Le site des pionniers de l’aéronautique à Genève 
Des Genevois chez eux ou ailleurs et des étrangers dans Genève 
 | Agenda | Plan du site  | Pionnair-GE in Deutsch | Pionner-GE in English | Espace privé 
 
 
Deux prototypes originaux de chasseurs d’Armand Dufaux pour l’armée française (1915-18) [vidéo]

 

Au début de la 1ère Guerre mondiale, l’hélice tractrice placée à l’avant des avions de chasse gêne l’emploi de la mitrailleuse ou même du canon. Différents systèmes sont pratiqués. Armand Dufaux, maintenant industriel parisien, applique une méthode personnelle et produit deux prototypes pour l’armée française, à la demande d’un grand as de la chasse.


Croquis du brevet suisse de Franz Schneider (1913) décrivant la solution au problème, mais curieusement oubliée par tous au début de la 1ère Guerre mondiale.
  • Articles associés : Appareils Chasseurs Dufaux C1 et "Canon" |*| Biographie de H. & A. Dufaux |*|
  • Différentes idées pour permettre le tir de la mitrailleuse à travers le champ de l’hélice

    Au début de la 1ère Guerre mondiale, l’hélice tractrice placée à l’avant des avions de chasse gêne l’emploi de la mitrailleuse. On utilise des moteurs rotatifs sur lesquels l’hélice est boulonnée. Moteur et hélice tournent ensemble à la même vitesse, obstruant un espace circulaire significatif à l’avant de l’avion. A cette époque, les Alliés manquent encore d’un système pour synchroniser le tir des armes avec la rotation de l’hélice.

    En France, on attribue à tort l’invention d’une solution à Roland Garros, mais c’est le constructeur Saulnier (futur Morane-Saulnier) qui fait de premières expériences. On doit aussi savoir que le suisse Franz Schneider (1871-1941), naturalisé allemand après avoir travaillé chez Nieuport en France, a pris un brevet le 15 juillet 1913 pour cette synchronisation d’une mitrailleuse et de l’hélice (no.276/396), procédé qu’on oublie étonnement au début de la guerre. A la même époque, les Russes Poplavko et Smyslov-Dybovski font des expériences similaires. Le 18 avril 1915, Garros est abattu, fait prisonnier. Son Morane-Saulnier capturé intact testait le système de blindage de l’hélice. Du côté allemand on va dès lors faire mieux et Anthony Fokker résout et améliore rapidement le problème à l’avantage de la chasse allemande, réinventant le concept de Franz Schneider.

    Dès 1914, pour régler ce problème chez les Alliés, on voit naître plusieurs projets par différents constructeurs :
    - Le blindage de l’hélice contre les balles. Certaines balles passent entre les pales, d’autres s’écrasent sur le blindage, c’est un demi succès. Il s’agit du brevet Deperdussin (alors en faillite) daté du 1er janvier 1914, testé par Garros en 1915 (type Morane-Saulnier, etc.).
    - Le tir au-dessus de l’hélice. La mitrailleuse est atteinte à bout de bras et se situe au-dessus de l’aile supérieure, le pilote vise au juger. Emploi peu pratique, imprécision du tir, le pilote est gêné dans son pilotage (type Bébé Nieuport).
    - Le déplacement du moteur vers l’arrière de l’appareil, avec une hélice propulsive et un fuselage bi-poutre. L’avant de l’avion est ainsi dégagé pour le pilote avec ou sans un coéquipier mitrailleur : avions peu performants en combat aérien (types Farman, Voisin, Vickers).
    - Le concept d’avion bimoteur tractif. Un moteur situé de chaque côté de la carlingue dégage le devant du cockpit : appareils plus lourds et peu manœuvrant en combat (type Caudron G4).
    - Les avions biplaces avec un mitrailleur tirant en position debout, ou tirant assis dans ce cas sans jamais tirer vers l’avant : poids supplémentaire du coéquipier mitrailleur, appareil un peu plus grand (types Dorand, Breguet, Avro 504)
    - Etc...,

    Ce n’est qu’en avril 1916, après la capture d’un avion Fokker allemand intact, que le système de synchronisation entre l’arbre d’hélice et la gâchette des armes, via une came, est connu puis adapté aux appareils alliés. Le nouveau chasseur français SPAD VII, parmi d’autres, dès la fin 1916, équipé de ce dispositif ainsi que d’un moteur Hispano-Suiza (cf. le genevois Marc Birkigt, Récit) rendra alors la suprématie aérienne aux Alliés sur l’adversaire.....

    La réponse d’Armand Dufaux au problème

    JPG - 10.1 ko
    Maquette du Dufaux C1 avec sa curieuse hélice placée au centre du fuselage.

