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[article n° 78]
Soulevé dans les airs au-dessus de Cologny accroché à un cerf-volant (1844)

 

Le grand physicien Genevois Jean-Daniel Colladon utilise d’abord le cerf-volant pour mesurer l’électricité dans l’air. Avec son beau frère Périer-Ador ils testent le guidage d’un cerf-volant, le largage depuis le ciel et le soulèvement d’un homme par ce même moyen.


Illustration de l’expérience de J.D. Colladon à Cologny en 1844.

Le cerf volant pour tester l’électricité dans l’air et pour offrir des fleurs

C’est à l’automne 1826 que Jean-Daniel Colladon (1802-1893) utilise la première fois un cerf-volant pour déceler et mesurer l’électricité dans l’air. Depuis chez un parent habitant Cologny il pratique des expériences par diverses météos en utilisant 3 cerfs-volants tirant sur la même corde qui est dotée d’un fil conducteur en argent. Le résultat se concrétise par de grandes étincelles colorées visibles au lieu d’ancrage au sol, sur une sphère métallique, 400m plus bas que le cerf-volant. Ce qu’il convient d’éviter alors, c’est d’attirer la foudre ! Après un séjour glorieux à Paris (1828-1839), Colladon rentre à Genève pour occuper la chaire de mécanique et continuer ses recherches variées dont celles utilisant un cerf-volant.

A l’été 1844, le voisin et beau-frère de Colladon, M. Périer-Ador a construit en bambou et toile un cerf-volant d’une surface de 1,35m2 relié à 300 m de corde. Il s’en sert pour larguer des paniers de fleurs ou de fruits depuis le ciel, à des parents du voisinage ! Il a inventé un système simple et efficace : un cylindre qui coulisse le long de la corde et un chargement surmonté d’une sorte de petit parapluie, attaché au cylindre, le tout se déplaçant le long de la corde. Le vent s’engouffre dans le parapluie et entraîne la charge qui ne peut que glisser vers le haut. A quelques mètres sous le cerf-volant, un butoir stoppe le cylindre et déclenche le décrochement du chargement ; le panier chute alors au sol retenu par le parapluie comme par un parachute. Le tube redescend alors vers l’opérateur et l’on peut recommencer la manœuvre. Un jeu amusant qui ne permet de lâcher ses fleurs que là où le vent veut bien entraîner le cerf-volant, mais ne permet pas de livrer ainsi à coup sûr, tous les jours, à qui l’on veut.

Colladon va proposer à Périer-Ador d’améliorer son système par l’emploi de deux cordes distinctes accrochées chacune au tiers de la largeur du cerf-volant. L’appareil va maintenant pouvoir être dévié sur la gauche ou sur la droite en tirant l’une des 2 cordes. L’appareil va s’orienter ainsi sur une distance de 100m de chaque côté de l’axe du vent, malgré le poids de la seconde corde, un progrès considérable dans le largage de végétaux !

Soulever un homme dans le ciel ?

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L’installation du mannequin.

Le procédé "d’ascenseur aérien" va faire naître à Colladon l’envie de faire monter dans les ciel un être humain en grandeur réelle, assis sur une chaise. L’expérience débute avec un mannequin :"

- "Le mannequin pesait un peu moins de 6 kg, je le préparais comme suit : un édredon pesant moins d’un demi kg fut revêtu d’une blouse et placé sur une chaise dite de Florence, et dont le poids total était de 2,3 kg ; à cet édredon l’on avait fabriqué une tête et avec un masque et un mouchoir de couleur et un chapeau de paille ; l’homme avait deux bras cousus dans la blouse et il les croisait sur sa poitrine, tenant un vaste parapluie qui devait servir de moteur [d’ascenseur] et dont les branches étaient retenues pour ne pas être renversées. Deux jambes figurées par des bottes légères étaient attachées à la chaise et le tout était fort bien arrangé. J’apportai l’homme dûment harnaché sur sa chaise, un jour que le vent soufflait avec violence, nous mimes deux tubes, dont un pour le haut du corps..."

Le parapluie est ouvert dans une position telle qu’il sert de propulseur sous l’action du vent alors que le mannequin semble lui s’abriter du soleil. L’action du vent produisit son effet et l’homme fut enlevé à près de 200m de hauteur, au grand ébahissement des curieux qui abondaient sur la route. Une diligence qui passait s’arrêta même quelques moments et bon nombre de curieux prirent le mannequin pour un homme véritable". On peut imaginer l’étonnement du public qui n’avait même pas encore vu s’élever de ballon à gaz ou une montgolfière à Genève en 1844 ! L’enlèvement d’un véritable être humain avec l’aide de cerfs-volants plus importants ne sera finalement pas été tenté par Colladon et il semble que cela se soit réalisé ailleurs, par Corner, en 1859.

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Le système de largage de Périer-Ador.

La traversée de la Rade en cerf-volant : le dynamoptère !

Les deux beaux-frères décident de faire traverser le lac Léman dans sa plus grande longueur à un cerf volant. Ils fabriquent un appareil de taille moyenne dont la corde est reliée à un flotteur en bois qui traîne sur les eaux du lac.

- "Je pensai qu’il serait infiniment plus simple d’avoir un flotteur qui pourrait à volonté dévier le cerf-volant [ou un ballon] et lui donner une marche dans le sens le plus favorable …. La faculté que présente ce flotteur plat retenu par deux points à la fois … permet d’aller perpendiculairement au vent ou sous un angle quelconque…. Je signale ici ce moyen avec la double corde qui permet de rendre l’obstacle au vent direct et de courir des bordées, comme avec un navire qui est réduit pour le cas à un flotteur simple… Avec un appareil flotteur, il est permis de tenter la traversée, même par un vent qui aurait une direction qui suivrait l’axe du canal, ou toute autre direction."

Le cerf-volant est calé pour avoir une orientation vers la droite. Le courant du lac est à cet endroit orienté vers le sud alors que le vent est orienté au nord. Ils lâchent leur cerf-volant depuis Cologny :

- "Nous ne pûmes pas suivre notre flotteur et le cerf-volant, mais aussi longtemps que cela nous fut possible, nous le vîmes traverser le lac dans la direction de Versoix et de Coppet.".

On ne connaît pas la suite de l’opération qui a dû se terminer sur un rivage du lac.

C’est dans un article de 1887 que Colladon rapporte ses diverses expériences faites à l’aide de cerfs-volants, informations qui ne sont pas contenues dans son ouvrage de 1893, de 636 pages : "Souvenirs et mémoires, autobiographie". Cet ouvrage contient de plus la bibliographie de ses nombreux écrits, mais pas celui utilisé ici.

 

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Le dynamoptère de Colladon, apte a remonter un courant d’eau, ou le Léman, à l’aide du vent.
Par : Jean-Claude Cailliez
Le :  lundi 29 août 2005
  • Pour plus d’informations, voir : La Nature du 18.07.1887, pp:97-99, 4 ills.
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