de mes montagnes je m’arrachais encore à l’affection des miens pour aller courir le grand raid du Circuit Européen." Signé René Vidart.

NB : Le raid Rome-Turin fut annulé après l’inintérêt de René Vidart, l’accident de Frey, à cause du mauvais temps et avec seulement 2 concurrents. Le Paris-Rome ne compta donc que 1.465km. Les vainqueurs furent : 1er André Beaumont (1880-1937), sur Blériot, arrivé le 31 mai, en 82h05’ (100.000 francs de prix, y compris les prix spéciaux aux divers contrôles) ; 2ème Roland Garros (1888-1918) qui utilisa 3 Blériots, arrivé le 1er juin, en 106h16’ (45.000Fr de prix) ; 3ème André Frey (1886-1912) sur 2 Morane-Borel, arrivé le 3 juin, en 132h11’ (23.000Fr de prix) ; 4ème René Vidart (1890-1928), sur Deperdussin, arrivé le 5 juin, en 171h41’ (20.000Fr de prix). Mentionnons que les 3 premiers changèrent de monture ou de moteur en cours de route alors que le jeune Vidart n’utilisa qu’un appareil habilement rapiécé malgré ses 3 accidents.

Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  jeudi 1er septembre 2016
  • Pour d’autres informations, lire : Ma carrière d’aviateur, par René Vidart, "La Vie au grand air", juin-juillet-août-1914, ills, à la "Librairie".
  • [09.2016] René Vidart et quelques concurrents du raid Paris-Rome : 10 jours épuisants (28.05 / 05.06.1911) (diaporama, 05’00’’, 13Mo). Format MP4.

     
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