    Le Genevois Armand Dufaux est un de nos pionniers de l’aviation suisse les plus talentueux. Il traversa le lac Léman dans sa plus grande longueur en août 1910 sur un avion construit avec son frère Henri. En 1913, retiré de la géniale aventure Motosacoche (motocycles), ayant revendu ses activités d’aviation suisses à Ernest Failloubaz, il s’installe à Paris comme industriel au sein de diverses sociétés : la Société anonyme des avions Dufaux, anciens établissements Ponnier (67 Bd Bessières, Paris, usine au 33 rue Croulebarbe) ; la Société Hanriot-Ponnier-et-Cie dont il est un des 3 principaux actionnaires, exploitant la licence Dufaux No.74394 du 22 janvier 1915. En 1915, il fonde également la Société pour la construction et l’Entretien d’Avions (SCEA ou CEA) et dirige cet atelier de réparations des avions militaires Nieuport venant du front, et la fabrication de pièces détachées pour la constitution de lots de rechange, durant toute la guerre.

    En 1915, Armand Dufaux développe un moteur d’avion de 50cv, très léger, sur le principe de ceux qu’il avait réalisé avec son frère entre 1904 et 1908 pour leurs projets d’hélicoptère et le projet d’appareil convertible "Tilt-rotor" (voir :Récit). Ce moteur est retenu par la Commission des Inventions en présence de laquelle se déroulent des essais et des démonstrations très concluantes en 1917, mais hélas trop tard pour changer le cours de la guerre.

    Il va apporter une approche imaginative et originale au problème de l’usage d’une mitrailleuse tirant vers l’avant en dessinant une solution qui place le moteur de l’avion dans la carlingue, dans le dos du pilote et en plaçant l’hélice au milieu du fuselage (ce dernier est composé d’un avant et d’un arrière), juste derrière les ailes. Il s’agit du Dufaux-C1. L’avant est ainsi dégagé et un mitrailleur peut s’asseoir à la droite du pilote. Ce chasseur est envoyé à l’Escadrille N95 à Châteaufort pour des essais opérationnels. Les premiers tests se déroulent en avril 1916. Pas inattendu, des problèmes de refroidissement du moteur et de rigidité structurelle de l’ensemble apparaissent qui militent contre des développements ultérieurs. De plus, ce prototype apparait après l’introduction des premiers synchroniseurs efficaces de la mitrailleuse et aucune production de l’avion ne suit. Seul le prototype est construit. L’idée ne fut pas unique puisque le SPAD A.2. est né à la même époque sur le même concept, mais vola plus tôt, le 21 mai 1915. Quelque 100 exemplaires du A2 seront produits : 42 pour la France et 57 pour l’URSS.

    JPG - 9.4 ko
    Plan de l’Avion-canon d’Armand Dufaux en 1915 (photo MAE).

    Parallèlement et également dès 1915, sur la demande de l’as de la chasse Nungesser, Armand Dufaux étudie un appareil qui permette de placer un canon à l’avant de l’appareil. On met beaucoup d’espoir dans cette idée pour abattre plus sûrement l’adversaire touché. Le recul d’une arme placée sur une structure d’avion composée de bois et de toile ajoute encore à la difficulté. Armand Dufaux imagine un concept unique, soit deux moteurs rotatifs couplés, placés à l’avant au centre du fuselage devant le pilote, mais tournant latéralement, un de chaque côté. Ils entraînent ensemble un axe d’hélice avant tractrice qui laisse passer un canon au travers de l’axe d’hélice. Un appareil est construit puis testé à Villacoublay en 1917. Il est réceptionné par l’armée peu avant l’armistice de 1918.

    Entre temps quelques autres appareils sont équipés d’un canon (SPAD XII, etc.). Les moteurs en ligne (cf. Hispano-Suiza et autres) sont plus adaptés pour loger des armes dans le nez de l’avion, tirant dans le moyeu de l’hélice ou synchronisées avec elle. Fonck, Guynemer et quelques autres furent les rares pilotes qui osèrent utiliser le fameux canon tirant à travers l’hélice, grâce à une invention récente, mise au point par Marc Birkigt : notre compatriote genevois avait servi, ne l’oublions pas, comme armurier dans l’Armée Suisse...(voir : Biogr.)

     

    JPG - 64.2 ko
    Dessin du dispositif de synchronisation d’une mitrailleuse Hotchkiss par Morane-Saulnier (06.1914).
    Par : Jean-Claude Cailliez
    Le :  lundi 11 juillet 2005
  • Pour en savoir plus, voir le Musée de l’Air et de l’Espace (MAE) au Bourget (F) : www.mae.org . Lire : Les chasseurs français à hélice propulsive : Dufaux C1, de Michel Coviaux (F), 36p. ills, 12.2014. A la "Librairie".
  • Dufaux C1, avion-canon, Spad A1, A2, etc. (sonore, 02’, 42Mo), nécessite le plugin QuickTime, 7.1.3. minimum

    Vous êtes ici : Accueil > Récits > Deux prototypes originaux de chasseurs d’Armand Dufaux pour l’armée française (1915-18) [vidéo]